Rapport de Human Rights Watch sur le centre du Mali : Au moins 52 personnes tuées et 10 000 individus déplacés depuis janvier 2017

Par kibaru

Dans son rapport publié, ce mercredi 5 avril, sur le centre du Mali, l’ONG Human Rights Watch a indiqué que des groupes armés ont commis une vague de meurtres dans le centre du Mali depuis janvier 2017. Pour elle, ces meurtres sont perpétrés par des groupes armés terroristes, des milices d’autodéfense et, dans une moindre mesure, des militaires du gouvernement. Elle signale que ces homicides ont entraîné la mort d’au moins 52 personnes et le déplacement de plus de 10 000 individus, et considérablement aggravé les tensions ethniques. Raison pour laquelle elle a invité les autorités maliennes à enquêter sur ces meurtres et traduire en justice toute personne en portant la responsabilité.

Dans son rapport, l’ONG indique que les deux ans de présence des groupes terroristes dans le centre du Mali, leur ont permis d’exécuter des civils et des fonctionnaires du gouvernement, et commis d’autres exactions. De même qu’ils ont à travers également le recrutement de résidents locaux, exacerbé et exploité les tensions entre les membres des ethnies Peul, Bambara et Dogon, entraînant une prolifération de milices d’autodéfense aux pratiques souvent violentes.

Pour élaborer ce document, l’ONG a pendant dix jours en février et en mars, interrogé 57 personnes qui ont été victimes ou témoins des meurtres et d’autres exactions commises dans le centre du Mali. Human Rights Watch a aussi interrogé des membres des communautés ethniques peule et bambara ; d’anciens détenus ; des agents du gouvernement local ainsi que des services de la sécurité et de la justice ; et des diplomates étrangers.

Elle a déclaré que bien que les forces de sécurité maliennes aient globalement pris des mesures pour réprimer la violence ethnique, des témoins ont signalé que face à la présence croissante de terroristes armés dans le centre du Mali, certains militaires avaient exécuté au moins huit individus soupçonnés d’être des terroristes et soumis plusieurs autres à des disparitions forcées depuis la fin décembre 2016. 

Par ailleurs, elle note que des chefs communautaires bambaras et peuls se sont plaints de la violence qui s’est emparée du centre du Mali ces deux dernières années. Des villageois, des autorités locales et des anciens des deux groupes ethniques ont affirmé que la pauvreté, la corruption au sein du secteur public, l’insuffisance des conditions sécuritaires et le manque d’enquêtes et de justice relatives aux violences communautaires et à la criminalité étaient autant de facteurs qui favorisaient les efforts de recrutement des groupes armés.

Toutefois, elle a également enregistré des témoignages au cours desquels certains ont déploré le manque de justice face aux nombreux meurtres perpétrés depuis le début de 2015. C’est ainsi qu’elle a exhorté le gouvernement à enquêter et faire en sorte que les responsables d’exactions graves commises dans le centre du Mali par des groupes armés, des milices de défense civile et des membres des forces de sécurité étatiques répondent de leurs actes. Elle l’invite aussi à rendre compte des progrès réalisés dans le cadre de son enquête sur les violences communautaires meurtrières qui ont éclaté en mai 2016 près de la ville de Dioura, dans la région de Ségou.

Le 2 mars, le gouvernement a annoncé la création d’une commission d’enquête d’une durée de 45 jours chargée d’examiner les violences perpétrées à Ke-Macina. Le gouvernement a demandé à cette commission, composée de neuf magistrats et 22 gendarmes, de remettre son rapport dans un délai de 45 jours. Si la commission accomplit son mandat de manière crédible et impartiale, ceci représentera un pas important vers la justice pour les victimes et leurs familles.

Human Rights Watch a recommandé la mise en place d’une commission de plus longue durée, de préférence à l’initiative de l’Assemblée nationale du Mali, pour se charger d’un éventail plus large de dossiers. Une commission de plus longue durée devrait :

  • Enquêter sur les sources d’armement des groupes islamistes armés et des groupes d’autodéfense, y compris des Dozos.
  • Enquêter sur les causes sous-jacentes des tensions intercommunautaires qui sévissent dans le centre du Mali, y compris la corruption gouvernementale, la nécessité de résoudre les tensions entre agriculteurs et éleveurs, et le besoin crucial de protéger les civils contre le banditisme généralisé et de leur rendre justice lorsqu’ils en sont victimes.
  • Élaborer des recommandations claires et propices à la responsabilité, à l’octroi d’indemnisations et à la prévention des exactions.