La diffusion tardive de la vidéo d'une embuscade du groupe EI au Niger interroge

Par kibaru
Les portraits des quatre sergents des forces spéciales américaines tués le 4 octobre au Niger, lors d'une embuscade revendiquée par al-Sahraoui. © Army Special Operations Command/Handout via REUTERS

Depuis dimanche 4 février, une vidéo de l’embuscade de Tongo Tongo, au Niger, circule sur les réseaux sociaux. Cette attaque avait coûté la vie à quatre soldats nigériens et quatre soldats américains le 4 octobre dernier. Deux mois après la revendication de cette attaque par Abou Walid al-Sahraoui, émir du groupe Etat islamique au Sahel, une question se pose : pourquoi diffuser une telle vidéo aujourd'hui ?

L'attaque avait été revendiquée en janvier par Abou Walid al-Sahraoui, un dissident d'al-Mourabitoune, une des katibas d’Aqmi. Ce Malien, ancien dirigeant du Mujao, a fait allégeance à l'Etat islamique en 2015.

Sur la vidéo de l'embuscade de Tongo Tongo diffusée ce week-end, on voit des images prises par les assaillants, mais surtout, celles enregistrées par les caméras fixées sur l'équipement des soldats américains.

Des premières images avaient déjà été diffusées il y a plusieurs semaines et ont provoqué l'ouverture d'une enquête de l'armée américaine. Ce week-end, c'est donc une vidéo plus travaillée qui a été diffusée.

Faire de l’ombre au GSIM

Pour Romain Caillet, spécialiste des mouvements jihadistes, l’objectif de cette diffusion deux mois après la revendication a surtout comme objectif de faire de l'ombre à la revendication de l'attentat de Ouagadougou par un groupe concurrent, le GSIM (le Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans) de Iyad ag Ghali.

« Globalement, ce n’est pas une production de grosse qualité. On peut aussi penser que la diffusion a été décidée au dernier moment, puisqu’elle intervient au lendemain des attentats du Burkina Faso », analyse Romain Caillet.

Et d'ajouter : « C’est clairement une volonté de faire de l’ombre médiatiquement au GSIM, la formation jihadiste qui s’est construite il y a un an exactement, en mars 2017, et qui réunissait Aqmi, Ansar Dine, al-Mourabitoune et la Katiba du Macina. »

Réseaux sociaux

Bien que cette vidéo ne soit pas une production officielle du groupe Etat islamique, elle est diffusée par les canaux habituels de l'EI. Cela pourrait s’expliquer par la ferveur des sympathisants de l’organisation terroriste sur la Toile, estime Romain Caillet.

« Cette volonté de faire de l’ombre, dit-il, peut être le fait de la direction de l’Etat islamique, mais aussi des partisans et des sympathisants de l’Etat islamique sur les réseaux sociaux, qui sont assez organisés et de plus en plus - je dirais presque autonomes -, et ça expliquerait qu’elle n’a pas été signée par les responsables des médias de l’Etat islamique. »

D’une certaine manière, la publication de cette vidéo est une réaffirmation de la concurrence entre l'organisation Etat islamique et al-Qaïda sur le terrain.

« Maintenant, estime Romain Caillet, l’Etat islamique peut s’enorgueillir d’avoir frappé des Américains dans cette région, ce qui du point de vue international est encore plus valorisant que de frapper les Français. Et puis la vidéo a été l’occasion de montrer qu’il y a eu depuis de nouvelles allégeances dans cette région à l’Etat islamique ».

RFI