L’Assemblée nationale, lors de sa session plénière du 14 septembre 2017, a voté un nouveau code des collectivités territoriales (Loi n°2017-051), remplaçant ainsi celui adopté en 2012, et amendé en 2014 et 2016. Selon le Gouvernement, ce texte est adopté pour prendre en compte l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale, mais également les résolutions pertinentes des états généraux de la décentralisation ainsi que les assises nationales sur le Nord. Il comporte quelques modifications du dispositif de la décentralisation, notamment les élections au suffrage universel des organes exécutifs des Cercles, ainsi que quelques références à l’Accord telles que l’allègement du dispositif de contrôle
des collectivités, ou encore le titre de chef de l’exécutif de la collectivité territoriale accordé au Maire, au Président de Conseil de Cercle et au Président du Conseil régional.
Les mouvements signataires de l’Accord pour la paix et la réconciliation (Coordination des Mouvements de l’Azawad et Plateforme) ont pourtant désapprouvé ce texte. Ils ont ainsi demandé aux autorités maliennes d’intervenir afin que le Chef de l’Etat ne le promulgue pas, par une lettre
adressée au Premier ministre le 20 septembre dernier. Cela n’a apparemment pas été suivi d’effet car la promulgation du texte intervint le 02 octobre 2017. Pourtant, nos autorités auraient été bien avisées d’écouter les mouvements signataires qui, dans ce dossier, ne semblent pas avoir tort. Loin de là ! La lecture croisée de l’Accord pour la paix et la réconciliation, en ses dispositions institutionnelles et de gouvernance, de la Loi n° 2017-051 portant code des collectivités fait ressortir de nombreux points où le texte récemment voté par l’Assemblée et promulgué par le Président de la République s’éloigne dudit Accord. Quelques-fois, il constitue même un recul par rapport au passé ! Cela est bien dommageable en ces moments où nos autorités font de l’application de l’Accord une des pierres angulaires de leurs actions.
L’examen des dispositions du nouveau code relatives à la collectivité territoriale régionale (article 145 et suivants) illustre bien le constat précédent vue que l’Accord fait de la région la clé de voute de la reconfiguration souhaitable de l’Etat malien pour faire place à une décentralisation effective et à une régionalisation réelle. L’article 6 de l’Accord est assez explicite et sans ambiguïté dans sa formulation quand il consacre le Président élu de la Région comme le chef de l’exécutif et de l’administration de la Région. Cette disposition est très largement battue en brèche par la Loi n° 2017- 051 qui indique que le Président élu du Conseil régional n’est que le chef de l’organe exécutif et de l’administration de la collectivité territoriale de la Région. Ce qui est différent de la lettre et de l’esprit de l’Accord pour la paix et la réconciliation.
L’Accord pour la paix et la réconciliation ne distingue pas la Région de la collectivité territoriale régionale ou de la circonscription administrative régionale. Il stipule simplement que le Président élu du Conseil régional est la première personnalité de la Région. Le gouvernement ne l’entend évidemment pas de cette oreille, d’où le choix des mots pour qualifier l’élu.
Derrière cette précaution sémantique, il y a la prédominance souhaitée du représentant de l’Etat (Gouverneur pour le cas de la Région) comme c’est le cas actuellement. Or, un cadre nommé ne peut pas et ne doit pas être prédominant par rapport à une personnalité élue. En démocratie, le peuple est souverain et son choix doit toujours s’imposer. S’il choisit de se donner un responsable sur un espace donné, en aucune manière on ne doit lui imposer quelqu’un d’autre (art. 26 de la Constitution en vigueur) ! C’est malheureusement ce que ce nouveau code consacre.