Parmi les migrants arrivés en France, de nombreux jeunes sont originaires de Guinée-Conakry. Parmi les raisons de leur départ : la situation économique du pays et le chômage massive des jeunes avant tout, mais aussi les violences policières et l’influence des jeunes déjà partis.
Les arrivées de jeunes Guinéens en France sont en hausse depuis 2014. L’Ofpra notait dans un rapport de mission réalisé en novembre 2017 que "les demandes de protection internationale en provenance de Guinée sont en augmentation constante depuis 2014".
Selon Idrissa Somparé, chargé de programme à l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) en Guinée, interrogé par RFI, "en 2015 et 2016 le nombre de Guinéens qui sont arrivés sur les côtes italiennes qui a augmenté de 376 %".
À la frontière franco-italienne, les autorités français et les bénévoles des associations d’aides aux migrants ont également noté une plus forte présence des Guinéens ces derniers mois. Entre juillet 2017 et février 2018, parmi les 3 000 migrants passés par le Refuge solidaire à Briançon, au moins 1 185 étaient Guinéens (dont 793 se déclarant mineurs), souligne l’AFP.
Près de 80 % de chômage chez les jeunes
Médecins sans frontières, qui gère un centre d’accueil de jour pour les mineurs non-accompagnés à Pantin, au Nord de Paris, affirme que les jeunes Guinéens représentent un tiers des jeunes accueillis dans le centre. Interrogés sur les raisons de leur départ, les jeunes évoquent bien souvent des problèmes familiaux.
Abdoul Gadiri Diallo, président de l’Organisation guinéenne de défense des droits de l’homme et du citoyen (OGDH) rappelle que la Guinée est souvent pointée du doigt pour les mariages précoces et les mutilations génitales féminines qui y sont encore souvent pratiquées – un argument ici peu pertinent car l’écrasante majorité des Guinéens arrivant en France sont des garçons.
Moktar Bah, correspondant de RFI à Conakry, avance plutôt l'argument économique. Selon lui, "tous les enfants de Guinée veulent quitter le pays en raison du manque d’emplois". Dans un pays où les données sur l’emploi sont inexistantes, il affirme que le taux de chômage pourrait atteindre les 80 % chez les jeunes.
"Les réseaux sociaux encouragent les départs"
À ces difficultés économiques s’ajoute "l’instrumentalisation de la question communautaire par les politiques", explique Abdoul Gadiri Diallo. Selon le président de l’OGDH, les habitants des quartiers connus comme étant des bastions de l’opposition au pouvoir en place [Alpha Condé, du Rassemblement du Peuple de Guinée (RPG), est à la tête du pays depuis 2010 NDLR] sont bien souvent considérés comme des "parias". En Guinée, politique et questions ethniques sont intrinsèquement liées, déplore Abdoul Gadiri Diallo. Pour les habitants de ces quartiers, l’exil est donc souvent une option.
Caritas Maroc et Médecins du monde Belgique proposent eux une autre explication : l’influence de ceux qui ont déjà quitté le pays. "On s’est demandé au départ s’il s’était passé quelque chose en Guinée qui expliquerait ces départs. On a pensé à Ebola, mais non. Il s’agit plutôt d'une ‘mode’, d’un effet d’entraînement soudain, parce que tous les ingrédients de l’émigration sont là et que les réseaux sociaux l’encouragent davantage", avait expliqué en septembre 2016 Antonia Carrión López, co-auteur du rapport "Mineurs non accompagnés en recherche d’avenir", écrit conjointement par les deux ONG.
Les jeunes Guinéens sont influencés par un précédent départ (d’un ami ou d’un membre de la famille), ils idéalisent l’Europe et ses possibilités économiques à cause des informations circulant sur les réseaux sociaux. Certains cèdent aussi face à la pression familiale.
Aujourd’hui, selon le correspondant de RFI, les familles elles-mêmes poussent leurs jeunes à partir. Souvent, elles acceptent de financer le trajet vers l’Europe. Le journaliste dit d’ailleurs être tous les jours témoin de ces départs : "La rue dans laquelle je vis était pleine de jeunes il y a encore quelques temps. Tous sont partis pour tenter leur chance en Europe."