Torture et prostitution : le calvaire de Sarah, jeune maman prisonnière en Libye

Par kibaru

 

Sarah*, une Camerounaise de 30 ans, se trouve en Libye depuis un an avec son fils de 8 ans et sa fille âgée de quelques mois. D’abord incarcérée, elle est aujourd’hui contrainte à la prostitution dans une maison à Tripoli et se bat pour rentrer dans son pays. Elle livre son témoignage bouleversant à InfoMigrants.

 

J'ai quitté le Cameroun car c'était pour moi une souffrance. Enceinte de mon deuxième enfant, je voulais pouvoir m’occuper d’eux dans de bonnes conditions, leur offrir un avenir en Europe. Je ne devais être que de passage en Libye, mon objectif était l’Italie. Mais j’ai été arrêtée en chemin, sans doute parce que j’ai la peau noire et que c’est le sort que nous subissons ici.

Cela va bientôt faire un an que je suis en Libye avec mes enfants, mon mari est resté au Cameroun avec ma mère. J’ai passé environ neuf mois en prison où j’ai été torturée encore et encore pour forcer ma famille à envoyer de l’argent. Ils nous ont demandé 800 000 francs CFA [environ 1200 euros, NDLR]. Mes proches ont passé des mois à leur envoyer de l’argent, mais ce n’était jamais assez. J’ai été obligée de donner naissance à ma fille en prison dans des conditions horribles. Mon bébé et moi n’avons reçu aucun des soins nécessaires après l’accouchement. Évidemment, il n’y avait aucun docteur pour moi sur place, j’ai beaucoup souffert.

Un jour, le monsieur de la prison m’a demandé de prendre mes enfants et de le suivre. Il m’a fait sortir. Mais un autre monsieur qui se présentait comme son frère ou son collègue nous a emmenés chez lui à Tripoli. Je suis bloquée ici depuis plus de deux mois car il me demande de payer le transport entre la prison et sa maison. Il me manque 70 000 francs CFA [environ 100 euros, NDLR], je n’ai pas d’argent, ma famille n’a plus rien non plus. Alors je suis enfermée dans une chambre avec les enfants, je suis obligée de coucher avec des amis du monsieur qui viennent lui rendre visite. On nous donne à manger de temps en temps, mais nous avons faim, les enfants ont peur, ils pleurent beaucoup et ont besoin de soins. Je n’ai même pas de couches pour ma fille.

Moi je tiens le coup, je n’ai pas le choix. Tout ce que je veux c’est rentrer au Cameroun et essayer de me reconstruire chez moi, avec mes proches. J’aimerais être rapatriée, mais je suis perdue, je ne sais pas comment faire, ni comment sortir d’ici...

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