Au Mali, le djihadiste Amadou Koufa pose trois conditions pour négocier avec le pouvoir

Par kibaru

Le fondateur du Front de libération du Macina demande notamment le départ de la force française « Barkhane » et de la mission de l’ONU.

Fin mai, deux émissaires d’Amadou Koufa, le fondateur du Front de libération du Macina (FLM), un mouvement djihadiste malien, se sont rendus à Bamako pour apporter un message au professeur Alioune Nouhoum Diallo, ancien président de l’Assemblée nationale et, surtout, figure emblématique de la communauté peule. « Amadou Koufa les avait chargés de dire au professeur qu’ils ont tous deux en commun de détester le mensonge et les menteurs. Et qu’ils peuvent donc discuter », raconte au Monde Afrique un témoin direct de ces tractations, de passage à Paris.

Selon lui, Amadou Koufa, prédicateur peul actif dans la région de Mopti et figure de proue d’un mouvement qui a revendiqué depuis 2015 nombre d’attaques mortelles et d’attentats dans la zone, pose comme première condition à toute négociation avec le pouvoir le départ de l’opération « Barkhane ». Lancée en août 2014, la force française a notamment pour mission de lutter contre le terrorisme dans la bande sahélo-saharienne qui s’étend de la Mauritanie au Tchad en passant par le Mali, le Burkina Faso et le Niger. « Amadou Koufa estime que tant que “Barkhane” sera au Mali, le président Ibrahim Boubacar Keïta ne pourra jamais appliquer les engagements qu’il prendra », détaille un bras droit d’Alioune Nouhoum Diallo.

Deuxième condition posée par le fondateur du FLM : le départ, également, de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma). « Ce n’est pas surprenant, il a toujours réclamé le départ de toutes les forces étrangères, y compris les casques bleus. Il veut que les Maliens discutent entre eux sans intermédiaires ni témoins », détaille notre source.

« Sans intermédiaires ni témoins »

Enfin, troisième préalable à toute négociation : dans la première phase des pourparlers avec Bamako, Amadou Koufa exige d’avoir comme interlocuteur le professeur Alioune Nouhoum Diallo. Ce dernier a présidé, les 2 et 3 mai à Mopti, des assises destinées à contribuer au retour à la paix dans le centre du Mali. En présence d’environ 180 participants, il a veillé à ce que des personnes se réclamant ouvertement d’Amadou Koufa s’expriment librement.

« C’est au moment de ces assises que l’amorce des négociations s’est produite. Il y avait clairement des lieutenants d’Amadou Koufa dans l’assistance. Ils sont allés, sans doute, lui rapporter les propos du professeur Nouhoum Diallo, qui disait que si Koufa aime la vérité et déteste le mensonge, il doit se rapprocher de lui », analyse un participant à la rencontre de Mopti.

Le chef djihadiste se cacherait dans le centre du Mali, probablement dans la forêt du Wagadou, distante de 70 km de la frontière mauritanienne et difficile d’accès. En dépit des moyens engagés par les forces armées maliennes et l’opération « Barkhane », ce fidèle lieutenant d’Iyad Ag-Ghali, le leader d’Ansar Dine avec qui il a créé le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GISM), continue de se déplacer dans les villages du Macina, où il est plutôt perçu comme un défenseur des droits des Peuls.

Selon une source digne de foi, c’est Amadou Koufa qui a organisé cette année dans le Macina la traversée du fleuve Niger par des éleveurs peuls qui se rendaient en transhumance. « Il n’y avait ni administration ni forces de sécurité maliennes. C’est Amadou Koufa qui a supervisé le passage des animaux en trois endroits du fleuve Niger. Et tout s’est très bien passé », raconte, mi-surprise mi-amusée, une figure respectée de la communauté peule.

Position floue du gouvernement

Sur le principe des discussions directes avec les groupes djihadistes, la position du pouvoir malien reste floue. La plupart des participants à la Conférence d’entente nationale qui s’est tenue en mars à Bamako avaient cru comprendre que le gouvernement était ouvert à la négociation. Mais quelques jours après, Ibrahim Boubacar Keïta avait balayé d’un revers de la main toute possibilité de discuter avec « les terroristes ».

« Actuellement, nous ne sommes pas en capacité matérielle de vaincre par la force ces groupes djihadistes. Le principe de réalité voudrait que nous discutions avec Iyad Ag-Ghali et tous les autres djihadistes, à la seule condition qu’ils soient maliens », a expliqué au Monde Afrique Tiébilé Dramé, président du Parti pour la renaissance nationale (Parena).

Plusieurs personnalités, parmi lesquelles Mahmoud Dicko, le président du Haut Conseil islamique malien, plaident ouvertement pour des négociations avec Iyad Ag-Ghali, Amadou Koufa et les autres. Pour l’heure, le président Keïta et son gouvernement hésitent à franchir le pas. Ils craignent sans doute de se placer dans une position inconfortable vis-à-vis de la communauté internationale, en particulier de la France.

Par Seidik Abba (chroniqueur Le Monde Afrique)

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