Dans un contexte de conflits armés exacerbés, les violences sexuelles au Mali continuent d’atteindre des proportions alarmantes. À Bamako, le séminaire international sur les violences sexuelles liées aux conflits (VSLC), organisé par Avocats sans frontières Canada (ASF Canada) avec le soutien d’Affaires mondiales Canada, du 12 au 14 novembre, a réuni des experts, des membres de la chaîne judiciaire et des survivantes pour aborder une question brûlante : comment garantir l’accès à la justice pour les victimes ?
Selon les données du système de gestion des informations sur la violence basée sur le genre (GBVIMS), le Mali a enregistré 2 315 cas de violences basées sur le genre entre janvier et juillet 2024, contre 1 782 durant la même période en 2023. Parmi ces incidents, près de 30 % concernent des violences sexuelles. Une progression qui reflète une réalité implacable : les conflits armés exacerbent la vulnérabilité des femmes et des filles. Environ 62 % des victimes identifiées sont des femmes, tandis que les filles représentent 38 % des cas.
Ces violences, souvent perpétrées dans un climat d'impunité, constituent un obstacle majeur à la réconciliation et à la paix. Le rapport d’avril 2024 du Conseil de sécurité des Nations unies souligne des obstacles structurels et logistiques pour les survivantes : insécurité, longues distances pour accéder aux services judiciaires, coûts prohibitifs, et lacunes dans les prises en charge clinique et psychologique.
Un séminaire pour poser les bases d'une réponse judiciaire efficace
Durant trois jours, des magistrats, des enquêteurs, des organisations de la société civile, ainsi que des survivantes issues de plusieurs pays africains (dont le Tchad et la RDC), ont débattu et partagé leurs expériences à Bamako. Parmi les recommandations phares, l’adoption d’une loi spécifique sur les VSLC a été mise en avant. Cette loi devrait inclure : l'allègement du fardeau de la preuve; l’anonymat pour les victimes et témoins.; la responsabilité pénale des chefs de guerre pour les actes commis par leurs subalternes; une prise en charge holistique des survivantes, intégrant soins médicaux, soutien psychologique et protection
« Les VSLC impunies sont une menace sérieuse pour le sentiment de justice et de sécurité dans le pays. Chaque survivante mérite non seulement d’être entendue, mais aussi protégée, » a déclaré Brian Menelet, Directeur Mali d’ASF Canada.
Des solutions à portée de main, mais des défis persistants
Outre l’adoption d’une loi, d’autres mesures ont été suggérées, comme le renforcement des capacités des magistrats et enquêteurs à travers des formations continues sur les violences basées sur le genre. La création d’antennes judiciaires spécialisées dans les régions éloignées, notamment en matière de lutte contre le terrorisme et les crimes transnationaux, a également été recommandée.
Cependant, des défis subsistent. La lenteur des procédures judiciaires, l’insuffisance des ressources humaines et financières, ainsi que l’insécurité dans certaines zones rendent l’application de ces recommandations complexe.
Le rôle clé des organisations de la société civile
Les organisations de la société civile, quant à elles, ont été encouragées à documenter les preuves et à archiver systématiquement les témoignages des survivantes pour éviter leur perte. En exploitant les traités internationaux ratifiés par le Mali, elles peuvent également appuyer les victimes dans leur quête de justice. Ces efforts, couplés à un plaidoyer actif, pourraient accélérer la résolution des dossiers pendants.
Vers une lueur d’espoir ?
Le séminaire de Bamako marque un tournant dans la lutte contre les violences sexuelles liées aux conflits. Pourtant, la route vers une justice effective est encore longue. L’engagement des autorités maliennes à traduire ces recommandations en actions concrètes sera déterminant. Pour des milliers de survivantes, il ne s'agit pas seulement de justice, mais aussi de dignité, de guérison et d'espoir.
Le Mali, en adoptant une approche coordonnée impliquant les pouvoirs publics, la société civile et les partenaires internationaux, pourrait montrer la voie à d'autres pays confrontés aux mêmes défis. Reste à savoir si ces résolutions se traduiront rapidement en progrès tangibles.