Beaucoup de remous ont été suscités par l’annulation du concert de l’artiste sénégalo-américain, Akon au Mali. C’est dans ce cadre que l’équipe du site kibaruu est allée à la rencontre de l’un des organisateurs de cet évènement, en l’occurrence Abou Amadou Guitteye, promoteur et Directeur général de Africa Scène, pour en savoir davantage sur les raisons de ce revirement. Dans cette interview exclusive, cet ingénieur télécom de formation et grand fan de Showbusiness et DJ par le passé, évoque également sa passion pour le travail qu’il fait et le sentiment de satisfaction que lui procure le fait de faire plaisir au public.
www.Kibaruu.ml : Depuis combien de temps êtes-vous dans le show business ?
Abou Amadou Guitteye : Cela fait plus de vingt-cinq ans que je suis dans ce domaine. J’étais toujours le 1er volontaire quand il s’agissait d’organiser un évènement et cela depuis le bas âge.
Africa Scène, je l’ai créée depuis 2003 quand j’étais encore étudiant au Maroc. Là bas, je me suis fait un petit nom en faisant des soirées maliennes et africaines. J’étais parmi les premiers à faire venir des artistes africains au Maroc. Mon premier spectacle au Maroc, je l’ai fait avec Soum Bill et Dj serpent noir. C’était ma première véritable expérience dans l’organisation de spectacle de bout en bout.
Toujours étant étudiant, j’avais aussi réussi à acheter de la Sono avec laquelle j’animais pratiquement toutes les soirées africaines et surtout celles organisées par les ambassades africaines.
A la fin de mes études en 2005, j’ai décidé de rentrer au Mali pour profiter un peu de ma formation en Télécom. Quelques mois après mon retour au bercail, j’ai pu décrocher un boulot à Orange Mali. Et par la grâce de Dieu, j’ai mené ma vie dans la tranquillité et en même temps, je vivais ma passion de l’évènementiel.
Au fil des années, j’ai fait mon petit bout de chemin au Mali. De 2006 à aujourd’hui, j’ai fait beaucoup de choses au Mali avec des hauts et des bas comme tout être humain normal.
www.kibaruu.ml: D’où est venue une telle idée de créer une entreprise de ShowBizz ?
Abou Amadou Guitteye : C’est une histoire de famille. Je suis venu trouver cette passion dans la famille. Mon père faisait du Didjing à l’époque et maintenant encore. Donc, quelque part, je n’ai fait que suivre ses pas.
www.kibaruu.ml: Dix ans de carrière dans le Show business au Mali. Quelles sont vos satisfactions ?
Abou Amadou Guitteye : Ma première satisfaction est que j’ai réussi à mettre une entreprise bien structurée en place. Nous sommes parmi les rares du showbizz à avoir une équipe fixe et que vous ne verrez pas courir dans tous les concerts de la place.
Avec Africa Scène, j’arrive à donner de l’envie d’entrepreneuriat à beaucoup de jeunes et à leur faire rêver. Beaucoup de jeunes se reconnaissent en Africa Scène et ont envie d’adhérer à cette structure.
C’est important le rêve! J’ai été moi-même inspiré par une entreprise sénégalaise d’animations appelée Hyper Son. Elle était tellement bien structurée que j’ai rêvé de monter quelque chose du genre. J’ai cru en ça. Et petit à petit, je me suis investi et reçu des appuis çà et là. J’ai réussi à m’acheter du matériel et mettre une marque en place qui se fait connaître doucement. C’est ça, ma plus grande satisfaction.
www.kibaruu.ml : Est-ce à dire que vous ne faites que du Show business seulement ?
Abou Amadou Guitteye : C’est vrai que j’ai eu à faire beaucoup de spectacles. Au début, j’étais vraiment focalisé sur les spectacles, car cela était ma plus grande passion. Etre dans le mouvement, faire de la communication, mobiliser les gens, créer de la joie, me faisaient prendre du plaisir. Je me donne vraiment à fond pour ça.
Cependant, après analyse, j’ai réalisé que c’est une passion qui faisait généralement perdre de l’argent et que ce n’était plus prudent de prendre toutes mes économies et de les mettre dans un concert qui peut ne pas marcher. Alors, j’ai décidé dans un premier temps de faire de la location de son pour les mariages et autres cérémonies.
Au fil du temps, malgré mon carnet d’adresse et des recommandations, j’ai rajouté les effets lumineux à nos prestations afin de nous différencier. Et aujourd’hui, nous nous sommes énormément diversifier avec la location de chaises, de bâches, de podiums, pistes de danse, etc. Nous faisons aussi des prestations de service en organisant des cérémonies et team building pour les entreprises. Beaucoup de choses qui n’ont forcément pas un lien avec le Show business.
Le Showbizz pour moi, c’est comme malédiction (rire). Avec tous ses problèmes, j’ai du mal à m’en débarrasser. Certes, il me donne beaucoup de plaisir, mais en même temps il me crée le plus de problèmes. Pour répondre à votre question, on ne fait pas que du Show business, nous faisons aussi de l’événementiel. Et on se fait notre place dans ça aussi.
www.kibaruu.ml: Le Showbizz et l’événementiel, c’est trop pour une seule personne. J’imagine que vous travaillez avec une équipe ? Elle est composée de combien de personnes ?
