La proposition a été faite par le président du Niger, Mahamadou Issoufou, en marge du 29e sommet de l’Union africaine qui a pris ce mardi dans la capitale éthiopienne, Addis-Abeba. Selon lui, la force conjointe que veulent mettre sur pied les pays du G5 Sahel (Mali, Mauritanie, Niger, Burkina Faso et Tchad) est à l’image de celle qui combat la secte Boko Haram dans le bassin du lac Tchad.
Toutefois, son opérationnalisation immédiate reste confrontée à un problème de financement et au manque de moyens logistiques. Et le Conseil de sécurité de l’ONU n’a pas jugé nécessaire de trancher le problème à travers une résolution autorisant son déploiement. D’où le renvoi de ces lancinantes questions à une conférence des bailleurs prévue avant la fin de cette année.
Aussi, pour contourner ces obstacles majeurs, le président du Niger a-t-il proposé de transformer la force conjointe du G5 Sahel en une brigade au sein de la MINUSMA. Ce, à l’image de la mission onusienne en RDC (MONUSCO) qui a été dotée d’une « brigade d’intervention » afin de renforcer les opérations de maintien de la paix.
La raison qu’il invoque c’est que le Mali et le Congo se trouvent dans la même configuration avec des mouvements qui veulent la paix et d’autres qui prônent la violence. Pour lui, c’est un double objectif qui est visé à travers l’intégration de la force conjointe du G5 Sahel au sein de la MINUSMA.
Il s’agit en effet d’accélérer la mise en œuvre de l’accord pour la paix et la réconciliation au Mali, issu du processus d’Alger, et de lutter énergiquement contre le terrorisme et d’autres formes de criminalité qui sévissent au Sahel. Notamment le trafic d’armes, de drogue, la traite d’êtres humains… Une proposition, certes, jusqu’ici mal comprise mais dont la prise en compte pourrait s’effectuer à travers la recommandation issue du sommet extraordinaire du G5 Sahel, tenu dimanche dernier à Bamako, et relative à la mise sur pied de cette force conjointe grâce à des financements de la MINUSMA, elle-même dotée à la faveur du renouvellement de son mandat d’un budget de près d’un milliard de dollars.
Moyens financiers et logistiques dont dispose cette force
Rappelons que pour ses débuts, la force conjointe du G5 Sahel disposera d’un effectif de 5200 hommes. A terme, il est prévu qu’il atteigne environ 10.000 hommes. Une partie de la question de la formation et de la logistique a été réglée par la France qui, par la voix de son président Emmanuel Macron, a indiqué que la force Barkhane assistera celle du G5 en termes de conseil, d’assistance et de combat. S’y ajoute une dotation de 70 véhicules tactiques et un appui opérationnel.
Quant aux moyens financiers, on est encore très loin des 423 millions de dollars nécessaires au démarrage effectif de cette force. Pour le moment, elle peut compter sur les promesses de la France (8 millions d’euros d’ici fin 2017), de l’Union européenne (50 millions d’euros) et l’engagement des Etats membres de contribuer à hauteur de 10 millions d’euros chacun.
Toutefois, aujourd’hui, sur ces promesses, seuls 5 millions d’euros sont disponibles en vue du démarrage de cette force dont l’opérationnalisation est attendue avant septembre prochain. L’Union africaine, bien qu’inscrivant parmi ses priorités la lutte contre le terrorisme, est pour le moment hors jeu. Puisqu’elle-même est confrontée à des problèmes de financement dont l’essentiel lui provient de l’aide extérieure.
Des arguments qui plaident en faveur du déploiement rapide de cette force conjointe
Aujourd’hui, il est évident que le déploiement rapide de la force conjointe du G5 Sahel et sa nécessaire montée en puissance sont la seule alternative pour ramener la paix, la sécurité, la prospérité et le développement dans cette région. Ce, après que la MINUSMA et Barkhane aient montré leurs limites aussi bien dans le maintien de la paix que dans la lutte contre le terrorisme.
D’ailleurs, la paix n’a jamais aussi menacée dans cette région où la nouvelle alliance « Nosrat a-Islam wal-Mouslimin » regroupant tous les mouvements terroristes affiliés à Al-Quaïda sous la direction de Iyad Ag Ghali, ne cesse de décimer les armées des pays du Sahel. Et que dire des autres groupes affiliés à Daesh tels que l'Emirat au Grand Sahara d'Abou Walid Sahraoui et la secte Boko Haram ? Sans compter d’autres groupes non encore affiliés à ces deux organisations, à l’image d’Ansarul Islam.
Ainsi, malgré ses 800 millions d’euros annuellement investis, l’Opération Barkhane montre aujourd’hui quelques signes de faiblesse, n’étant pas habituée à la guerre d’usure que lui livrent ces groupes.
Aujourd’hui, la région du Sahel, qui fait partie des plus pauvres de la planète, sert de refuge aux jihadistes et aux trafiquants en tous genres (drogue, armes, êtres humains à travers les otages et les migrants). Une manne financière importante que ces groupes hors la loi n’entendent pas lâcher aussi facilement.
De sources dignes de foi, la France, qui n’a pas réussi le règlement des problèmes de financement et de mandat onusien escompté par la force conjointe du G5 Sahel s’attendait, à cause notamment des réticences des Etats-Unis et du Royaume Uni, ne compte pas renoncer à ses ambitions.
Elle envisage en effet de réintroduire le dossier en octobre prochain, à l’occasion de sa prise de commandement du Conseil de sécurité de l’ONU. En tout état de cause, le temps presse, car en face, l’ennemi a déjà pris une bonne longueur d’avance.