Au Mali, on estime que 12.000 enfants de moins de 14 ans vivent avec le VIH. Le Dr Mamadou Traoré plaide pour que le dépistage du VIH devienne obligatoire chez toutes les femmes enceintes.
À 4 ans, Seydou pesait moins de 10 kg. Seydou est né avec le virus du sida. S'il était né à Paris, ce petit garçon au doux sourire n'aurait pas été infecté. Mais Seydou est né au Mali et Temimba n'a su qu'elle était séropositive que plusieurs mois après la naissance de son bébé. Ce jour-là, elle l'accompagne chez le médecin. Le docteur Mamadou Traoré enchaîne les consultations dans un petit bureau sans fenêtre à la peinture écaillée. Au centre-ville de Bamako, le Cesac (Centre de soins, d'animation et de conseil) accueille les personnes vivant avec le VIH depuis plus de vingt ans. Dans la cour, assises à l'ombre sur des bancs en bois, une quinzaine de personnes attendent le médecin, le pharmacien ou l'assistante sociale.
Le Dr Mamadou Traoré ausculte Seydou, entre deux coupures d'électricité qui plongent le cabinet dans le noir, et rassure Temimba: «Ça va aller maintenant.» Maintenant que Seydou reçoit un traitement antirétroviral. «Il commence à reprendre du poids et d'ici deux ou trois mois tout devrait rentrer dans l'ordre.» Comme deux tiers des femmes enceintes séropositives au Mali, Temimba n'a pas eu accès à la prise en charge qui aurait évité la transmission du VIH. Elle n'a pas fait de dépistage pendant sa grossesse.
Ce n'est qu'à la fin de l'année dernière qu'elle et son fils ont fait le test. Positif. La réaction de son mari fut immédiate: il a emmené Seydou au village. Pas question de dire que son fils avait le sida dans un pays où la discrimination est encore forte. Mais quand son enfant est tombé malade, sa mère l'a ramené à Bamako où ils sont désormais pris en charge. Depuis, Temimba ne rate pas un rendez-vous.
Une situation insupportable
«Nous continuons à recevoir des femmes comme Temimba qui ne bénéficient pas de la sérologie pendant la grossesse », explique le Dr Traoré. «Et qui risquent donc de mettre au monde des enfants infectés. Voir un enfant qui vient de naître avec le VIH est vraiment une situation insupportable pour nous car on a les moyens pour éviter ça!» Dépistage, mise sous traitement des mères, antirétroviraux pour les nourrissons: dans un pays comme la France, seuls quelques enfants naissent avec le virus.
Au Mali, on estime que 12.000 enfants de moins de 14 ans vivent avec le VIH. Pourtant, ajoute le Dr Traoré, «depuis 2010, le gouvernement malien a tout fait pour que toutes les femmes bénéficient de dépistage au cours de la grossesse. Mais ce n'est pas le cas. Si cette femme en avait bénéficié, probablement que cet enfant ne serait pas malade». Lui voudrait aller plus loin: «Si on pouvait rendre obligatoire le dépistage chez toutes les femmes enceintes, je pense que ce serait une très bonne chose.»
Les traitements antirétroviraux sont aujourd'hui disponibles au Mali. Dans une petite pièce de l'autre côté de la cour du Cesac, les boîtes de médicaments sont bien rangées sur les étagères. «Nous avons des formules pédiatriques, plus faciles à prendre pour les enfants», assure la pharmacienne. Encore faut-il savoir lesquels en auraient besoin. «Le combat du dépistage est essentiel», confirme le Dr David Masson, référent du programme «Grandir», programme de prévention et de prise en charge du VIH pédiatrique, mis en place par Sidaction depuis dix ans en Afrique francophone. Le pédiatre avance des solutions: d'abord, un dépistage familial afin que les services qui suivent des parents infectés testent systématiquement les enfants. Ensuite, un dépistage de routine à l'hôpital, pour que tout enfant hospitalisé, quel qu'en soit le motif (diarrhée, paludisme…), bénéficie d'un test VIH. «Trop souvent, on récupère les enfants tellement tard que même avec un traitement, le taux de mortalité est dramatique, jusqu'à 20 % à un an», se désole le Dr Masson.
Les obstacles sont encore nombreux pour atteindre les objectifs fixés pour mettre fin à l'épidémie de sida. L'Unicef a listé ceux concernant les enfants maliens: la faible couverture géographique, les ruptures de stocks pour les tests de dépistage, les insuffisances de suivis des femmes et des enfants ou encore le manque d'implication des familles. Mais le Dr Masson qui travaille depuis dix ans en Afrique se veut optimiste: «Je vois que les choses avancent.» Le meilleur exemple: «Je vois des enfants grandir, faire des études. Et avoir des enfants!»
LeFigaro