Normalement, la Force conjointe du G5 Sahel [FC-G5S], dont les effectifs sont fournis par le Mali, le Niger, le Burkina Faso, la Mauritanie et le Tchad, aurait dû être pleinement opérationnelle en mars 2018. Cette échéance passait alors pour ambitieuse. Et elle l’a finalement été, malgré les efforts des pays concernés et deux premières opérations menées en octobre (Haw Bi) et en janvier (Pagnali), avec l’appui de la force française Barkhane.
« La Force conjointe tarde trop à devenir pleinement opérationnelle. J’exhorte les États membres du G5 Sahel à déployer au plus vite le
restant de leurs troupes et à régler les problèmes de commandement et de contrôle », a ainsi estimé Antonio Guterres, le secrétaire général des Nations unies, dans un rapport récemment rendu public.
Cela étant, les blocages ne viennent pas spécialement des pays du G5 Sahel. En premier lieu, les promesses d’aides financières pour boucler le budget de 423 millions d’euros nécessaire pour financer la phase de démarrage de la FC-G5S et sa première année d’opérations tardent à se concrétiser. « Certaines contributions annoncées n’ont pas été préaffectées et la majorité des contributions n’a pas encore été débloquée », relève le rapport de M. Guterres, pour qui le soutien de la communauté internationale « doit aujourd’hui prendre une forme plus concrète et tangible. »
Et cela vaut aussi pour la Mission des Nations unies au Mali [MINUSMA], qui ne dispose suffisamment de moyens pour apporter une aide technique et logistique à la FC-G5S, comme l’y autorise une résolution votée par le Conseil de sécurité en décembre 2017.
« Je suis profondément préoccupé par le fait que la MINUSMA ne dispose pas des ressources financières nécessaires pour apporter un appui technique aux fins du renforcement des fortifications des camps de la Force conjointe. Ce manque de ressources risquant de retarder la pleine mise en place opérationnelle de la Force conjointe, j’engage les donateurs et les partenaires à le combler de toute urgence afin que la Mission puisse effectivement apporter cet appui », a souligné M. Guterres.
S’il salue les efforts des membres du G5 Sahel, le secrétaire général de l’ONU leur demande de « déployer au plus vite le restant de leurs troupes et à régler les problèmes de commandement et de contrôle » car les « retards pris dans le transfert d’autorité ralentissent également l’opérationnalisation de la Force conjointe. »
Et M. Guterres d’insister : « Les États membres du G5 Sahel doivent de toute urgence commencer ce transfert, sans quoi les opérations continueront d’être menées au coup par coup et il sera difficile, voire impossible, de procéder à la planification à long terme, notamment en ce qui concerne l’objectif final de la Force conjointe. » En outre, il leur demande également de « préciser et d’arrêter définitivement le concept stratégique d’opérations ainsi que les critères et le calendrier selon lesquels la Force conjointe devra atteindre sa pleine capacité. »
Cependant, plusieurs raisons expliquent les retards de la FC-G5S. « Le rythme du déploiement a été ralenti par un manque criant de moyens, tant en matière de formation que de matériel, et par le fait que les forces nationales de défense et de sécurité des pays du G5 Sahel sont d’ores et déjà par trop sollicitées », admet le rapport de M. Guterres.
Et il y a beaucoup à faire au niveau capacitaire. Ce qui n’est pas vraiment surprenant. Ainsi, le rapport pointe un « besoin d’urgence de moyens aériens pour recueillir des renseignements et assurer le transport, ainsi que de matériel de communication », dont les différents systèmes utilisés par les pays du G5 Sahel « ne sont pas toujours compatibles ni chiffrés. »
« Le manque de compétences, de formation et de matériel afin de détecter les mines et de réduire la menace qu’elles représentent
constitue également une source de préoccupation grave, compte tenu en particulier de la menace asymétrique qui est présente dans les zones où opère la Force conjointe », avance le rapport.
S’agissant des moyens aériens, il y aurait encore beaucoup à faire, même si plusieurs pays du G5 Sahel ont pu compter sur des aides américaines dans ce domaine, en particulier pour ce concerne les capacités ISR (Intelligence, Surveillance, Reconnaissance). Au total, 108 aéronefs (dont 30 hélicoptères) pourraient être mobilisés pour la FC-G5S. Mais ce chiffre est à relativiser en fonction de la disponibilité effective de ces appareils (ce n’est pas parce qu’ils figurent dans l’inventaire qu’ils peuvent voler).
En outre, comme le souligne Arnaud Delalande dans le DSI n°135 (mai-juin 2018), les « moyens aériens en matière d’appui aux troupes au sol sont dérisoires. Avec une dizaine d’appareils (si on inclut ceux endommagés par une tempête l’année dernière), le Tchad détient la moitié de la force de frappe », écrit-il. Et encore, le rayon d’action de ces aéronefs est limité, alors que la FC-G5S aura à intervenir sur une zone étendue.
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