Interview avec le Secrétaire général du MPSA, Boubacar Siddik Ould Taleb : « Nous nous attendons à être réintégrés réellement dans le processus »

Par kibaru

En prélude à la prochaine réunion du Comité de suivi de l’Accord qui doit démarrer aujourd’hui, le Secrétaire général du MPSA, Boubacar Siddik Ould Taleb nous a accordé une interview dans laquelle il évoque notamment les raisons de la création de son mouvement ainsi que ses objectifs. Par ailleurs, il a également profité de l’occasion pour faire le point sur le moral de ses hommes.  Aussi, il est revenu sur le blocage des travaux du comité de suivi de l’accord qui achoppent toujours sur la question de la représentativité au sein de cette instance ainsi que les voies et moyens pour une mise en œuvre sereine de l’accord.

Kibaruu.ml : Pouvez-vous nous décrire en quelques mots votre mouvement ?  

Boubacar Siddik Ould Taleb : Le MPSA est un mouvement populaire qui est une dissidence du MAA, membre de la CMA. Nous l’avons créé quand le MAA a décidé de semer la zizanie dans ses rangs. A l’époque, nous avions demandé à la CMA d’avoir un mouvement qui n’est pas communautaire. Raison pour laquelle nous avons regroupé des cadres de toutes les communautés du nord du pays pour créer un mouvement populaire. Notre objectif était de réparer les fractures sociales qui ont eu lieu à cause de toutes ces divergences. Notre mouvement est principalement basé dans la région de Tombouctou. On essaie de regrouper toutes les communautés dans cette région pour qu’elles aient une réelle participation dans le processus en cours et même au-delà.

Kibaruu.ml : Vous avez récemment annoncé le regroupement de vos combattants dans un site près de Tombouctou. Qu’est-ce qui a motivé cette décision ?

Boubacar Siddik Ould Taleb : Nous avons regroupé nos combattants parce qu’à un moment du processus on nous accusait d’être un mouvement virtuel. Nos combattants n’étaient pas regroupés parce que nous voulions leur faire éviter des affrontements et pour ne pas montrer une attitude belliqueuse contre qui que ce soit. Pour prouver que nous ne sommes pas un mouvement virtuel, nous avons décidé de regrouper nos combattants dans un camp situé à une vingtaine de kilomètres de Tombouctou sur l’axe de Goundam. Nous avons voulu que ce regroupement soit utile pour nos communautés. En concertation avec les autorités maliennes, la MINUSMA et d’autres forces étrangères sur place, tout le monde a remarqué notre participation dans la sécurisation de la région de Tombouctou. Après l’installation de notre base, nous avons regroupé tous nos combattants sur place. Je dirais et je peux en être fier qu'aujourd’hui nos combattants soient issus de toutes les communautés de la région de Tombouctou. Nous participons activement et selon nos moyens à la sécurisation de la zone. Depuis notre arrivée, le banditisme a baissé d’au moins 80% et nous collaborons militairement avec le reste des mouvements de la Plateforme sur le terrain.

Kibaruu.ml : Comment jugez-vous le moral de vos hommes restés sur place ?

Boubacar Siddik Ould Taleb : Le moral de nos troupes est très haut parce que pour la première fois nos combattants se trouvent dans un vrai camp avec toutes les commodités nécessaires. Aujourd’hui, nous avons un mouvement véritablement populaire au vrai sens du terme dans lequel toutes les communautés se retrouvent et se tiennent la main comme des frères. Elles n'ont qu’un seul objectif celui de défendre les intérêts de leurs populations contre des maux tels que le banditisme qui sévit dans cette région devenue malheureusement un no man’s land. Il s’agit pour elles aussi de défendre leurs intérêts dans le processus. Toujours pour relever davantage le moral de nos hommes et dans le but de rassurer nos communautés, nous avons également procédé à la mise en place d’une cellule dans la ville de Tombouctou.

Kibaruu.ml : Est-ce que votre exclusion du CSA n’est pas de nature à constituer un blocage du processus de paix ?

Boubacar Siddik Ould Taleb : En effet, depuis la signature du 15 mai, le MPSA s’est vu écarter de façon officieuse du processus de paix par le reste des mouvements. Cette mise à l’écart a été faite de manière délibérée, car lorsque nous rejoignions la Plateforme, nous avons été accueillis à bras ouverts et maintenant qu’on a plus besoin de nous on veut nous exclure du processus sans aucune raison valable. Nous avons écrit aux parties concernées, au président du CSA, au gouvernement malien et à la médiation internationale ainsi qu’à son chef de file l’Algérie. Aussi, nous avons écrit à toutes les parties impliquées dans l’accord et nous nous sommes regroupés avec d’autres mouvements qui sont dans la même situation que nous pour former un regroupement dénommé la COMPIS 15 (Coordination des Mouvements Prônant l’Inclusivite et Signataire de l’Accord de Paix et de Réconciliation le 15 mai 2015). Ces mouvements attendent toujours que l’article 10 du règlement intérieur du CSA sur la question de la représentativité au sein de cette instance soit tranché définitivement pour connaitre leur sort. Ce sera certainement, du moins nous l’espérons, au cours du prochain CSA prévu les 16 et 17 décembre courant. Pourtant, nous avons participé à de nombreuses réunions du CSA mais cette question n’a toujours pas été réglée. Cela, parce que tout simplement le groupe CMA – Plateforme prend aujourd’hui en otage le processus et veut une exclusion de certains mouvements au profit d’autres. Une attitude qui ne correspond pas à l’esprit de tous les accords y compris celui de Ouaga. Le processus doit être inclusif et nous espérons que le prochain CSA tranchera définitivement cette question.

Kibaruu.ml : Que pensez-vous de l’attitude observée par les autorités maliennes et la médiation sur ce dossier ?

Boubacar Siddik Ould Taleb : Les autorités maliennes ont toujours été claires sur ce dossier en disant que l’accord est pour tous les Maliens et nous sommes des parties qui étions-là depuis les accords de Ouaga, donc il n’est pas question de nous exclure. Les autorités prônent l’inclusivité pour que l’accord puisse aboutir parce qu’à chaque fois qu’il y a des parties qui restent en dehors de l’accord, cela risque de mettre en péril la paix. Quant à la médiation internationale, elle reste prudente et ne veut pas s’ingérer dans les affaires internes des mouvements ou des communautés. Pour elle, le cas de certains mouvements dont le nôtre est très clair : il s’agit d’une volonté de nos ex-camarades de nous exclure pour satisfaire les intérêts égoïstes des individus au sein de la CMA ou de la Plateforme. Ce que nous n’accepterons pas. Jusqu’à présent, nous n’avons pas constaté une partie de la médiation qui tend à soutenir l’exclusion de certains mouvements au profit d’autres. Donc, nous nous attendons à être réintégrés réellement dans le processus.

Un dernier mot…

Boubacar Siddik Ould Taleb : C’est pour vous dire que notre mouvement existe et qu’il s’est rendu utile dans le processus. Le MPSA est aujourd’hui très actif dans la région de Tombouctou. Nous sommes une partie de ce processus par conséquent nous devons le réintégrer dans les meilleurs délais. Nous avons nos armes et nos bases populaires que nous continuerons à défendre que cela soit dans le processus ou en dehors. Maintenant notre décision sera prise sur la base du sort réservé à l’article 10 pour agir dans le processus ou en dehors. Mais notre combat va continuer et nous ne baisserons jamais les bras pour défendre nos communautés.