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Migration illégale : le Niger assure le job, selon l'OIM

Par kibaru

Le nombre de migrants transitant par le Niger et la Libye a considérablement baissé ces derniers mois, selon le constat que vient de dresser l’Organisation internationale pour les migrations (OIM). L’agence onusienne explique cette situation par les mesures prises par les autorités de ces deux pays et particulièrement du Niger pour mettre fin au trafic des migrants dans la région d’Agadez, passage de transit obligé pour accéder aux côtes européennes. Aujourd'hui, certaines autorités locales dénoncent l’absence des contreparties financières promises.

Les chiffres que vient de publier l'OIM parlent d'eux-mêmes : de 5 000 à 7 000 par semaine l'année dernière, le nombre de migrants transitant par Agadez au Niger avant de mettre le cap vers la Libye ou l'Algérie en direction de la Méditerranée, est actuellement estimé à quelque 5 500 par mois. Pour l'OIM, c'est un fait : le nombre de migrants transitant par le Niger pour rejoindre la Libye a considérablement chuté. «Une chute spectaculaire», même selon l'agence onusienne pour qui ce recul n'est pas étranger aux mesures «énergiques» prises par les autorités nigériennes pour arrêter les passeurs et pour fermer les «ghettos», des lieux de transit où vivent les migrants.

Selon l'OIM, le Niger a ainsi fermé trois des six maisons de transit dans la ville d'Agadez, «où les migrants s'arrêtaient souvent avant de poursuivre leur voyage devant les mener à la traversée de la Méditerranée». C'est ce qu'a confirmé le chef de la mission de l'OIM au Niger, Giuseppe Loprete, tout en ajoutant que les migrants attendaient dans ces maisons de transit avant que les véhicules des passeurs les acheminent en Algérie ou en Libye. «De nombreux véhicules ont été récupérés par l'armée le long des routes migratoires. Les contrebandiers ont été arrêtés», explique également Giuseppe Loprete pour qui «tout ceci a créé un contexte et envoyé un message aux candidats au départ disant que le transit via Agadez n'est pas facile, n'est pas si facile que ça».

Le Niger a donc assuré la tâche en parvenant à contenir le flux massif de migrants qui arrivent sur son territoire en provenance de différents pays de la sous-région et même au-delà. Selon l'OIM, le pays est non seulement un pays d'origine et de destination, mais également un pays de transit pour les hommes, femmes et enfants victimes de traite et soumis au travail forcé. «Le pays continue d'être un lieu central pour les activités de lutte contre la traite et contre le trafic illicite de migrants depuis l'Afrique de l'Ouest et à l'intérieur de la région», a toutefois mis en avant l'organisation onusienne.

De ce fait, face au durcissement de la lutte contre les migrants illégaux transitant par le Niger, ces derniers cherchent des itinéraires alternatifs, «au moins tout aussi dangereux», a mis en garde l'OIM.

A rappeler que le Niger avait deux routes pour atteindre la Libye : une plus proche du Tchad, utilisée pour faire passer des migrants, et une autre plus proche de la frontière algérienne qui était beaucoup plus dangereuse et utilisée par des groupes extrémistes, mais aussi pour le trafic de la drogue et des armes, selon les experts onusiens.

Le Niger, élève modèle pour l'Europe

De manière générale, l'OIM a relevé que le nombre de migrants traversant le Sahel vers l'Europe a très fortement baissé récemment, en raison des mesures prises par certains pays de transit pour combattre la migration irrégulière. Le Niger en constitue un cas d'école comme l'a fait remarquer le président français, lors de sa réunion de travail du 27 août dernier avec six dirigeants africains et européens (Tchad, Libye, Allemagne, Espagne, Italie et Union européenne) sur le contrôle et la gestion maîtrisée des flux migratoires en provenance d'Afrique.

