Les crises ne sont pas toujours une mauvaise chose. A plusieurs égards, elles sont riches en enseignements. Aussi funeste soit-elle, la pandémie du Covid-19 est une occasion inespérée pour l’Afrique sinon de se hisser progressivement au niveau des autres continents, du moins de déclencher le processus d’industrialisation de ses économies précocement « tertiarisées ».
Seule possibilité dont elle dispose pour faire face aux pénuries similaires à celles que les restrictions sanitaires, les réflexes autarciques et les craintes en tous genres ont occasionnées.
Qui n’a pas vu des pays comme les Etats-Unis et ou ceux de l’Europe procéder à des détournements de masques anti-Covid-19. En effet, les commandes de nombreuses régions françaises avaient été purement et simplement récupérées sur le tarmac même des aéroports d’embarquement en avril dernier. Il y a également eu la guerre de la chloroquine, quand les rares pays producteurs en ont interdit l’exportation. Il en a été ainsi de tous les produits pharmaceutiques ou parapharmaceutiques servant à lutter contre le nouveau coronavirus. Sans parler des produits alimentaires. Bref, la leçon a été assez instructive, y compris pour les plus libéraux des politiques, y compris pour les plus fervents partisans de la division internationale du travail, enfin y compris pour les meilleurs élèves de l’école de Smith.
La meilleure réponse de l’Afrique à cet environnement hostile se nomme ENTREPRISE et se décline en PRODUCTION LOCALE entièrement intégrée.
L’entreprise est la seule entité capable de permettre au continent de rattraper son retard. Parce qu’elle est source de création de richesse et d’emplois. Parce qu’elle garantit l’autonomie quand on ne peut plus compter sur ses meilleurs «amis». Ces amis-là qui n’hésitent plus à afficher la préférence nationale, vous privant de médicaments ou de nourritures.
Au-delà de l’emploi, de la richesse et de la sécurité, la vision entrepreneuriale des Etats a bien des avantages. Car, en amont de cette révolution que nous appelons de nos vœux, il faudra investir massivement dans le capital humain par l’éducation, la formation et la santé, mais aussi dans les superstructures, les infrastructures et la logistique. Il sera aussi nécessaire de mettre en place une administration performante, une justice efficace, un système fiscal incitatif sans nuire aux intérêts des Etats. Bref, il faudra un environnement des affaires dignes des pays scandinaves ou encore de la Nouvelle-Zélande, de Singapour ou de Hong-Kong pour citer ceux qui sont régulièrement classés en tête dans le rapport Doing Business.
En outre, le renforcement de la production locale est rendu nécessaire par l’avènement imminent de la Zone de libre-échange continentale africaine (Zleca). Car si la création de la Zleca peut être salutaire, il ne faut pas perdre de vue que sa réussite passera d’abord par le nombre d’entreprises africaines permettant aux pays d’échanger entre eux de façon libre en s’appuyant sur les facteurs production…
L’Union africaine en général, et les Etats membres, chacun en ce qui le concerne en particulier, seraient inspirés de penser un plan de formation de la jeunesse et d’innovation pour créer le déclic vers l’esprit d’entreprise. Le succès de la Zleca passera forcément par là. Sinon, comment imaginer une zone de libre-échange continentale où la majorité des pays membres sont encore à un stade de proto-industrie ? Qu’allons-nous échanger ? Quelques rares pays comme l’Afrique du Sud à l’extrême sud du continent, le Nigeria en Afrique de l’Ouest, le Maroc et l’Égypte en Afrique du Nord, le Kenya et l’Ethiopie en Afrique de l’Est, ce que nous pouvons appeler des pôles de croissance, vont peut-être tirer leur épingle du jeu. Les autres seront un simple tube digestif pour consommer. Et ce n’est pas le but assigné à la Zleca.
C’est là où il est possible de réfléchir à quelques alternatives sur le modèle géoéconomique actuel de l’Afrique. Rôle devant être dévolu à l’Union africaine(UA). La réflexion pertinente du Roi du Maroc disant que «L’Afrique doit faire confiance à l’Afrique», quelle qu’en soit la grille de lecture, passe également par le relèvement du degré de transformation industrielle de chaque pays africain pour plus de création de richesse continentale.
L’autre intérêt du rôle de l’entreprise dans le dynamisme de l’Afrique, c’est de servir de soupape de sécurité. Produire ce que nous consommons est non seulement bon et sain pour notre sécurité, elle l’est encore davantage en temps de crise quand les frontières se ferment à la suite d’une pandémie ou tout autre cataclysme ou de guerre.
C’est le sens du dossier spécial de ce numéro 149 d’AFRIMAG de décembre consacré à certaines entreprises africaines ou de filiales de groupes internationaux qui, malgré l’impact négatif du Covid-19, continuent de créer de la richesse et des emplois car elles croient en l’avenir de ce continent bourré de talents mais où souvent l’incurie inhibe les plans de développement.
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