Les actions du Jama'at Nusrat al-Islam wal-Muslimin (JNIM), groupe affilié à Al-Qaïda, ont connu une forte intensification dans la région de Kayes, au sud-ouest du Mali. Ce constat est établi par un rapport publié le 28 avril 2025 par Timbuktu Institute, qui analyse les dynamiques sécuritaires et socio-économiques en cours dans la zone des trois frontières entre le Mali, la Mauritanie et le Sénégal.
Depuis 2023, les attaques menées par le JNIM dans cette région frontalière se sont multipliées. Le 21 mars 2025, deux agents des Eaux et Forêts ont été tués à Diangounté Camara. Le cercle de Yélimané a également été visé en août 2024 par une attaque contre le camp de la garde nationale. Des violences similaires ont été enregistrées à Melga et Gourbassy. Ces événements traduisent une volonté du JNIM de renforcer son influence dans cette zone stratégique, située aux portes de deux pays jusqu’ici épargnés par des attaques majeures : le Sénégal et la Mauritanie.
L’enlèvement de Thierno Amadou Hady Tall, figure religieuse importante de la Tidjaniya, le 28 décembre 2024, suivi de l’annonce de son décès, marque un tournant dans la stratégie du groupe. En s’en prenant à des personnalités respectées, le JNIM cherche à affaiblir les repères religieux traditionnels, au profit de son idéologie rigoriste.
Les capacités opérationnelles du JNIM se sont également illustrées par des attaques d’envergure, y compris à proximité de la capitale malienne. Le 22 juillet 2022, le camp militaire de Kati, situé à 15 km de Bamako, a été la cible d’une attaque-suicide. Le 17 septembre 2024, deux sites stratégiques ont été frappés : l’école de gendarmerie de Faladié et la base aérienne 101. Ces attaques ont entraîné la mort de nombreuses personnes et la destruction de plusieurs équipements militaires, illustrant la capacité du groupe à opérer même dans des zones hautement sécurisées.
Sur le plan économique, le JNIM exploite les ressources locales, notamment dans les secteurs forestiers et miniers, pour financer ses opérations. Ces activités s’appuient sur des réseaux transfrontaliers qui facilitent les échanges illicites entre le Mali, la Mauritanie et le Sénégal. Le rapport indique que, pour le moment, l’objectif du groupe dans ces pays voisins semble être d’ordre logistique et économique, mais une extension territoriale reste envisageable à moyen terme.
Le Sénégal, en particulier, présente certains facteurs de vulnérabilité. Sa frontière avec le Mali est difficile à contrôler, et certaines zones, notamment dans l’est, connaissent des défis socio-économiques importants. Le chômage, les inégalités sociales, et la propagation d’un salafisme en marge du soufisme traditionnel pourraient être exploités par des acteurs radicaux. Toutefois, la cohésion sociale, la forte présence des confréries religieuses et la professionnalisation des forces de sécurité constituent des éléments de résilience.
Face à cette situation, plusieurs pistes d’action sont envisagées. Le renforcement de la présence des forces de sécurité dans les régions frontalières est une priorité. Une coopération accrue entre le Mali, la Mauritanie et le Sénégal pourrait également permettre une meilleure coordination des efforts de surveillance et de réponse aux menaces. Par ailleurs, des initiatives visant à améliorer les conditions socio-économiques des populations vulnérables, ainsi que des campagnes de sensibilisation auprès des leaders communautaires et religieux, pourraient limiter les possibilités d’influence du JNIM.
Le rapport du Timbuktu Institute conclut que la stabilité de la région passe par une approche globale, combinant sécurité, développement et renforcement des liens sociaux. Les dynamiques observées dans la région de Kayes montrent que la menace est bien réelle, mais qu’elle peut être contenue par des mesures adaptées et concertées.