«Depuis juin 2016, le Niger a commencé un travail extrêmement conséquent que je vais saluer et qui a produit les premiers résultats, c'est cela que nous voulons généraliser, aider le Tchad à le mettre en œuvre, la Libye également et permettre un démantèlement à travers l'identification des coupables, à travers un vrai travail sécuritaire et judiciaire», a déclaré Emmanuel Macron

Il faut dire que depuis 2015 et en prélude au Sommet de la Valette, le Niger s'est fortement engagé, selon son président Mahamadou Issoufou, à mettre fin aux migrations irrégulières qui ont pris de l'ampleur dans le pays avec leur lot de désolations, au point où certains n'ont pas hésité à qualifier la dramatique traversée du Sahara de «cimetière à ciel ouvert».

Le plan de lutte contre la migration clandestine mis en œuvre par le Niger a été axé sur deux volets : sécuritaire et développement économique et social, selon les précisions du président Nigérien. Pour Issoufou, cette lutte contre les flux migratoires clandestins obéit en effet à deux considérations : «La première raison est morale parce que le dirigeant africain que je suis, trouve insupportable que des milliers d'Africains viennent mourir dans le désert et en Méditerranée. Mais aussi le Niger est fortement engagé pour des raisons sécuritaires, parce que les passeurs qui amènent les migrants en Libye reviennent au Niger avec des armes, cela nous pose donc un problème de sécurité», explique le chef d'Etat nigérien afin notamment d'écarter toute ambiguïté face à ceux qui qualifiaient le Niger de jouer «les gendarmes de l'Europe».

«Le Niger n'a cessé de coopérer étroitement avec l'UE, notamment pour combattre le trafic de migrants, devenant un exemple de la manière dont l'UE et ses États membres peuvent combiner les divers outils disponibles dans le cadre d'une approche globale», rappelait l'Union européenne, l'année dernière, dans un communiqué de presse.

Contrepartie financière et manque à gagner

L'engagement nigérien est bien sûr corrélé à des contreparties financières à travers le financement de projets de développement dans la région nord du pays, mais également en soutien aux opérations de lutte contre les réseaux clandestins de passeurs et autres trafiquants. En juillet dernier par exemple, l'UE a annoncé avoir débloqué une enveloppe de 10 millions d'euros soit quelque 6,5 milliards de Fcfa en faveur du Niger, dans le cadre de la lutte contre le passage de migrants ouest-africains et un autre versement du même genre est attendu par les autorités nigériennes d'ici la fin de l'année.

Des millions d'euros en provenance du fonds fiduciaire mis en place par l'UE dans le même cadre et aussi d'aides bilatérales qui ne manquent pas d'attiser les convoitises. D'autant que les autorités locales, au niveau de la principale région concernée par le fléau, annoncent n'avoir toujours pas reçu les fonds destinés aux projets de développement et à la reconversion des passeurs.

Le 28 septembre dernier, l'association des élus locaux est ainsi montée au créneau à travers une déclaration publique dans laquelle elle dressait un bilan peu reluisant de l'application de la loi adoptée en 2015 à l'initiative du gouvernement contre ceux qui s'adonnent à l'activité de «passeurs ou transporteurs de migrants». Selon les élus locaux, près de 6 700 personnes vivaient alors de cette activité et les mesures prises par les autorités ont occasionné d'importants manques à gagner pour les communes.

Ainsi, rien que pour la commune d'Agadez, principale ville de la région, c'est un manque à gagner de 65 milliards de FCFA par an (environ 117 millions de dollars) qui est induit par les nouvelles mesures, selon des estimations basées sur le nombre de migrants en transit, rapporté au budget moyen investi par chaque passager.

Le tableau ci-dessus en détaille les pertes occasionnées pour la région d'Agadez avec qui pourtant plusieurs conventions ont été signées et qui s'inquiète du nouveau contexte propice à la prolifération des activités clandestines, si les engagements signés ne sont pas accompagnés d'effets sur le terrain.

latribune