Reportage en Mauritanie: Avec le président Aziz dans la "zone rouge" du désert

Par kibaru

Alors que la République islamique de Mauritanie fête samedi le 55ème anniversaire de son indépendance, le combat du pays contre les djihadistes est plus intense que jamais. 

«Tout le nord du pays est zone militaire car ils sont partout !». A la veille de la fête nationale, qui marquera ce 28 novembre le 55ème anniversaire de l'indépendance de la République islamique de Mauritanie, le président Mohamed Ould Abdel Aziz profite de la journée des forces armées –mercredi 25 novembre– pour inspecter le dispositif militaire désormais déployé dans tout le nord et est du pays –aux frontières algérienne et malienne- pour tenter de sécuriser le pays et l'immensité du désert qui en marque les confins. L'attentat de Bamako est encore dans tous les esprits. Général ayant démissionné de l'armée pour se faire élire démocratiquement en 2009 (et réélu en juin 2014 pour un second mandat de cinq ans) un an seulement après avoir pris le pouvoir par un putsch, Ould Abdel Aziz a pris le taureau par les cornes pour ramener la sécurité –la première des libertés– en Mauritanie qui, de fait, ne connaît plus d'attentats ni de prises d'otages depuis 2011. «La sécurité intérieure et la paix chez nous, c'est notre priorité. Or les djihadistes et autres trafiquants ne connaissent aucune frontière», confie-t-il à notre reporter dans l'avion les ramenant de la base logistique avancée de Lemreya, en plein désert à 400 km à l'est de la ville historique de Chinguetti (classée au patrimoine mondial de l'Unesco), et à 166 km de la frontière malienne. Nous sommes à une heure et demie de vol de la capitale Nouakchott.

«Bienvenue dans le désert», lâche le commandant de la base en accueillant le chef des armées qui vient s'enquérir pour la première fois de la mission accomplie jour et nuit et des conditions de vie de ces soldats d'élite qui passent six mois «au milieu de nulle part» comme dans «Le désert des Tartares» à attendre l'ennemi. Ici, c'est l'immensité du désert à perte de vue et un vent froid qui provoque parfois des tempêtes de sable qui changent le paysage et les repères en faisant avancer ou reculer des dunes de sable en croissant, les fameuses «barkhane», dont l'armée française a pris le nom pour baptiser son nouveau redéploiement mis en place depuis le 1er août 2014 dans les cinq pays du G5-Sahel : la Mauritanie avec d'ouest en est le Mali, le Burkina Faso, le Niger et le Tchad. Une initiative lancée en février 2014 à Nouakchott et dont les autorités politiques et militaires (Chefs d'état-major et ministres de la Défense) se réunissent régulièrement pour allier leurs forces et échanger le renseignement –le «rens» comme disent tous les militaires– pour combattre l'ennemi djihadiste commun.

"Où sont les djihadistes ?"

Créée il y a trois ans autour d'une piste d'aviation de 2.200 mètres, construite dès 1973 par la firme italienne Agip pour effectuer une prospection pétrolière et des forages dans la région, la base de Lemreya abrite plusieurs GSI (Groupements spéciaux d'intervention), unités d'élite qui rayonnent dans toute la région et contrôlent notamment les différents puits et points d'eau qui sont autant de sites stratégiques. Grâce à leurs pick-up Toyota (exactement les mêmes que ceux employés par les djihadistes !), ils ont en quelque sorte remplacé les unités nomades de méharistes qui avançaient autrefois à dos de chameaux et hantent toujours l'imaginaire du désert comme des mirages.

Ici, aucune télévision ni communication GSM, les conditions de vie sont rudes et ascétiques, mais la mission est sacrée : assurer la défense de l'avant et la tranquillité des principales villes regroupées sur la façade atlantique. «Cette base et cette piste ont surgi de nulle part, mais constituent aujourd'hui un pion stratégique dans notre politique de redéploiement de nos forces et de protection des populations», souligne le ministre de la Défense qui accompagne le chef de l'Etat dans cette tournée des popotes et des postes avancés.

Montée des couleurs, revue de troupes, inauguration de la nouvelle piste et du vaste hangar qui abritera désormais les avions de liaison et de reconnaissance, avant la plantation symbolique de plusieurs arbres pour participer à la «Grande muraille verte» qui tente d'arrêter l'avancée du désert pour les nouvelles générations, le programme de cette première visite présidentielle est bien chargé. Mais c'est assurément la sortie de la base en «reconnaissance dynamique» et sous bonne garde qui en constitue le moment fort. Sur une quinzaine de kilomètres, une douzaine de pick-up plus qu'armés entourant le 4x4 noir du président font pratiquement la course à plus de 80 km/h sur cet océan de sable, dont ils contournent les dunes déjà sécurisées par des guetteurs qui se fondent dans le paysage. Nous sommes en effet dans la «zone rouge», strictement interdite à tout voyageur. «Ici, c'est le grand désert, me confie l'officier qui m'accompagne, et une seule question se pose et résume toute la tension de cette mission : où sont les djihadistes ?».

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