Accusé de plonger les internautes dans la solitude, Facebook veut désormais valoriser ce qu'il estime avoir de plus fort : ses communautés, autrement dit ses groupes Facebook. En jeu, 5 millions de dollars et 100 enveloppes de 50 000 dollars.
LONDRES, Royaume-Uni. – Après avoir reconnu que les réseaux sociaux pouvaient être mauvais pour nous, Facebook poursuit sa (re)conquête de l'opinion publique. Car en 14 années d'existence, il s'en est passé des choses. D'abord célébré comme un fantastique moyen de facilement garder contacts avec famille et amis, la plateforme a ensuite été accusée d'être un catalyseur de solitude, jalousie et tristesse. Communique-t-on vraiment avec les autres lorsque l'on se contente de liker quelques photos de leurs vacances ? Sommes-nous forcément plus proches de notre entourage lorsque l'on semble surtout passer son temps à se comparer à eux ?
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"Scroller passivement pour voir défiler des contenus ne fait pas de bien. Nous voulons offrir aux internautes des interactions qui ont plus de sens", explique Chris Cox, directeur produits chez Facebook, à l'occasion du premier sommet européen consacré aux communautés, le Facebook Communities Summit auquel Mashable FR a assisté. La plateforme qui rassemble désormais un peu plus de 2 milliards d'utilisateurs a une grosse annonce à faire, pour laquelle elle a réuni à Londres plus de 300 administrateurs de groupes : le lancement du programme "Facebook Community Leadership". Ce programme vise à soutenir et accompagner les administrateurs de groupes Facebook du monde entier afin de les amener à fédérer davantage encore. Aujourd'hui, plus d'un milliard d'internautes aurait intégré des groupes.
En pratique, après avoir été sélectionné suite à un dépôt de candidature, tout groupe Facebook jouissant d'une communauté forte, fidèle et soudée pourra recevoir l'aide de la firme de Mark Zuckerberg pour "accélérer son impact positif sur ses membres". Santé, écologie, éducation, entreprenariat féminin, questions de genre, soutien aux réfugiés... "Tout ce qui contribue à unir les gens et changer la société par-delà les clivages politiques doit être mis en avant : notre mission a toujours été de connecter les gens entre eux. Nous voulons revenir à cette idée de base", se réjouit auprès de nous Ime Archibong, vice-président en charge des partenariats produits. Avant de poursuivre : "Certains de ces administrateurs ignorent même qu'ils sont des leaders". La jeune femme qui se cache derrière le groupe d'entraide aux mères Donna Mamma en fait partie. Celle qui a perdu sa mère il y a 15 ans a eu envie de créer sur la Toile une plateforme d'échanges et de conseils en toute bienveillance. Dans cette communauté aujourd'hui forte de 13 000 membres, il est également possible de poser des questions anonymes, ce qui permet à chaque internaute de parler sans se sentir jugé. Dans Astuces pour DYS, dédié à l'entraide de parents d'enfants DYS, la même dynamique de solidarité s'observe, entre la mise à disposition de ressources pour enseignants et conseils prodigués aux familles.
Les groupes sont à Facebook ce que les forums de discussion sont à Internet
Les dispositifs d'aide proposés par le réseau social peuvent prendre plusieurs formes. D'abord, il y a les résidences et les bourses : dans le monde entier, des admins de groupes pourront suivre des formations pour apprendre à gérer leurs groupes, lancer des actions collectives, organiser des rencontres... Mais aussi recevoir un soutien financier : 5 millions de dollars seront attribués à 5 groupes et 100 enveloppes de 50 000 dollars seront offertes pour autant d'initiatives de groupes. En plus de cela, le programme réunira également des administrateurs locaux afin de les laisser échanger en personne et apprendre les uns des autres.
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Cette série d'annonces semble entrer dans une démarche de Facebook de se présenter comme acteur philanthropique. Un peu comme ce que sont pour Internet les forums de discussion, les groupes Facebook sont présentés comme des safe places où l'on échange le plus souvent entre personnes unies par un intérêt commun (la défense de l'environnement, l'illétrisme, le tricot...) ou une caractéristique commune (le handicap moteur, le fait d'être parent d'un enfant autiste, la condition de femmes noires féministes...).
"L'année 2017 a été difficile pour les réseaux sociaux. Nous avons été confrontés à de nombreuses questions : quel rôle occupons-nous dans le débat public, dans la démocratie ou encore face au bien-être des gens", rapporte Chris Cox sur la scène du Facebook Communities Summit ce vendredi. L'événement a aussi été l'occasion de présenter de nouvelles fonctionnalités pour les groupes, parmi lesquelles la centralisation de différents outils, la possibilité de créer des annonces et surtout, celle (très attendue) d'instaurer des règles de discussion.
Ces dispositifs interviennent au moment où Facebook délaisse les médias dans son algorithme. Communiquer sur sa capacité à fédérer la société civile apparaît donc avant tout comme un nouveau moyen pour le réseau social de montrer patte blanche en matière de bienfaisance. Comme l'a souligné Chris Cox, le but n'est plus de retenir les internautes le plus longtemps possible devant leur ordinateur, mais bien de leur permettre de se rencontrer en ligne pour ensuite poursuivre des actions collectives ensemble loin des écrans. Avec ce discours, Facebook se réserve une stratégie en or pour répondre à ceux qui lui reprocheraient d'isoler les gens.
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