Avec une différence notable : cet argent est, en général, collecté en travaillant dur, est transféré par des voies légales, sans optimisation fiscale, et contribue à réduire les inégalités mondiales en enrichissant des populations souvent en difficulté. « L’argent est gagné dans des conditions où la discrimination, l’exploitation et le taux de sur-qualification dans l’emploi sont plus élevés que chez les non-migrants. De plus, les migrants nés dans les pays du Sud ont migré, pour plus de la moitié d’entre eux, dans d’autres pays du Sud où les salaires sont plus réduits que dans les pays du Nord », rappelle Speranta Dumitru.
"3 % de la population mondiale fait trois fois mieux que tous les gouvernements puissants du Nord rassemblés"
Les principaux bénéficiaires de ces transferts d’argent sont l’Inde, la Chine, les Philippines et le Mexique. 38 milliards ont également été envoyés par des émigrants vers l’Afrique subsaharienne, qui compte la majorité des pays les plus pauvres du monde, d’abord vers le Nigeria, le Sénégal et le Ghana. Ces transferts d’argent coûtent également cher aux émigrants qui aident leurs familles ou communautés dans leurs pays d’origine : « À l’échelle mondiale, le coût moyen d’un transfert de 200 dollars était de 7,1 % au premier trimestre de 2018, soit plus du double de la cible de 3 % fixée dans les Objectifs de développement durable. L’Afrique subsaharienne reste la région vers laquelle les transferts sont le plus onéreux, avec un coût moyen de 9,4 % », détaille la Banque mondiale.
Le nombre de migrants est estimé à 258 millions de personnes en 2017. « Ainsi, moins de 3 % de la population mondiale fait trois fois mieux que tous les gouvernements puissants du Nord rassemblés », pointe Speranta Dumitru. Les cinq premiers contributeurs de l’aide publique au développement sont, en montants, les États-Unis, l’Allemagne, le Royaume-Uni, le Japon et la France. Cette solidarité est cependant mise à mal. « L’un des risques à long terme pour la croissance des envois de fonds tient au durcissement des politiques d’immigration dans de nombreux pays d’origine », observe la Banque mondiale. « Les migrants en transit — qui ne séjournent que temporairement dans un pays de transit — ne sont généralement pas en mesure d’envoyer de l’argent dans leur pays. La migration peut les aider à échapper à la pauvreté ou à la persécution, mais beaucoup deviennent aussi vulnérables à l’exploitation par des passeurs durant le transit. » Ou comment les discours et politiques hostiles aux migrants renforceront, à terme, les inégalités à l’échelle mondiale.
Source : Basta Mag