La Tunisie, pays qui a donné le coup d’envoi du printemps arabe, après que Mohamed Bouazizi, un vendeur ambulant se soit immolé par le feu à Sidi Bouzid, le 4 janvier 2011, est depuis un certain temps confronté à un front social très bouillonnant. Lequel vient s’ajouter à une tension politique qui survient après la démission d’une trentaine de députés du parti au pouvoir, Nidaa Tounes, et une tension sécuritaire due à une série d’attaques terroristes perpétrées dans plusieurs endroits du pays faisant de nombreuses victimes.
Ainsi, cinq après la chute de Ben Ali, rien n’a semblé véritablement bougé sur le plan social. En effet, les revendications sont quasiment les mêmes : emploi, cherté de la vie, réduction du chômage, revalorisation salariale… Bref, les Tunisiens demandent plus de dignité et de considération à leur égard par les nouvelles autorités. Face à cette fronde, ces dernières emploient les mêmes méthodes que les Tunisiens avaient rejetées sous le régime dictatorial à savoir la répression policière.
Pour cette fois, tout a commencé le samedi 16 janvier après la mort d’un chômeur, Ridha Yahyaoui, à Kasserine. Le jeune homme de 28 ans s’est électrocuté après être monté sur un poteau près du siège du gouvernorat pour protester contre son retrait d’une liste d’embauches dans la fonction publique. Plus tard, les choses se sont enchainées donnant lieu à de véritables batailles rangées entre de jeunes manifestants et les forces de l’ordre. La fronde a même fini par s’étendre dans d’autres villes tunisiennes les transformant parfois à de vrais champs de bataille. Les villes de Tahla, de Fernana (au nord) et de Meknassi (au centre) ont été particulièrement touchées avec de jeunes gens qui sont descendus dans les rues où ils ont incendié des pneus par solidarité avec les manifestants de Kasserine. Un groupe de manifestants composé de demandeurs d’emploi ont défilé aux cris de « Travail, liberté, dignité ». Plusieurs chômeurs ont même menacé de se donner la mort.
C’est dans ce cadre que le ministère tunisien de l’Intérieur a annoncé dans la journée du mardi 19 janvier l’instauration d’un couvre-feu « entre 18 heures et 5 heures ». Il faut reconnaitre qu’en quatre ans, la société civile tunisienne ne s’est pas contentée du succès remporté en 2011 après avoir chassé l’ex-président Ben Ali du pouvoir. Bien au contraire, elle a toujours veillé sur les grands idéaux de la Révolution et a été une actrice occupant constamment les premiers rangs pour concrétiser les objectifs pour lesquels les martyrs ont sacrifié leurs vies.
Elle n’a cessé de se mobiliser dans les grands moments du processus post-révolutionnaire. Ce, pour défendre un droit, une liberté, rejeter un diktat, exprimer un refus et faire front à toute menace. Par ailleurs, elle s’est dressée activement contre l’incitation à la haine, à la propagation d’idées rétrogrades et de pratiques qui menacent l’ordre social et la liberté d’expression.
Maintenant, il convient aux autorités tunisiennes d’apporter les solutions adéquates aux doléances des manifestants qui n’arrêteront pas tant que l’injustice sociale, les inégalités, la précarité, la marginalisation et l’exclusion ne seront bannies. Ces mouvements sociaux ne font qu’exprimer un malaise profond qui ne peut être soigné qu’à travers un dialogue franc et sincère et non par la répression policière.
Récit: Massiré Diop
Image : Khedir Mabrouka