Tombouctou a perdu de précieux documents, brûlés par les islamistes peu avant la libération de la ville, lundi. Le journaliste Jean-Michel Djian explique ce que représentent ces manuscrits pour le Mali.
Alors que les troupes franco-maliennes ont repris la ville de Tombouctou (Mali), lundi 28 janvier, des milices islamistes auraient eu le temps de mettre le feu, quelques jours auparavant, à de précieux manuscrits à l'Institut Ahmed-Baba, témoignages de la richesse intellectuelle du pays. Selon Time (passionnant article en anglais), une partie aurait toutefois pu être sauvée discrètement avant l'arrivée des islamistes dans la ville. Jean-Michel Djian, journaliste, professeur à l'université Paris-VIII et auteur du livre Les manuscrits de Tombouctou (éditions JC Lattès), revient sur ces faits.
Francetv info : De quand datent les manuscrits détruits ?
Jean-Michel Djian : Déjà, j'espère que tous les manuscrits n'ont pas été réduits en cendres dans la bibliothèque. Les plus anciens datent du XIIIe siècle. Ils sont la trace d'une culture malienne ancienne, et sont garants de l'histoire écrite sur un continent ayant une forte tradition orale. Une partie est conservée dans cette bibliothèque, mais 30 à 34 familles maliennes gardent des milliers d'autres textes.
Qu'apportent ces manuscrits sur l'histoire malienne ?
La plupart sont des traités de pharmacopée (ouvrage encyclopédique regroupant les plantes qui servent à soigner). Des textes de médecine, de gouvernance, des règles de grammaire ou encore de mathématiques. Ces mémoires ont notamment inspiré les Occidentaux. Au XVe siècle, par exemple, ces intellectuels étaient les premiers à dénoncer l'esclavage ou un siècle plus tard les effets du tabac.
Ces documents sont-ils classés au patrimoine de l'humanité ?
Oui, ils sont protégés par l'Unesco (Organisation des nations unies pour l'éducation, la science et la culture). L'organisation cherche à intervenir pour préserver ce patrimoine. Mais malheureusement, ils n'ont pas les moyens financiers. Il faut avoir recours aux forces armées.
Pourquoi les milices se sont-elles attaquées à ces documents ?
Les jihadistes sont des ignorants. Ils ne savent ni lire ni écrire. Ils ne sont pas en mesure de prendre connaissance de ce qu'ils contiennent. Ils ont juste la volonté de les détruire.
francetvinfo