La MINUSMA ferme ses derniers camps et quitte le Mali Des manœuvres diplomatiques au Mali

Migrants-Agadès, plaque tournante au « chômage technique »

Par kibaru

Voici moins d’un an, Agadès, dans le centre du Niger, était encore une plaque tournante fort animée pour les réseaux de passeurs de migrants désireux de gagner l’Europe. Depuis, l’Union européenne, de concert avec le gouvernement de Niamey, a financé un plan de lutte contre ce trafic et Agadès a beaucoup perdu de son animation. « Nous avons vu le nombre (de candidats au départ) chuter depuis août dernier », explique Marina Schramm, chef adjointe de la mission de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), qui surveille le flux de migrants en deux endroits de la région d’Agadès. « Avant, nous pouvions dénombrer plusieurs milliers de passages par semaine. Aujourd’hui, nous sommes proches du zéro; quelques dizaines », dit-elle, en rappelant que cette activité ralentit toujours en hiver, mais jamais autant que maintenant.

Certains brandissent l’exemple d’Agadès comme un progrès vers le tarissement des flux migratoires. D’autres experts préfèrent rester prudents, estimant que les passeurs se sont faits simplement plus discrets. Quoi qu’il en soit, l’impact dans la ville d’Agadès et les environs est clair et net. Les rues qui étaient bondées de changeurs à la sauvette, de vendeurs de téléphones et de garagistes sont désormais calmes. Les locaux des passeurs, qui hébergeaient des centaines de personnes, sont vides. « Je vivais ici avec beaucoup d’amis », dit un migrant guinéen, Boubacar Lu. « Des mesures ont été prises, les choses ont changé. »

UNE CENTAINE DE PASSEURS ARRÊTÉS

Selon l’Union européenne, seuls 1.500 migrants ont traversé le Niger au mois de novembre, contre 70.000 pour le seul mois de mai, et ce résultat est à mettre au crédit du nouveau partenariat stratégique mis en oeuvre avec Niamey l’an dernier. Fin 2015, l’UE a créé un fonds doté de 1,88 milliard d’euros destiné à endiguer les flux migratoires via le Sahel, la région du lac Tchad, la Corne de l’Afrique et l’Afrique du Nord. L’année dernière, l’UE a injecté 500 millions d’euros supplémentaires dans ce fonds et mis en place des partenariats avec des pays prioritaires comme le Niger, l’Ethiopie, le Sénégal, le Mali et le Nigeria, finançant une série de programmes touchant aussi bien à la sécurité qu’au contrôle des frontières et à la création d’emplois. L’UE a commencé à former les forces de sécurité à Agadès en avril dernier. A la date de novembre, les autorités locales avaient saisi 95 véhicules et arrêté 102 passeurs, ainsi que neuf policiers pour des faits de corruption liés aux migrants, indique l’Union européenne.

Malgré ces premiers résultats, l’UE a reconnu en décembre que la baisse de l’activité des passeurs au Niger ne se traduisait pas pour l’instant par une diminution du nombre des arrivées en Europe. Plus de 181.000 migrants sont passés d’Afrique du Nord en Italie par la mer en 2016, soit plus que les années précédentes, même s’il se peut que nombre d’entre eux se trouvaient déjà en Libye avant que des mesures soient prises contre les passeurs au Niger. Il se peut aussi que les réseaux de passeurs soient devenus plus clandestins, comme le pense Peter Tinti, chercheur associé à l’organisation Global Initiative against Transnational Organized Crime. A l’en croire, le renforcement de la sécurité permet souvent aux passeurs de prélever une prime supplémentaire et peut inciter les migrants à emprunter des itinéraires plus dangereux. « Si elles ne sont pas bien appliquées, les mesures adoptées contre les passeurs ont pour conséquence d’accroître les profits de ceux-ci et de réduire la sécurité des migrants », dit-il à Reuters