Depuis l’émergence du nouveau coronavirus - devenu le Covid-19 (SARS-CoV-2 de son nom scientifique), un fléau ultra-contagieux s’est lui aussi propagé : les fake news. Ces fausses informations, souvent partagées des milliers de fois sur les réseaux sociaux, se diffusent vitesse grand V et cimentent les thèses complotistes. Sauf qu’une fois vérifiées, ces intox ne valent plus grand chose. Retour sur une année de lutte contre la désinformation.
Les rumeurs contaminent à tous les niveaux. À l’échelle d’un territoire, d’un pays et parfois du monde. Si les fake news pullulent souvent sur les réseaux sociaux lors d’attentats ou d’événements à fort retentissement, elles ont (bien trop) pris leurs quartiers depuis l’apparition du nouveau coronavirus, en Chine, là où le premier mort des suites de la maladie a été signalé le 24 janvier 2020. Dans les jours et mois qui ont suivi, la déferlante de fausses infos a gonflé. Heureusement, des cellules spécialisées (*) se sont constituées pour les vérifier et démontrer leur inexactitude. Et les plateformes ont aussi pris des mesures pour les retirer mais souvent un peu à retardement. Images détournées, messages anxiogènes, documents faussement interprétés... Retour sur 15 intox - sélectionnées dans une liste infiniment longue - qui ont eu le temps de devenir virales.
Février 2020, fausse breaking news et détournement d'images
1.C’est un générateur de breaking news qui a entraîné le partage et la reprise d’une fausse info : “Dernière nouvelle : la cocaïne tue le coronavirus”. Une fausse annonce qui a énormément tourné sur les réseaux sociaux, notamment au Nigéria mais également en Europe. La cellule fact check de l’AFP a vérifié en interrogeant l'administrateur général de l’Institut Pasteur de Dakar, l'un des deux centres de référence en Afrique. Et la réponse est claire : Non, la cocaïne ne soigne pas le coronavirus.
2.Quelques semaines après l'émergence de l’épidémie, des images ont surgi et tourné sur les réseaux sociaux, montrant des personnes allongées sur un trottoir. Captées par un cycliste, elles ont été reprises et surtout réinterprétées, prétendant qu’il s’agissait de cadavres jonchant les rues de Wuhan, ville chinoise d’où est partie l’épidémie. La cellule Désintox d’Arte a décortiqué cette vidéo. Elle n’a en réalité pas été tournée à Wuhan mais à Shenzhen et les personnes au bord de la route ne sont pas mortes. Ces Chinois sont contraints de dormir dehors suite aux restrictions de déplacements mises en place pour limiter la propagation de l'épidémie. Donc : non, les rues de Wuhan ne sont pas pavées de cadavres.
Mars 2020, l'infox pour faire peur
3.Le poids des images s’est considérablement accentué au fil de la progression du virus. Sur Facebook notamment, au début du premier confinement, de terribles images ont été partagées pour inciter les gens à rester chez eux. Elles montraient des soignants, des lits médicalisés et des victimes par dizaines dans des rues, en prétendant qu’il s’agissait de la situation en Italie où les hôpitaux n’étaient soi-disant plus en capacité d’accueillir les malades. La cellule Vrai du faux de France Info a remonté l’histoire de ces photos : elles ont été prises en Croatie, suite à un tremblement de terre et n'ont rien à voir avec l'épidémie. Une nouvelle fois, non, ces photos de patients et de lits médicalisés dans la rue ne montrent pas la situation des hôpitaux italiens.
4.Ignorance, abus de langage et confusion. Une vidéo affirmant que le Covid-19 a été créé en 2003 en laboratoire par l’Institut Pasteur a été visionnée plusieurs millions de fois en quelques jours. L’homme qui prend la parole, multiplie les allégations et remet en cause l’apparition récente du coronavirus Sars-CoV-2. Mais comme l’ont vérifié La Montagne et de nombreuses cellules de décryptage : toute cette vidéo repose sur une ignorance et des abus de langage. Quant au document montré par l’homme qui apparaît à l'écran, il s’agit bien d’un brevet authentique mais il porte sur un virus différent du nouveau coronavirus détecté pour la première fois en Chine fin 2019, comme l’indique l’AFP fact ou comme l'explique, en vidéo, la plateforme Vrai ou fake.
5.Ces images de camions de l’armée, prises dans le Val-de-Marne, ont fait le tour de la toile, mi-mars avec des légendes totalement fausses annonçant que l’armée avait été mobilisée dans le cadre du confinement. Vérification faite par la cellule Vrai du faux de France Info : tous ces véhicules militaires étaient en mouvement dans le cadre de leurs activités habituelles et non, ces camions de l'armée ne sont pas déployés à cause du coronavirus (ils retournent à leur base)
6.Les réseaux ont aussi contribué à amplifier des accusations infondées. Exemple : une rumeur prêtant à la Ville de Clermont-Ferrand une volonté de ne pas distribuer un stock de 15.000 masques qu’elle avait à sa disposition a pris beaucoup d’ampleur. La Montagne a vérifié : oui ces masques ont existé mais non, la Ville ne refuse pas de les distribuer. Tout simplement parce qu’elle ne le possède plus suite à deux inondations, ils ont été rendus inopérants.
Avril 2020, quand les stars s'en mêlent
7.Une fake news anxiogène : c’est le cas de ce message qui a fait le tour du monde - il a été diffusé dans plusieurs langues - affirmant que des personnes malveillantes distribuaient gratuitement des masques imprégnés d’un produit chimique pour endormir les victimes et les cambrioler. La cellule Vrai du faux de France Info a expertisé ce message, vérifiant notamment si des plaintes avaient été déposées pour de tels faits. Aucune remontée de ce type n'était arrivée aux services de police : non, personne ne distribue de masques imbibés de produits chimiques pour vous cambrioler.
