Les femmes enceintes en milieu rural au Mali : entre l’espoir d’une vie et le spectre d’une mort certaine

Par kibaru

Parmi les plus beaux moments de la vie, c’est lorsque les douleurs d’une mère se confondent aux cris d’un nouveau-né et la joie de la famille. Mais il semble que dans le milieu rural tel n’est malheureusement pas le cas en raison du taux élevé de mortalité des femmes enceintes qui fait suite à l'absence de soins de santé nécessaires et de la sensibilisation.

Selon des statistiques récemment réalisées par une ONG intervenant sur des questions liées à la femme et à l’enfant, les zones rurales de Tombouctou ont enregistré en 2015 plus de 400 accouchements au cours desquels 80 femmes ont perdu la vie et plus de 100 nouveau-nés sont morts. Ce, en raison du manque d'hôpitaux et de la négligence du suivi médical pendant la grossesse.

Selon Fatima Wallet Mohamed Aly, femme au foyer, vivant à Bambara Maoudé, localité située à environ 89 km au nord de la ville de Sévaré, relevant administrativement de la région de Mopti : « Nous sommes conscientes que les décès qui ont lieu au cours des grossesses ou pendant l’accouchement sont principalement dus au fait que nous sommes habitués à faire cela dans nos maisons et au manque d’hôpitaux dans les zones rurales et les villages ».

Et Fatima d’ajouter « personnellement, j’ai perdu trois enfants au cours de mes grossesses. Moi-même, j’ai failli perdre la vie pour les mêmes raisons. Nous avons quitté le village en destination de Tombouctou. A notre arrivée, j'étais inconsciente et le médecin a dit qu’il n’a rien pu faire pour sauver l’enfant. Malheureusement, ce n’est pas la première fois que cela m’arrive ou arrive à d’autres femmes ».

Un autre récit qui montre l’ampleur de la tragédie, c’est celui relaté par Zeinab Dicko, une jeune femme qui a perdu sa mère lors de sa naissance et la voilà à son tour qui perd ses jumelles. Elle raconte : « Au Mali, dans les zones rurales, il n’est pas étonnant que des cas de décès surviennent de cette façon, nous en avons l’habitude. Moi, j’ai d’abord perdu ma mère et maintenant ce sont mes filles jumelles ».

Elle ajoute: «Je souffrais d'une longue hémorragie qui m’a beaucoup fatigué pendant la grossesse. Et au bout du neuvième mois, j’ai mis au monde des jumelles qui n’ont pas survécu. J’ai beaucoup attendu leur naissance puisque ma mère n’a jamais eu cette chance avec moi. Une chance qui continue à nous échapper ».

Selon le Dr. Abdallahi Maïga, gynécologue-obstétricien à Tombouctou : « les décès de femmes enceintes surviennent chaque jour en milieu rural parce que les nomades ne se soucient pas d’évacuer leurs femmes vers les hôpitaux. Ces cas de décès font généralement suite à une hémorragie, une fièvre puerpérale, une dystocie, des complications liées à l'anesthésie et celles qui surviennent au cours d’un avortement médicamenteux.

Il a aussi déclaré que «les causes indirectes associées aux risques de décès maternel s’élèvent à 18%. Elles sont généralement liées au diabète, à l’hypertension, au paludisme, à l'anémie et la jaunisse ».

Il impute les raisons de ces décès à la « négligence des nomades, dans certains cas, malgré le danger et le manque de sensibilisation sur la problématique liée à la santé de la reproduction en milieu rural au Mali ».

Massire Diop