L’insuffisance de fonds contrarie la lutte contre le paludisme

Par kibaru

L’un des principaux messages du rapport 2017 de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) sur le paludisme est que si les financements ne sont pas revus à la hausse, l’objectif d’éradiquer cette maladie d’ici à 2030 ne sera pas atteint.

En effet, selon ledit rapport, publié ce 29 novembre, 2,7 milliards de dollars seulement ont été investis en 2016 pour lutter contre cette pathologie. Ce qui ne représente que 41% des 6,5 milliards de dollars requis chaque année pour réduire d’au moins 40% les cas de paludisme d’ici à 2020, tel que prévu par la Stratégie technique de lutte contre le paludisme 2016-2030.

En conséquence, les résultats obtenus en 2016 sont en deçà des attentes : "216 millions de cas de paludisme ont été rapportés dans 91 pays au total, soit une augmentation de 5 millions par rapport à l’année précédente. Le nombre de décès associés a atteint 445 000, quasiment comme en 2015", constate ainsi Tedros Adhanom Ghebreyesus, le directeur général de l’OMS.

La plupart des cas (90 %) ont été enregistrés en Afrique, loin devant l’Asie du Sud-Est (3 %) et la Méditerranée orientale (2 %). Quant aux décès, la plupart sont survenus en Afrique (91 %), puis en Asie du Sud-Est (6 %).

Seule bonne nouvelle au tableau : la baisse de 18 % de l’incidence du paludisme à l’échelle mondiale, "passant de 76 cas pour 1 000 habitants exposés en 2010 à 63 cas pour 1 000 en 2016". L’Asie du Sud-Est enregistre pour sa part la plus forte baisse (48 %), suivie des Amériques (22 %) et de l’Afrique (20 %).

Réveil

"Ce qui est primordial maintenant, c'est de prendre le rapport de cette année comme un appel au réveil pour stimuler l'action", interpelle Abdisalan Noor, chef de l'équipe de surveillance du Programme mondial contre le paludisme à l’OMS.

En attendant que davantage de financements soient mobilisés comme le souhaitent les auteurs du rapport, les recherches se poursuivent.

L’une des plus prometteuses a été publiée le mois dernier par des chercheurs des universités de Genève et de Berne (Suisse), démontrant la possibilité de bloquer le développement du parasite.

"Notre étude a identifié deux protéases essentielles à la survie et à la dissémination du parasite responsable du paludisme. Ces protéases sont nécessaires, non seulement à la propagation du parasite dans le sang, mais également à sa transmission chez le moustique et du moustique à l’homme et à son passage depuis le foie vers le sang", explique Dominique Soldati-Favre, professeur à la Faculté de médecine de l’université de Genève, qui a dirigé les travaux.

"Nous avons également identifié un inhibiteur (49c) de ces deux protases. 49c n’a pas conduit à l’émergence de parasites résistants à ce composé du fait qu’il cible simultanément deux gènes essentiels", poursuit la microbiologiste.

Médicaments

"Notre recherche a montré que 49c à très faible concentration empêche la transmission au moustique et l’établissement de l’infection avec Plasmodium Berghei, le modèle murin de la malaria", conclut la chercheure.

Responsable du laboratoire de recherche sur le paludisme à l’université d’Ibadan (Nigeria), Grace Gbotosho, juge cette étude "très pertinente pour la lutte contre le paludisme".

"Le besoin de développer de nouveaux médicaments avec de nouvelles cibles est vital, en particulier vu la résistance croissante aux associations thérapeutiques à base d'artémisinine qui sont actuellement le pilier de la chimiothérapie antipaludique", argumente-t-elle.

Pour Alioune Badara Ly, directeur adjoint du Centre des opérations d’urgence sanitaire au Sénégal, "la piste identifiée par les chercheurs suisses ouvre des perspectives vers le développement de nouvelles molécules thérapeutiques, voire d’un vaccin antipaludique".

"On peut penser que ces découvertes pourront contribuer à accélérer l’atteinte des objectifs de l’élimination du paludisme que beaucoup de pays africains se sont fixés", dit-il avec optimisme.

scidev