Les conditions climatiques extrêmes ne seraient pas étrangères à l’épidémie de la dengue qui a touché certaines régions du Burkina Faso et du Sénégal il y a quelques semaines.
C’est en tout cas ce qu’affirme Alioune Badara Ly, le directeur adjoint du Centre des opérations d’urgence sanitaire (COUS) au ministère de la Santé et de l’action sociale du Sénégal.
Dans un entretien avec SciDev.Net, il affirme qu’en plus des raisons liées aux comportements des populations favorisant la prolifération des vecteurs de la maladie, "il y a probablement des facteurs liés au climat, notamment la température, l’humidité et les précipitations".
Selon son propos, on ne peut pas écarter l’éventualité d’un rapport entre l’apparition de cette épidémie et les fortes chaleurs qu’a connues le Sénégal ces derniers mois.
"Ce sont des conditions qui existent en Afrique tropicale ; et c’est l’une des raisons qui font qu’aujourd’hui, nous ayons un développement de plus en plus important de certains vecteurs comme Aedes, et en particulier l’espèce Aegypti, au niveau du Sénégal", dit-il.
"Nous pensons d’ailleurs que le changement et surtout le réchauffement climatique va continuer dans les années à venir à créer des conditions favorables au développement de ces vecteurs qui provoquent la dengue, mais aussi la fièvre jaune, le chikungunya et zika."
Documentation
Néanmoins, "il faut encore documenter davantage ce lien entre le changement climatique et le développement de certaines maladies", conclut le médecin.
C’est ce travail de documentation que s’attèle à faire jusqu’en 2030 la revue britannique The Lancet dans le cadre d’un programme dénommé The Lancet Countdown on health and climate change[1].
SciDev.Net a interrogé Nicola Wheeler, chercheur à l’Institute for Global Health de l’University College London (Royaume-Uni) et l’un des responsables du programme.
Elle explique que cette initiative "vise à surveiller d’un côté les impacts du changement climatique sur la santé humaine, et de l’autre les effets positifs et négatifs de la réponse au changement climatique sur la santé".
"Le Lancet Countdown publiera ses conclusions chaque année avant la Conférence des parties (COP) pour informer les négociateurs de la CCNUCC[2] afin de s'assurer que les considérations de santé et du changement climatique ne sont pas ignorées par les gouvernements ", précise le chercheur.
Pour 2017, l’étude, publiée fin octobre avant la COP 23, conclut d’ores et déjà que "les symptômes humains du changement climatique sont sans équivoque et potentiellement irréversibles, affectant la santé des populations du monde entier".
Maladies non transmissibles
En ce qui concerne les maladies infectieuses, elle évoque justement la dengue en disant que "l'altération des conditions climatiques contribue à l’augmentation de la capacité de transmission de la dengue par Aedes Aegypti, reflétant une croissance estimée à 9,4% depuis 1950".
"Ces tendances de la maladie révèlent des augmentations mondiales de la mortalité due à la dengue, en particulier dans les régions Asie-Pacifique, Amérique latine et Caraïbes ; avec certaines années de pointe (dont 1998) associées aux conditions d'El Niño", peut-on également lire.
Quant aux maladies non transmissibles, "un exemple notable est qu'avec des températures plus élevées et avec plus de vagues de chaleur, les gens peuvent souffrir d'accidents vasculaires cérébraux (AVC) et d'insuffisance rénale", renchérit Nicola Wheeler.
Par ailleurs, ajoute-t-elle, "le changement climatique peut détériorer la qualité de l'air, en particulier pendant les vagues de chaleur. Et avec l'augmentation de la pollution de l'air, la fréquence des maladies non transmissibles croît également, y compris l'asthme, le cancer du poumon et les maladies cardiaques".
En réponse, les chercheurs pensent qu’on peut donner aux services de santé les outils nécessaires pour prévoir les événements climatiques à haut risque, afin qu’ils avertissent les populations pour qu’elles se prémunissent.
scidev