Quinze personnes au total en plus de moi qu’Africa Scene paye à la fin de chaque mois. Au besoin, je fais appel à des amis et parents qui viennent me donner des coups de main. Ils sont tous jeunes avec une moyenne d’âge de 19 à 20 ans. Et ce qui est intéressant c’est que malgré leur jeune âge chacun d’eux a le sens de la responsabilité et de l’analyse. Chacun arrive à un moment donné à me guider.
www.kibaruu.ml: Avec quel artiste avez-vous fait votre plus grand succès ?
Le dernier en date était avec Sidiki Diabaté. Et c’était le premier spectacle de Sidiki en solo. Avec une belle communication, nous avons fait un boulot incroyable. C’était la deuxième fois où j’ai instruit moi-même à ce qu’on ferme les guichets. L’artiste a fait un excellent spectacle. Et le lendemain, tout le Mali en parlait. Je pense que ce concert a été un plus pour lui sur le plan international. Tout le monde en a entendu parler. C’est un succès indélébile. Il y a aussi Milmo que j’ai produit au moins trois fois. Il est personnellement mon artiste. C’est vrai qu’on a eu des coups durs au début mais après on a connu des succès. Je crois qu’il est même prêt à vous le témoigner, j’ai énormément contribué à sa carrière. C’est une fierté pour moi. Après lui, il y a aussi Penzy. Son premier spectacle, qu’il a fait et qu’il a rempli le stade, a été piloté par Africa Scène. On a fait la même chose avec la Génération RR. J’ai été aussi le premier à leur monter un spectacle au Palais de la culture (1er guichet fermé). Et c’était fou. Ça a été un succès terrible. Africa Scène a produit aussi Sean Paul et Dj Arafat toutes les fois qu’ils sont venus au Mali à part la dernière fois. Avec tous ces artistes, j’ai appris à faire des concessions. J’ai appris à prendre certaines choses sur moi. J’ai appris à accepter de perdre même quand certains concerts ne marchent pas. C’est tout ça qui m’a permis d’être là aujourd’hui.
www.kibaruu.ml: Donc, il n’y a pas que les Maliens que vous mettiez sur scène ?
Non, il n’y a pas que des artistes maliens. J’ai eu à mettre sur scène Canardo qui est le petit frère de La Fouine. J’ai eu aussi à produire en spectacle Costuleta (chiriri), l’artiste angolais. En plus de ça, j’ai produit aussi des humoristes tels que Petit Guimba, les Zongos, Taos, Adama Daïco, Oualas et le commandant Moriba.
www.kibaruu.ml: Trop de promesses non tenues ces derniers temps, comment expliquez-vous cela ?
Abou Amadou Guitteye : Quand vous dites trop de promesses non tenues, cela me fait penser à Salif Kéïta. C’est un artiste que j’ai toujours voulu produire en spectacle. C’était un manque de chance. La première tentative est intervenue alors qu’il y avait un deuil national et pour la deuxième c’était un problème de coordination de date. Le concert a été annulé à ma demande, car les dates proposées ne me convenaient pas.
Pour le concert d’Akon, je mets cela au compte d’une nouvelle expérience et sur laquelle j’ai été très amateur et naïf.
www.kibaruu.ml: Après tous ces faux bonds, qu’est-ce qui vous retient dans ce métier aujourd’hui ?
Abou Amadou Guitteye : C’est toujours le plaisir. Je crée du rêve en le faisant. Et je fais rêver d’autres personnes avec moi en leur donnant l’envie d’essayer elles aussi. C’est la seule chose qui me retient dans ce métier. Et non l’argent. Je reconnais que j’ai fait un gros faux pas avec Akon, mais je vais continuer. Cela m’a rappelé que le business reste le business et que le sentiment n’a rien n’avoir dedans.
www.kibaruu.ml: Votre lecture du monde des artistes après ces moments de haut et de bas ?
C’est un monde très compliqué. C’est un monde où chacun a ses petits calculs et ses objectifs personnels. C’est un monde qui demande beaucoup de précautions. Mais je pense aussi qu’on peut faire du business tout en restant honnête. Je préfère perdre de l’argent et rester honnête. Et c’est ce qui me fatigue le plus.
www.kibaruu.ml: Votre dernier mot ?
J’ai reçu une éducation qui ne badine pas avec le sens de la responsabilité. On m’a toujours enseigné d’assumer mes conneries. J’ai fait une bourde, je l’assume. J’ai embarqué toute mon équipe avec dans cette affaire et je lui présente mes excuses et aux Maliens. Je crois que les gens ont compris que nous avons trébuché et nous allons continuer à nous battre. Nous allons essayer de ne plus jamais commettre une telle erreur. Mais, nous ferons en sorte qu’une erreur aussi grotesque et évidente n’arrive plus jamais. Le public peut continuer à compter sur nous. Nous allons continuer à faire de belles choses. Nous allons continuer à lui présenter des artistes qu’on pourra nous-mêmes payer ou éventuellement en association avec d’autres entreprises.
Youssouf Z KEITA