8.Une fausse info - même dite avec précaution - diffusée en direct à la télévision, à une heure de grand écoute, par un animateur star entraîne de suite l’emballement. Le 6 avril, dans son émission TPMP, Cyril Hanouna évoque une carte annonçant les dates du déconfinement. Bien qu’il précise qu’il n’a pas tous les éléments sur la véracité de ce document, le mal est fait, elle tourne en boucle sur les réseaux sociaux. Sauf que cette carte, qui se prétend officielle grâce à un collage de logos des ministères, est un montage. Le Parisien, qui a immédiatement vérifié auprès de Matignon, a rapidement indiqué que « ni la carte, ni les dates n'existent ».
Mai 2020, déjà de l'infox anti-vaccin
9.Le vaccin anti-Covid, dès ses premières phases de test, a fait l’objet de nombreuses rumeurs et autres fake news. Celle affirmant la mort de la scientifique Elisa Granato - volontaire pour participer aux essais -, deux jours après l’injection du vaccin, a été partagée des dizaines de milliers de fois. Et elle a été accentuée par une déclaration prêtée à des scientifiques américains qui auraient parlé d’autres participants à l’essai clinique dans un état critique, un des “effets attendus du vaccin”. La cellule Desintox d’Arte a retrouvé cette scientifique et elle allait très bien. Elle a même été interviewée par la BBC.
Juillet 2020, contre le masque
10.Alors que les Français se voient imposer le port du masque dans de nombreux lieux depuis plusieurs semaines, des internautes relaient en masse, sur Twitter et Facebook, une publication, mettant en avant un document signé par un avocat, qui dit démontrer l’irrégularité et l’illégalité des amendes infligées en cas de non-respect du port du masque. Checknews, la cellule de vérification de Libération, a décortiqué cette affirmation et l’a, points de droit à l’appui, remise en cause : “Il s’agit d’une mauvaise interprétation de la loi”.
Août 2020, les hôpitaux eux aussi victimes
11.Une prime de 5.000 euros octroyée aux hôpitaux par personne décédée du Covid. Cette fausse information a émergé en Belgique et a aussi énormément circulé en France. Elle a gagné du terrain sur Facebook, surfant sur la “comptabilisation” pas toujours évidente des décès liés au Covid-19, notamment chez les personnes souffrant d’autre(s) pathologie(s). Comme l’explique La Voix du nord, nos confrères de la Deutsche Press Agentur (DPA), membres de l’International Fact-Checking Network et collaborateurs de l’initiative de fact-checking lancée par Facebook se sont penchés sur cette fausse information. Elle a évidemment été démentie et il est rappelé qu’un guide de certification des décès a été établi par l’OMS pour qu’ils soient précisément définis.
Septembre 2020, réinterprétations complotistes
12.Les complotistes n’ont de cesse, depuis la découverte du virus, d’affirmer que tout ceci était prévu. Ils n’hésitent d’ailleurs pas à interpréter à leur manière des documents pour diffuser leurs idées. Comme lorsqu’ils ont, via des publications Facebook partagées et repartagées, diffusé un tableau et prétendu que "tous les pays du monde achetaient déjà [en 2018] des kits de test pour le Covid-19". Ce tableau, l’AFP Fact l’a étudié et a demandé à la Banque Mondiale de l’expliquer. Et non, ce tableau ne prouve pas que des Etats achetaient des tests Covid-19 en 2018. Il liste “les importations d'un dispositif médical qui existait en 2018 et qui a été classé comme "produit Covid-19" en avril 2020 du fait de son importance dans la lutte contre la pandémie”.
Octobre 2020, le mouvement anti-masque
13.Les anti-masques n’ont pas hésité non plus à faire circuler des fake news. Par exemple, ils ont relayé massivement la vidéo d’un médecin allemand controversé qui assure que trois enfants « sont morts parce qu'ils portaient un masque pour une maladie qui n'existait pas. » La cellule Désintox d’Arte a vérifié chacun des cas évoqués, en s’appuyant sur les résultats des enquêtes et même un communiqué des pompes funèbres. Et non, les masques n'ont pas causé la mort d'enfants allemands.
Décembre 2020, les anti-vax évidemment
14.Après les anti-masque, les anti-vaccin. Ces derniers induisent régulièrement les internautes en erreur. Par exemple, alors que les vaccins anti-Covid entraient dans leur dernière phase de test, des publications sur les réseaux sociaux demandaient si la technologie des vaccins à ARNm pouvait modifier le génome et, à terme, l'ADN. Pour vérifier, la cellule (Anti)viral du Groupe Centre France a interrogé deux scientifiques. Et la réponse est claire : les molécules ARN « n'ont pas de structure de séquence qui leur permettent de recombiner avec le génome », donc non, avec le vaccin à ARNm, le virus ne va pas s'intégrer dans le génome et modifier votre ADN.
Janvier 2021, l'ignorance politique
15.Quand les fausses infos sont relayées par les personnalités politiques, les conséquences sont tout aussi dramatiques. Début janvier, le président du Sénat Gérard Larcher a affirmé sur France 2 que le formulaire de consentement au vaccin pour les résidents en Ehpad faisait 58 pages. Pour argumenter sur la présumée lourdeur de la procédure de vaccination des personnes âgées. Mais, comme l’a vérifié la cellule (Anti)viral de Centre France, le dossier présenté par Gérard Larcher n’était pas le formulaire de consentement - qui tient sur une feuille A4 simple - mais un recueil explicatif pour les familles des résidents d’Ehpad.
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