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Tabassés et sans nourriture, des migrants coincés à la frontière Algérie-Maroc

Par kibaru

Depuis près d’une semaine, une quarantaine de migrants subsahariens sont bloqués dans un no man’s land entre le Maroc et l’Algérie. Les autorités marocaines et algériennes leur refusent l’accès à leurs territoires respectifs alors qu’ils sont privés d’eau et de nourriture.

Le groupe de migrants a finalement pu franchir la frontière algérienne, mardi 14 mars, a appris France 24 auprès de l’un des migrants.

Trois d’entre eux étaient blessés et ils ont reçu des soins au poste-frontière algérien, a-t-il ajouté.

Les autres membres du groupe ont rejoint la ville algérienne de Maghnia, à une vingtaine de kilomètres de la frontière avec le Maroc, où ils sont hébergés par des amis.

Ces migrants, originaires notamment du Cameroun et du Mali, affirment qu’ils ont été arrêtés dans les rues d’Oujda, dans l’est du Maroc. Ils disent avoir été emmenés dans un commissariat où leurs empreintes ont été prélevées, puis conduits à la frontière avec l’Algérie, à une trentaine de kilomètres de là. Depuis Oujda, ils avaient l’intention de rejoindre les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla en territoire marocain.

Depuis, ils sont pris en étau entre les postes-frontières des deux pays. Quand ils essayent de passer côté algérien, ils affirment recevoir des jets de pierres. Et quand ils tentent de retourner au Maroc, ils sont réprimés à coups de matraque.
En raison d’un différend politique entre le Maroc et l’Algérie, les frontières terrestres entre les deux pays sont fermées depuis 1994. Ces migrants n’avaient donc aucune chance de rentrer sur le territoire algérien.

"Un de nos compagnons a une fracture au bras, un autre s’est évanoui". Albert fait partie du groupe de migrants pris au piège à la frontière. Il lance un cri d’alarme :

« La police marocaine nous a jetés ici sans aucune explication. Nous nous trouvons dans un champ situé entre les postes-frontières des deux pays. En face de nous, il y a une tranchée puis, à quelques dizaines de mètres, les baraquements des militaires algériens.

 

Depuis, c’est un calvaire. Au début, nous avions quelques biscuits que nous nous partagions. Mais là, il ne nous reste plus rien. Pour nous alimenter, nous cueillons une plante qui pousse ici et qui ressemble à l’oignon. Pour boire, nous recueillons l’eau dans une espèce d’étang. Je ne sais même pas si elle est potable. Les militaires algériens et marocains ont refusé de nous donner des vivres ».

« Nous sommes désespérés, nous ne savons plus quoi faire. Nous avons essayé à plusieurs reprises de passer en Algérie, mais les militaires nous ont balancé des pierres. Quand nous essayons de revenir au Maroc, les soldats nous battent à coups de matraque, ou avec la crosse de leur mitraillette » souligne-t-il.

Il y a plusieurs blessés parmi nous. Deux de mes compagnons sont blessés au niveau de la tête. Un autre a un genou enflé et ne peut plus marcher. Un autre encore souffre d’une fracture du bras. À bout de forces, l’un de nous s’est même évanoui aujourd’hui [lundi]. Nous sommes totalement livrés à nous-mêmes. Il faut nous aider !

Du jamais-vu depuis 2014

Pour Camille Denis, activiste au sein de l’ONG marocaine Groupe antiraciste d'Accompagnement et de Défense des Etrangers et Migrants (Gadem), cette situation est totalement inexplicable.

Je croyais ces pratiques révolues. Depuis la mise en place d’une nouvelle politique d’immigration basée sur l’accueil en 2014, les autorités marocaines ne reconduisaient plus les migrants à la frontière algérienne [Environ 25 000 personnes, pour la plupart originaires d'Afrique subsaharienne et de Syrie, ont été régularisées en 2014. Fin 2016, les autorités marocaines ont lancé une deuxième vague de régularisation qui devrait concerner des milliers de personnes, NDLR].
Certes, les autorités marocaines procèdent régulièrement à des arrestations de migrants dans le nord du pays. Mais ils sont conduits dans des villes du sud du pays, comme Fez et Agadir, le but étant de les éloigner des enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla.

C’est la première fois depuis plus de trois ans que j’entends parler de migrants reconduits à la frontière algérienne. C’était une pratique assez courante avant 2013. Toutefois, les migrants pouvaient rebrousser chemin et retourner vers les villes du nord du Maroc. Mais là, ils sont totalement coincés. C’est étonnant.


Ses propos sont corroborés par d’autres ONG comme le Centre national des droits de l’Homme. Pour en savoir plus sur la situation de ces migrants, la rédaction des Observateurs de France 24 a contacté le commissariat d’Oujda, qui n’a pas souhaité répondre à nos questions. Nous publierons leur réponse si leur réponse des autorités marocaines dès qu’elle nous parviendra.

France 24