La difficulté à rétablir la sécurité découle notamment de la multiplication de groupes armés et de la persistance des trafics, selon un responsable malien,
Tout – ou presque – ce que le Mali compte d’hommes en uniforme a été déployé à Bamako pour le sommet Afrique-France réunissant, vendredi 13 et samedi 14 janvier dans la capitale malienne, autour de François Hollande, plusieurs dizaines de chefs d’Etat ou de gouvernements du continent. Autant de personnalités explique cette précaution. Celle-ci traduit également, malgré leurs déclarations, une certaine inquiétude des autorités face au niveau de violences très élevé qui règne au Mali, quatre ans après l’intervention armée française qui avait stoppé l’avancée de mouvements djihadistes vers Bamako et dix-huit mois après la signature d’un accord de paix censé ramener le calme dans le pays
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Officiellement, pourtant, tout va bien. A en croire Mountaga Tall, porte-parole du gouvernement, il ne faudrait pas croire « les journaux [qui] parlent d’un Mali à feu et à sang ». « Les chefs d’Etat qui seront là pourront démentir cette mauvaise lecture », ajoute-t-il. Certes, Mountaga Tall regrette le retard pris dans la mise en œuvre du processus de paix convenu à l’été 2014 à Alger entre le pouvoir malien, d’un côté, et, de l’autre, certains groupes sécessionnistes touareg et/ou djihadistes. Mais il récuse les critiques formulées en privé par une partie de la communauté internationale qui, à l’image d’un officiel français, s’inquiète « du manque de volonté politique du pouvoir à régler le conflit ». A Paris, un autre responsable confie : « On sait que l’accord d’Alger n’est pas soutenu par une majorité de Maliens. Il ne fallait pas imaginer qu’une élection et le déploiement de casques bleus permettent de tout régler. »
« Enlisement »
Publiquement, la France mesure ses propos. Sans doute pour ne pas gâcher le sommet de Bamako, le dernier du président français qui, de surcroît, a fait du Mali la vitrine de sa politique africaine. L’opposition malienne n’a pas cette pudeur. Soumaïla Cissé, ancien ministre et candidat malheureux à l’élection présidentielle de 2015 contre Ibrahim Boubacar Keïta, dénonce ainsi « l’enlisement » du processus et un pouvoir qui avance « sans boussole ». « Ce sommet Afrique-France, dit-il, est organisé dans les pires conditions avec toute une partie [le nord du pays] qui reste inaccessible. » « Nous n’avons pas d’armée qui combat, pas de schéma institutionnel clair, les populations du nord sont laissées à l’abandon, l’accord signé du bout des lèvres n’est pas appliqué alors que l’insécurité est constante dans le nord, se métastase vers le centre et le sud et que le mécontentement se généralise », clame-t-il.
De fait, les violences ont atteint, en 2016, un niveau inquiétant. Selon Florent Geel, le responsable Afrique de la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme, « plus de 385 attaques ont coûté la vie à au moins 332 personnes dont 207 civils dans le nord et le centre du pays ». « Cela s’accompagne d’autres violations des droits humains comme des actes de torture, des enlèvements, des détentions arbitraires et des extorsions de tous types qui s’élèvent au moins à 630 cas. Des chiffres qui ont doublé depuis 2015 », s’inquiète-t-il.
Selon un haut responsable de la région de Ménaka, la difficulté à rétablir la sécurité découle notamment de « la multiplication des groupes armés issus de la même matrice rebelle » qui, avant l’intervention militaire française, occupait une moitié du pays. A cela s’ajoute, d’après lui, la persistance des trafics de drogue, d’armes, de véhicules et d’êtres humains qui prospèrent dans le nord du pays, déserté par l’Etat, et dont les organisations armées tirent profit. « Sans la résolution de la question de l’activité criminelle, on ne pourra envisager de paix durable », conclut-il.
LEMONDE