CAN 2017 : les tops et les flops de la compétition

Par kibaru

Les tops

Des lions revanchards
Bien malin celui qui aurait misé sur eux au début du tournoi. Pourtant, ce sont bien les Lions indomptables qui se sont imposés au Gabon, décrochant ainsi le cinquième titre de champions d’Afrique de leur histoire, quinze ans après leur dernier sacre. Une belle revanche prise sur l’Egypte, victorieuse par deux fois à leur détriment (1986 et 2008). Sans être flamboyants – 3 victoires dans le jeu, et 7 buts en 6 matchs -, les hommes d’Hugo Broos ont gagné au coeur et aux tripes, enfilant à tour de rôle le costume d’homme providentiel lorsque les circonstances l’exigeaient (Ondoa en quart, Aboubakar en finale notamment). Du travail de bro’.

Hugo Broos, plombier volontaire
L’entraîneur de la sélection camerounaise a réussi son pari, contre vents et marées. Souvent critiqué pour ses choix, Hugo Broos est parvenu à créer une équipe cohérente et impliquée, faisant la part belle aux nouveaux visages, à l’image de ce celui du milieu de terrain Christian Bassogog, élu meilleur joueur du tournoi. Et ce n’était pas gagné d’avance, au regard de la fuite de talents que le technicien belge a dû colmater. Pas moins de huit joueurs, Moting et Matip en tête, ont en effet décliné l’invitation qu’il leur avait lancée. Pas grave, le sélectionneur du Cameroun sait mener les jeunes jusqu’au sommet. Hugo Boss.

Mohamed Salah, le pied égyptien
Si les Pharaons s’étaient imposés en finale face au Cameroun, c’est sans doute lui qui aurait été élu meilleur joueur de la compétition, haut la main. Buteur décisif à deux reprises (face au Ghana en poule et au Burkina Faso en demie-finale), passeur en finale, le milieu de terrain de la Roma a tenu son rang durant le tournoi, assumant sans trembler son statut de star de la sélection égyptienne. Son talent n’a certes pas permis à l’Egypte de décrocher sa huitième couronne continentale. Reste qu’avec 31 buts en 51 matchs, à seulement 24 ans, Salah fait le boulot. On a beau être surnommé le « Messi égyptien », on ne peut pas tout faire tout seul non plus.

A l’épreuve des balles
Si les Pharaons et les Lions Indomptables se sont offerts une place en finale de la CAN, ils le doivent en grande partie à leurs portiers respectifs, tous deux auteurs de prestations majuscules durant la compétition. Décisif lors de la séance de pénaltys qui opposait l’Egypte au Burkina Faso en demie, Essam El-Hadary a prouvé, du haut de ses 44 printemps, que les titulaires de carte vermeille peuvent encore envoyer de belles horizontales. Fabrice Ondoa a, quant à lui, démontré qu’on peut tout à la fois cirer le banc en club et être indiscutable en sélection. Placardisé à Séville, le gardien camerounais a littéralement porté les siens dans les moments cruciaux de la compétition, notamment face au Gabon en poule, et au Sénégal en quart.

Des arbitres à la hauteur
Pénaltys généreux, ou généreusement oubliés, parti pris éhonté, complaisance coupable : l’arbitrage à la CAN est parfois sujet à caution. Une douce litote au regard de certaines décisions lunaires prises par le passé (Egypte-Sénégal en 2006, ou Tunisie-Guinée équatoriale en 2015 en ont fourni de mémorables illustrations). De ce point de vue, l’édition gabonaise de la compétition a fort heureusement échappé à la cette loi d’airain, et, si quelques décisions ont fait l’objet de contestations assez vives, aucun scandale n’a été à déplorer.

Quelques bijoux…

Même si la compétition n’a pas été caractérisé par une avalanche de buts, quelques coups d’éclats ont fort heureusement illuminé le ciel gabonais. Top 3 de ces bijoux d’autant plus précieux qu’ils ont été rares.

Le coup de canon d’Yves Bissouma
Cinq mètres d’élan, de grandes enjambées, et une mine de trente mètres que n’aurait pas reniée Roberto Carlos. Le milieu malien du LOSC n’a pas fait dans le détails pour permettre aux Aigles de recoller contre l’Ouganda. Les combinaisons, ça va deux minutes.

Piqueti, raid is not dead
Sur un terrain plus propice à la culture de la rate du Touquet qu’aux envolées lyriques, l’attaquant du SC Braga Piqueti Djassi Brito Silva s’est offert une échappée belle de 70 mètres face au Cameroun, ponctuée d’un sombrero et conclue par une jolie frappe en lucarne. Attention, ça va vite.

Le coup de patte de Rachid Alioui
Co-meilleur buteur de Ligue 2 avec Nîmes, le Marocain Rachid Alioui nous a gratifiés d’une superbe frappe face à la Côte d’Ivoire. Pas d’élan, un coup d’oeil, un coup de génie, et les Elephants font leur valises.

... Et une poignée de pépites

Sadio Mané, Diouf 3.0
A 24 ans, Sadio Mané représente le nouveau visage des Lions de la Térenga. Tireur inconsolable du dernier pénalty de son équipe en quart face au Cameroun, le feu follet de Liverpool avait jusqu’alors porté les siens tout au long de la compétition (deux buts en trois matchs). Nul doute que le gamin de Bambali sera, à l’avenir, le mur maître d’une formation sénégalaise dont il est déjà l’un des piliers.

