Tension intercommunautaire à Mopti : Une poudrière ravivée par les querelles foncières

Par kibaru

Apparemment, l’insécurité qui règne dans le centre du pays est même plus préoccupante que la situation dans les régions du nord. En effet, outre les attaques meurtrières perpétrées par des éléments soupçonnés d’être proches du prêcheur extrémiste Amadou Koufa, le tissu social a été fortement ébranlé en raison de la multiplication des conflits opposant les membres des communautés qui ont toujours vécu en harmonie et condamnés à vivre ensemble. C’est en vue de mettre fin à ces tensions – généralement provoquées par les questions foncières – qu’une délégation présidée par le ministre de la Réconciliation nationale, Zahabi Ould Sidi Mohamed, en compagnie de son homologue en charge des Sports, Housseini Amion Guindo, non moins fils du terroir, s’est rendue dans les localités de Bankass et Koro.

Si à Bankass, le mur qui s’est érigé entre les communautés peul et dogon a été brisé suite à la signature d’un accord de non-belligérance et de bonne cohabitation, à Koro, autre localité du centre concernée par ces violences, il faudra encore attendre. En effet, les concertations se poursuivent afin d’identifier les vraies raisons de la recrudescence des tensions et d’y chercher des solutions définitives.

Toutefois, il nous a été loisible de constater qu’ici, ce ne sont pas que des querelles intercommunautaires qui minent l’existence des populations, mais il y a également des tensions intracommunautaires. Ainsi, outre Dogon et Peul qui s’opposent souvent, il n’est pas impossible de trouver des affrontements entre les membres d’une même communauté. A cette situation, s’ajoutent les décisions de justice que les populations ne trouvent pas souvent équitables et même si elles le sont leur application pose problème. C’est dans ce cadre que certaines populations préfèrent se rendre justice elles-mêmes défiant ainsi l’autorité de l’Etat. Autre facteur favorisant les règlements de comptes, voire même la chasse aux sorcières, c’est le fait que certains administrateurs n’ont toujours pas regagné leur lieu d’affectation, même si le problème d’insécurité ne se pose plus. Comme tout conflit, il y a certains qui tirent des ficelles espérant jouer un rôle d’interlocuteurs incontournables pour sa résolution. Dans ce cas de figure, ce sont surtout certains politiciens « en manque de crédibilité » comme le rappelle le préfet de Bankass et des associations dites « culturelles » qui sont indexés du doigt accusateur par la population. Pour celle-ci, ces individus ne sont que des pompiers-pyromanes, car d’un côté, ce sont eux qui mettent les communautés dos à dos et de l’autre, ils se positionnent comme des médiateurs crédibles cherchant désespérément à résoudre ces conflits.

A la lumière des interventions des uns et des autres, il est apparu que la principale pomme de discorde tourne autour du foncier. Dans ce cas de figure, non seulement, le niveau d’implication s’élargit, en plus les conflits prennent même des dimensions régionales, en raison des tensions entre Etats et des retombées au-delà des frontières nationales créées par cette situation. Selon les dires de certains, à la faveur du nouveau tracé des frontières, certains villages burkinabé sont devenus maliens. Or, les populations qui s’y trouvent ne reconnaissent que les autorités du Burkina Faso et se comportent conformément aux règles et aux lois de ce pays. D’où les multiples conflits le plus souvent liés à la terre. Rappelons que c’est la même raison qui a d’ailleurs motivé des affrontements qui ont récemment eu lieu le long de la frontière ivoiro-malienne. Une situation qui ouvre la voie au désordre et à l’anarchie où seuls les droits du plus fort triomphent. Ajouter à cela, le terrorisme qui profite de ce chaos pour étendre ces filets, ne cesse de faire de nouvelles victimes rendant toute cette zone une véritable poudrière. C’est donc pour toutes ces raisons qu’il est important d’agir rapidement afin que l’ordre et la discipline puissent régner. 

Une trêve pour passer un hivernage agréable

En réalité, il nous a été permis de constater que mis à part les problèmes ci-dessus, il n’y a vraiment pas raison de parler de conflits intercommunautaires. Pratiquement, il y a une complémentarité dans les activités menées par les communautés. Ainsi, le malentendu entre nomades et sédentaires ou éleveurs et agriculteurs ne date pas d’aujourd’hui. Et généralement, c’est à chaque veille d’hivernage que l’on assiste à des rixes. Toutefois, le contexte actuel marqué par des suspicions sur la complicité des peuls avec les terroristes et l’amalgame dont ces derniers reprochent aux autres communautés, fait que ces malentendus ont pris les allures d’affrontements intercommunautaires. Alors qu’il n’en est rien. Raison pour laquelle, ces activités doivent être régulées en tenant compte des aspirations de chaque communauté. En tout cas, le ministre de la Réconciliation nationale, Zahabi Ould Sidi Mohamed a demandé aux protagonistes d’observer une trêve pendant la période de l’hivernage afin que ces activités (travaux champêtres et transhumance) vieilles comme le monde puissent être menées dans de bonnes conditions. Il a promis que le redéploiement des services de l’Etat sera effectif dans les jours à venir pour s’attaquer promptement à ces questions. Il a aussi salué les autorités locales qui ont déjà pris ces problèmes à bras le corps à travers des commissions en charge des questions foncières au niveau des collectivités locales. Cependant, celles-ci doivent être accompagnées pour jouer leur rôle conformément à la loi et en toute impartialité.