La Française de 66 ans, enlevée samedi par des hommes armés à Gao, était installée depuis près de 20 ans au Mali, où elle dirigeait une association qui vient en aide aux enfants malnutris.
Son enlèvement survenu samedi a été confirmé par le quai d'Orsay, dimanche. Le médecin français Sophie Pétronin a été kidnappée samedi, vers 17 heures, dans l'orphelinat qu'elle dirige dans un quartier populaire en plein coeur de Gao, la plus grande ville du nord du Mali. Au moins quatre hommes armés l'auraient contrainte à monter dans leur pick-up avant de prendre la direction du grand Nord, selon France 24.
A ce stade, aucune revendication n'a été diffusée, mais le ministère des Affaires étrangères a assuré "qu'en lien avec les autorités maliennes, les autorités françaises sont pleinement mobilisées pour rechercher et libérer, le plus vite possible, notre compatriote". Le parquet de Paris a ouvert une enquête, confiée notamment à la DGSI. L'Express fait le point sur ce que l'on sait de cette femme de 66 ans surnommée jusqu'alors "la miraculée de Gao".
Elle découvre le Mali en 1996
Originaire de Bordeaux, Sophie Pétronin est médecin nutritionniste, mais aussi spécialiste de médecine tropicale, selon le site Mali actu. Depuis 2004, elle dirige à Gao une organisation non gouvernementale venant en aide aux enfants souffrant de malnutrition. Son premier voyage au Mali remonte à 1996, indique le site internet de l'association "Aide à Gao". Elle souhaite alors découvrir la vie nomade des touaregs du nord du Mali. Frappée par leur pauvreté, touchée par leur générosité, Sophie Pétronin multiplie très vite les aller-retours entre la France, où elle réside encore, et le Mali.
En 2001, l'humanitaire vient s'installer définitivement à Gao. Travaillant d'abord au sein d'une première association, elle finit par fonder en 2004 sa propre ONG. En sus des enfants victimes de malnutrition, "elle mène également des activités pour la santé infantile", a précisé sur RFI Kader Touré, le directeur de l'antenne locale Radio Hania.
"Très intégrée, elle parle la langue locale"
La sexagénaire est "très intégrée à Gao et parle même la langue locale" a rapporté un correspondant de France 24 à Bamako, la capitale du Mali. Son enlèvement a d'ailleurs suscité "la consternation", a indiqué le journaliste. Passionnée par ce pays d'adoption, Sophie Pétronin est très appréciée localement. "Ce que j'ai reconnu chez Sophie, c'est son amour pour la ville de Gao. Lorsqu'en 2012, la France a demandé à tous ses concitoyens de ne pas dépasser la région de Mopti, une ligne rouge a été tracée. Mais Sophie a refusé de quitter Gao malgré toutes les menaces qui pesaient sur les Européens de façon générale", a raconté sur RFI le directeur de la radio locale.
Sauvée de justesse d'un premier rapt
C'est justement en 2012 que la Franco-Suisse échappe de justesse à un premier rapt. La ville principale du nord Mali vient de tomber aux mains de groupes djihadistes armés. Alors qu'elle se trouve à proximité d'une résidence diplomatique où sont kidnappés sept émissaires algériens, elle réussit à s'échapper in extremis par une porte dérobée, avait-elle raconté en mai 2012 au quotidien français Le Dauphiné Libéré. Finalement parvenue à se réfugier dans une maison voisine, ce n'est que grâce à l'assistance de membres du Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA), qu'elle peut prendre la fuite, via l'Algérie, direction la France.
"La miraculée de Gao" était alors retournée vivre quelques temps dans la ferme de son fils Sébastien, installé dans le petit village ardéchois de Montselgues, selon France Bleu.
Pas particulièrement protégée
Une expérience douloureuse sur laquelle l'humanitaire était revenue dans un livre autobiographique, Le Fil de lumière, publié en 2013, où elle racontait également son quotidien auprès des enfants démunis du nord Mali. Dès qu'elle avait pu revenir vivre au Mali, Sophie Pétronin était rentrée à Gao, où elle a même construit une maison. "Après les événements de 2012, elle était rentrée et ensuite revenue. Elle a repris ses activités", a indiqué le gouverneur de Gao, Seydou Traoré, sur RFI. "Elle ne se cache pas, elle est assimilée à la population de Gao".
"Elle n'avait pas de mesures de sécurité particulières parce qu'elle avait une toute petite ONG", a de son côté assuré sur BFMTV Michel Galy, spécialiste de l'Afrique. Interrogé par l'AFP, son époux a rapporté que sa femme lui "disait que ce n'était pas simple sur place, mais que ça allait". Vivant en France, il a déclaré être "choqué de voir ce qu'il se passe. [...] C'est quand même dingue d'en arriver là, après tout ce qu'elle a fait ces dernières années à Gao pour les enfants de 0 à 4 ans."
L’Express