Développement des Sciences: L’Afrique en quête du futur Einstein

Par kibaru

Dakar sera, du 8 au 10 mars 2016, la capitale africaine et mondiale de la science avec la tenue du Next Einstein Forum (NEF) en présence de plusieurs chefs d’Etat et d’une quinzaine de Prix Nobel. Les organisateurs l’assurent, ce ne sera pas un événement de plus, sans lendemain…

Comment trouver une vraie place dans le gotha scientifique lorsque l’on est dépositaire que de 1% des contributions scientifiques mondiales et que, dans le même temps, la part des investissements en recherche et développement dans le produit intérieur brut (Pib) des pays africains relève de l’anecdotique ? C’est le défi que veut relever le Forum mondial pour les sciences en Afrique, prévu à Dakar du 8 au 10 mars 2016.

Communément appelé « Next Einstein Forum » (NEF), cette rencontre a pour ambition de positionner l’Afrique dans l’agenda international des rendez-vous scientifiques. « La cartographie que nous avons établie montre que tous les événements scientifiques d’envergure mondiale ont lieu principalement en Amérique du Nord, en Europe et au Japon, et ceux de dimension moyenne en Asie du sud-est », a expliqué Thierry Zomahoun, président directeur général de l’Institut africain pour les sciences mathématiques (AIMS, en anglais) dont le siège est à Cape Town (Afrique du Sud). Sur ce plan, l’Afrique est quasiment un désert.

Au cours d’une présentation faite à l’occasion de la première réunion du Comité de pilotage national du Next Einstein Forum à Dakar, M. Zomahoun a indiqué que le potentiel démographique et entrepreneurial disponible sur le continent autorise bien des ambitions. « 40% de la jeunesse mondiale sera africaine en 2050. Comment ne peut rêver les yeux ouverts avec une telle perspective », s’est-il interrogé ? D’où la devise d’Aims : « Le prochain Einstein sera Africain ».

Toutefois, outre la faiblesse des investissements et des ressources humaines dédiés à l’essor des sciences, subsistent des difficultés d’ordre culturel, structurel, politique, qui entravent le développement et l’ancrage d’une culture scientifique dans les pays africains. Des phénomènes qui, par exemple, favorisent la fuite des cerveaux vers les universités, laboratoires ou centres de recherche américains et européens, aux moyens et perspectives de carrières sans commune mesure avec les pays d’origine.

Dans la réalité, cette situation aboutit au fait que « aujourd’hui, il y a plus de scientifiques et d’ingénieurs africains exerçant aux Etats-Unis que dans tout le continent africain », a reconnu Thierry Zomahoun. En outre, le coût des services professionnels assurés par des expatriés en Afrique même est d’environ 4 milliards de dollars par an, a ajouté le scientifique béninois.

A ces contraintes, il faut ajouter l’impératif pour les gouvernements africains de créer chaque année 29 millions d’emplois pour faire face au chômage des jeunes, de plus en plus tentés de prendre les chemins mortels de l’émigration clandestine.

 

Le Next Einstein Forum, organisé en collaboration avec l’Etat du Sénégal et divers autres partenaires dont la fondation Robert Bosch Stiftung, entend rassembler 500 participants triés sur le volet. « Le caractère distinctif de ce forum, c’est qu’il sera constitué à 60% de jeunes de moins de 42 ans imbus des sciences et des technologies, qui cherchent, inventent, innovent dans tous les domaines de la science », a expliqué Thierry Zomahoun.

Quinze des plus brillants jeunes scientifiques (Nef Fellows) qui exercent à l’échelle du continent seront distingués, alors que « 54 jeunes ambassadeurs scientifiques » issus de tous les pays du continent seront intronisés, en présence de plusieurs Prix Nobel et d’une dizaine de chefs d’Etat et de gouvernement.

Le Nef vise trois objectifs, a déclaré le Pdg d’Aims : la création d’une plateforme panafricaine pour la communauté des jeunes scientifiques africains, l’émergence d’une communauté d’échanges autour des progrès et innovations techniques, et l’établissement de liens entre le milieu de la science et les secteurs privé public.

L’Institut africain pour les sciences mathématiques, tutelle du Next Einstein Forum, dispose aujourd’hui d’un réseau de cinq « centres d’excellence » implantés en Afrique du Sud, au Sénégal, au Ghana, en Tanzanie et au Cameroun. Il projette d’en ouvrir dix autres d’ici l’année 2023. Ses étudiants, issus de 42 pays africains, sont recrutés après un cursus de quatre ans de formation scientifique à dominante mathématique. Selon son président directeur général, « 70% des diplômés sortis des centres restent sur le territoire africain ».

Momar Dieng

(Correspondance particulière, Dakar, Sénégal)