Le président français se rendra à Niamey vendredi et samedi décembre. L’objet premier du voyage est évidemment militaire.
Après Gao, Ouagadougou, Abidjan ou encore Alger : Niamey. Le déplacement qu’Emmanuel Macron doit effectuer au Niger les 22 et 23 décembre devrait être un condensé de la stratégie élyséenne pour l’Afrique. Appui aux forces africaines du G5 Sahel, lutte contre l’immigration, discours sur la jeunesse : tous les mantras que le chef de l’Etat français aura dévoilés ces derniers mois devraient être concentrés et mis en scène dans ces deux jours de visite au « bon élève sahélien ».
L’objet premier du voyage est évidemment militaire. « Le président de la République a choisi de se déplacer pendant cette période de fin d’année au Niger pour aller rencontrer les troupes déployées au sein de l’opération Barkhane et plus singulièrement ceux de la base aérienne projetée de Niamey », explique l’Elysée. Si une visite de Noël à des forces déployées à l’étranger est un rituel pour un chef de l’Etat français, le choix de la capitale nigérienne répond aux préoccupations sécuritaires du moment : Niamey est un « hub d’entrées de nos opérations au Sahel », comptant quelque 500 soldats français, souligne la présidence. Le chef de l’Etat visitera vendredi la base en question, avant de dîner avec les troupes.
La visite s’inscrit aussi dans le prolongement de la mobilisation présidentielle en faveur du G5 Sahel, cette force conjointe, fortement poussée par Paris, qui réunit le Mali, le Burkina Faso, le Tchad, le Niger et la Mauritanie. Depuis des mois, le président français s’acharne à mettre en place cette force anti-djihadiste le plus vite possible et à accroître l’aide internationale autour d’elle.
Territoire stratégique et plaque tournante
Lors du dernier sommet sur le sujet à la Celle-Saint-Cloud, le 13 décembre, Emmanuel Macron a obtenu de nouvelles promesses de financement – de l’Arabie saoudite (100 millions d’euros), des Emirats arabes unis (30 millions) et des Pays-Bas (5 millions) –, et un soutien politique accru, via le lancement d’une « coalition Sahel » incluant les Etats-Unis, l’Allemagne, l’Italie et des organisations internationales autour du même objectif de soutien aux pays du G5 Sahel. Symboliquement, se joindront ainsi au dîner présidentiel du 22 décembre un détachement de 45 Allemands, des officiers de liaison européens mais aussi certainement des Américains et des Canadiens présents sur les bases voisines.
Le Niger est un territoire stratégique. Pays immense et semi-désertique, l’un des plus pauvres de la planète, il est confronté aux attaques des groupes djihadistes de la bande sahélienne à l’ouest et au nord, mais aussi aux islamistes de Boko Haram au sud-est. Il est aussi une plaque tournante du trafic de migrants africains qui tentent de gagner l’Europe, en continuant soit par l’Algérie à l’ouest, soit par la Libye à l’est. Autant de problématiques qui vont permettre au président français de décliner les autres piliers de sa politique africaine, énoncée lors de son discours de Ouagadougou. Ce déplacement est « un signal politique fort adressé à un partenaire qui est engagé aujourd’hui sur tous les fronts », souligne-t-on du côté de l’Elysée.
Le président nigérien, Mahamadou Issoufou, est un allié-clé des Occidentaux dans la région, ce qui lui vaut les critiques d’une partie de la population et de la classe politique. Les forces armées étrangères – française et américaine notamment, engagées contre les groupes dhijadistes – y sont fortement présentes. Lors de la réunion de la Celle-Saint-Cloud, M. Issoufou a annoncé que deux bataillons supplémentaires seraient fournis à la force du G5 Sahel.
400 millions d’euros pour le développement
Le pays a également été le premier à avoir accueilli des centres de transit pour migrants, voulus par les Européens. Dès 2015, quatre structures ont été ouvertes sous l’égide de l’Union européenne et de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM). Installées dans les villes de Niamey, Arlit, Agadez et Dirkou, elles sont censées faciliter les démarches des migrants qui veulent rentrer dans leur pays. Depuis début 2017, le Niger applique aussi avec une sévérité inédite une loi punissant le trafic de migrants. Avec des résultats contestés : si le ralentissement du principal flux de circulation Niamey-Agadez est notable, de nombreux observateurs estiment que les réseaux se sont adaptés et empruntent désormais des routes secondaires, plus dangereuses.
Enfin, Paris devrait annoncer de nouveaux projets de développement à destination de ce pays qui figure tout en bas des classements mondiaux sur le développement, malgré ses importantes réserves d’uranium, notamment exploitées par le français Areva. La France avait annoncé que 400 millions d’euros lui seront consacrés au cours des 4 prochaines années (2017-2021). L’Elysée estime que le Niger est en première ligne s’agissant du défi démographique, de l’éducation des filles, autres sujets clés du discours de Ouagadougou.
Lemonde