Sahel : négociations possibles avec certains groupes djihadistes

Par kibaru

La France a admis lundi ne pas s'opposer à des négociations entre les États sahéliens et certains éléments djihadistes, à l'exception fondamentale des directions d'Al-Qaïda et du groupe État islamique.

Paris, qui déploie plus de 5 000 hommes au sein de la force Barkhane, avait déjà laissé entendre que la doxa selon laquelle "on ne négocie pas avec les djihadistes" méritait une analyse plus fine au Sahel, où les groupes armés s'inscrivent au quotidien dans les dynamiques politiques locales. Dans un entretien avec l'AFP, une source au sein de la présidence française a estimé que certains interlocuteurs seraient acceptables dans le cadre de l'accord de paix au Mali de 2015.

"On mène une guerre contre deux organisations qui ne sont pas sahéliennes mais internationales et qui mènent un combat terroriste au-delà de la région", a relevé cette source. Avec l'État islamique au grand Sahara (EIGS), désigné comme l'ennemi numéro un lors du sommet de Pau en janvier 2020, "il n'y a pas de négociation possible (...) et personne ne le demande dans la région". La question est en revanche plus complexe avec le Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (GSIM, également appelé Jnim selon l'acronyme arabe), alliance d'organisations qui a prêté allégeance à Al-Qaïda.

 Paris exclut de parler à son chef, Iyad Ag Ghaly et à un de ses lieutenants Amadou Koufa. L'état-major du GSIM "répond à la hiérarchie centrale d'Al-Qaïda et est totalement intégré dans son organigramme", a justifié l'Élysée. "Personne n'a jamais réussi à négocier avec Al-Qaïda et ce n'est pas la France qui va le faire". Mais, ajoute-t-on de même source, certains éléments du GSIM "ont un agenda beaucoup plus national, souvent opportuniste, parfois régional. Avec ces interlocuteurs-là, il est possible d'avoir une autre réponse (...). Il n'y a aucune raison pour la France de faire obstruction à de telles discussions".

Cette question est un serpent de mer dans la région depuis des années, particulièrement au Mali. Elle avait resurgi en octobre, lors de la libération de quatre otages, dont la Française Sophie Pétronin, au terme de négociations menées par des émissaires maliens auxquelles la France n'avait officiellement pas été associée. "Ce n'est pas la France qui regarde passer les trains, ce sont les Maliens qui décident de leur propre organisation", a insisté la présidence française, réitérant à cet égard son attachement à l'accord de paix, conclu sous médiation algérienne mais jamais pleinement appliqué.

 Éliminer certains acteurs

"À chaque fois que des interlocuteurs du Nord-Mali ont voulu s'assoir pour discuter des accords d'Alger, il y a eu des représailles immédiates avec des assassinats ciblés", estime l'Élysée. "Notre objectif est bien, en éliminant certains leaders, de permettre aux Maliens et aux autres de s'assoir à une table".

Des signaux semblables avaient déjà été lancés par Paris. "Si l'on veut s'entendre avec quelqu'un qu'on a combattu, il faut être capable de choisir le bon partenaire avec lequel s'entendre, celui qui est représentatif, qui est légitime", déclarait récemment le chef d'état-major français, le général François Lecointre. Le GSIM lui-même en avait accepté l'idée, avec en préalable que Barkhane se retire du Sahel. De nombreux analystes soulignent pour leur part que la négociation est la clé d'une paix durable.

"Engager un dialogue avec les djihadistes du Mali soulève un nombre incommensurable de contraintes et de difficultés", écrivait il y a quelques mois, dans un rapport pour la Fondation Berghof, Ferdaous Bouhlel, spécialiste des conflits et médiations. Mais "l'État malien ainsi que le Jnim ont émis la volonté respective d'engager un processus de dialogue (...) faisant de cette idée, perçue hier comme une utopie bercée d'idéalisme et de naïveté, une réalité relevant du possible".

Une perspective à relier à la volonté de Paris de réduire la voilure de Barkhane. La question porte notamment sur le rappel des 600 hommes supplémentaires envoyés sur zone après le sommet de Pau, a précisé la présidence. Ils pourraient être rappelés, au regard des résultats militaires "et de la capacité de nos partenaires sahéliens à assumer le service après-vente, c'est à dire le travail de stabilisation une fois les territoires reconquis".

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