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Libye : “Avec les affrontements, j’ai peur que les policiers désertent notre centre de détention et nous laissent enfermés”

Par kibaru
L'intérieur du centre de détention de Zintan en Libye, en mars 2019. Crédit : DR

Depuis plusieurs jours, Tripoli et ses alentours sont en proie à de violents affrontements entre le gouvernement reconnu par la communauté internationale et l'Armée nationale libyenne qui veut prendre le contrôle de la capitale. À cause de l’insécurité environnante, l’approvisionnement en vivres et en médicaments se raréfie dans les centres de détention pour migrants où l’inquiétude monte.

 

“Les images d’horreur dans les centres de détention en Libye nous les avons tous déjà vues. C’est une honte pour le monde entier [...] Et avec les événements récents, la situation pourrait même empirer pour les migrants piégés sur place”. Lors d’un discours à Washington devant l’Atlantic Council, un think tank américain, Dimitris Avramopoulos, le Commissaire européen chargé de la migration, a souhaité attirer l’attention sur le sort des migrants bloqués en centre de détention à l’heure où la Libye risque de sombrer un peu plus dans le chaos.

En cause : l’offensive menée par l'Armée nationale libyenne (ANL) du maréchal Haftar pour prendre le contrôle de Tripoli. Après avoir combattu avec l'appui de l'Égypte et des Émirats arabes unis les groupes islamistes dans l'est du pays, l’ANL a progressé ces derniers mois vers le sud du pays et annoncé la semaine dernière son intention de prendre Tripoli. Ainsi, depuis plusieurs jours, les combats autour de la capitale se sont intensifiés. Le gouvernement du Premier ministre Fayez al-Sarraj, reconnu par la communauté internationale, a annoncé avoir reçu le renfort de miliciens alliés venus de Misrata, une ville à l'est de la capitale.

Depuis le centre de détention de Zintan, au sud de Tripoli, Charles* se dit extrêmement inquiet. Il n’obtient des bribes d’informations sur ce qui se passe à l’extérieur que par les rumeurs qui se propagent dans les couloirs. “Nous entendons beaucoup parler des combats et de ce qu’il se passe dehors actuellement, mais on ne peut rien faire. Pour le moment, c’est calme, il n’y a pas de coups de feu. Mais j’ai très peur, je sens bien qu’il n’y a aucun rempart de sécurité autour de nous. Il y a des femmes et des enfants ici”, confie-t-il à InfoMigrants.

"On mange au mieux une fois par jour"

Alors que la nourriture et l’eau potable sont déjà rares, Charles affirme que la situation se détériore à cause du manque d’approvisionnement gêné par le conflit. “En ce moment on mange, au mieux, une fois par jour. On nous apporte une toute petite quantité de pâtes immangeables qui baignent dans l’huile”, rapporte-t-il.

“Il y a beaucoup de malades, de personnes atteintes de tuberculose. Nous n’avons pas vu de docteur depuis plus d’un mois et avec les affrontements, on a vraiment peur que plus personne ne vienne”, poursuit le jeune homme. “C’est difficile pour les médecins ou les humanitaires de réussir à atteindre Zintan [à 170 km au sud de Tripoli] vu l’insécurité dans la région. Même les Libyens dans notre centre ne semblent pas libres de leurs mouvements, ils ont peur de sortir à cause des affrontements.”

Si Charles est aussi inquiet, c’est parce qu’en juillet 2018, alors qu’il était détenu au centre de Tariq al Matar, des affrontements ont éclaté sur place. “Les policiers libyens ont fui le centre de détention à cause de l’insécurité et ils nous ont laissés enfermés. Beaucoup d’Érythréens comme moi ont été blessés. J’ai peur qu’ils désertent à nouveau le centre, que la même chose se reproduise si les combats arrivent jusqu’à nous.” Son seul espoir, dit-il, “c’est que le Haut commissariat aux réfugiés (HCR) puisse accéder au centre de détention pour nous aider.”

Mais les capacités de l’agence onusienne au sein des centre de détention sont limitées. Le HCR “appelle à un accès humanitaire sûr, sans entrave et durable à toutes les zones touchées [...] Les migrants doivent être protégés. Nous sommes prêts à les soutenir dès que nous aurons accès aux centres de détention”. Selon le HCR, la situation est particulièrement critique à Ain Zara et à Qaser Ben Gashir, des centres qui se trouvent actuellement en plein coeur des zones d’affrontements.

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