Christian Bassogog, l’indomptable promesse
A 21 ans, Christian Bassogog possède depuis hier une rue à son nom à Douala. Héros du Cameroun en demie-finale face au Ghana, le jeune milieu tout terrain du club danois d’Aab Aalborg a été élu meilleur joueur de la compétition à l’issue de la finale, rejoignant ainsi Patrick MBoma au panthéon des Rois Lions. Quasiment inconnu avant le début du tournoi, le jeune homme, qui a déjà pas mal bourlingué – il a joué sur trois continents en à peine deux ans – devrait sans doute attirer les regards de certains clubs du Big 5 la saison prochaine.

Hervé Koffi, rempart en devenir
Le gardien du Burkina Faso est l’une des révélations de la compétition. Solide sur sa ligne, doté d’une sacrée extension, le portier burkinabé a fait preuve d’une grande constance tout au long d’un tournoi au cours duquel il n’a encaissé que deux buts. Dommage que le sélectionneur des Etalons, le Portugais Paulo Duarte, se soit mis en tête de le laisser tirer le quatrième pénalty de son équipe lors de la demi-finale face à l’Egypte (voir plus bas).

Les flops

Les gros, KO trop tôt
En politique comme en football, en ce moment, il ne fait pas bon se prêter au jeu des pronostics. Dans les deux cas, les favoris sortent rarement vainqueurs des primaires. Résultat à la CAN : ni la Côte d’Ivoire et son effectif solide, ni l’Algérie et sa génération dorée, ne sont parvenues à s’extraire de poules prétendument à leur portée. Tout comme le pays hôte, le Gabon, sorti par la petite porte après trois matchs nuls. Une première depuis la Tunisie en 1994. Pour les Panthères, la fête n’était définitivement pas à la maison.

Joga (pas vraiment) bonito
A l ‘exception de quelques fulgurances, cette 31è édition de la CAN n’aura pas vraiment brillé par le spectacle offert sur la pelouse. Point de football flamboyant ni de scores fleuves : durant trois semaines, la parole a plutôt été à la défense, comme l’illustre le parcours des deux finalistes. L’Egypte et le Cameroun, arcboutés sur des stratégies coercitives efficaces, ont en effet atteint la finale de la compétition en inscrivant respectivement quatre et cinq buts. A titre de comparaison, en 2010, les Pharaons étaient arrivés à ce stade avec 14 buts dans la musette. Catenaccio is back.

Le racisme
Par le passé, la CAN a malheureusement donné lieu à de violentes éruptions de racisme. Comme lors de l’édition 2006, où les finalistes ivoiriens avaient été la cible de l’hostilité d’une partie des supporters égyptiens sur la route du Stade International du Caire. Ou plus récemment en 2015, quand des personnes d’origine subsaharienne ont été agressées dans le centre-ville de Tunis à la suite de la défaite des Aigles de Carthage face à la Guinée équatoriale. Evolution numérique oblige, cette année, la bêtise des énervés anonymes s’est déversée sur les réseaux sociaux. Notamment à l’issue de la première journée de la compétition, marquée par les défaites de la Tunisie et du Maroc, et le nul de l’Algérie face au Zimbabwe. No comment.

Des écrins très creux
Oyem, Port-Gentil, Franceville, Libreville. Dans tous les stades, un même constat : en dépit de prix très attractifs (1,50€ en moyenne), les travées étaient tristement désertes (les enceintes ont rarement été remplies à plus de la moitié de leur capacité). La palme du stade fantôme revenant à celui de Franceville, où seules 1800 personnes avaient fait le déplacement pour suivre le match Tunisie-Zimbabwe. Les troubles politiques consécutifs à la réélection contestée du président Ali Bongo en août dernier ne sont évidemment pas étrangers à cette désertion. Le boycott de la CAN a en effet servi de tribune (vide) à une société civile exaspérée par les turpitudes de la classe politique locale, trop prompte à user de la stratégie du « panem et circenses » à la sauce crampons pour calmer la colère populaire.

Maudits gazons
A la CAN, les pelouses tiennent généralement davantage du champ de mines que du green de golf. Cette édition 2017 n’a malheureusement pas fait échappé à la règle. Ainsi à Port-Gentil, le Marocain Romain Saiss s’est fendu d’un laconique « c’était injouable » à l’issu du quart de finale qui a opposé les Lions de l’Atlas à l’Egypte, pour qualifier l’état déplorable de la pelouse. Problèmes d’engrais, système de drainage absent : les causes des défaillances ont été identifiées par le comité d’organisation de la compétition. Un peu tard. On ne transforme pas un terrain vague en billard anglais à trois semaines du coup d’envoi.

BONUS : le coaching peu inspiré de Paulo Duarte
En 2014, Louis van Gaal avait réussi un coup de maître en quart de finale de la Coupe du monde, lors de la séance de pénaltys qui opposait les Pays-Bas au Costa Rica. Le Pélican avait eu la bonne idée de faire entrer Tim Krul, la doublure du gardien titulaire des Oranje, Jasper Cillessen, pour l’épreuve couperet. Résultat : deux arrêts cruciaux et un ticket pour le dernier carré. Face à l’Egypte en demi-finale, le sélectionneur du Burkina Faso, Paulo Duarte, a lui aussi voulu montrer qu’il savait murmurer à l’oreille des portiers. En laissant la responsabilité du quatrième pénalty au jeune gardien des Etalons, Hervé Koffi, lors de la séance décisive, le coach portugais s’est malheureusement montré nettement moins inspiré que son homologue néerlandais à Rio. L’expérimenté gardien des Pharaons, Essam El-Hadary, n’en demandait pas tant. Le dépassement de fonction a ses limites…

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