La MINUSMA ferme ses derniers camps et quitte le Mali Des manœuvres diplomatiques au Mali

Adam Dicko, Présidente de l’AJCAD sur kibaruu : « Le Mali ne peut se construire sans nous et personne ne viendra faire ce pays à notre place »

Par kibaru

Au Mali, les jeunes veulent désormais être les acteurs clés du développement de ce pays. Pour y parvenir, ils n’entendent plus croiser les bras et attendre que leur salut vienne des autorités. Parmi ces activistes figure Adam Dicko qui préside l’association pour la citoyenneté active et la démocratie (AJCAD). Actuellement, entrepreneure sociale, elle est détentrice d’une maitrise en droit des affaires et une licence en communication. Dans cette interview, elle revient sur la création de son association ainsi que le rôle que la jeunesse malienne doit jouer pour tourner la page des crises cycliques ?

Kibaruu.ml : Pouvez-vous nous parler de votre association ?

Adam Dicko : L’Association pour la citoyenneté active et la démocratie (AJCAD) a été créée au mois de mars de 2014. C’est suite à une prise de conscience des jeunes activistes qu’on s’est retrouvé autour du programme « My Right, my voice » d’Oxfam. Pendant la crise, de 2012 à 2014, beaucoup de partenaires avaient plié bagage. C’est ainsi qu’on s’est posé la question de savoir si nous devons tout abandonner parce que les partenaires sont rentrés ? Cette situation nous a permis de comprendre que le Mali ne peut se construire sans nous et que personne ne viendra faire ce pays à notre place. S’il y a une crise, certains partenaires vont rentrer chez eux, mais c’est nous qui allons rester sur place. Ce qui nous a poussés à nous mettre ensemble et à créer une association malienne, appartenant à la jeunesse du pays pour faire face aux défis il est confronté et ne pas servir de faire-valoir à qui que ce soit. Nous avons ainsi décidé de mener des actions pour avoir une jeunesse saine et responsable au bénéfice du Mali.

Kibaruu.ml : Quelles sont les activités phares que vous avez déjà menées ?

Adam Dicko : Depuis notre lancement, nous avons mené beaucoup d’activités notamment sur la sensibilisation, la formation et l’information sur la citoyenneté, sur la santé sexuelle et reproductive, sur la bonne gouvernance. De 2014 jusqu’en fin 2015, nous avons mené de nombreux projets parmi lesquels l’un était relatif au mariage précoce qui consistait à prévenir cette pratique et à faire des plaidoyers à l’endroit des autorités pour qu’on puisse revoir l’âge du mariage sur la petite fille parce que dans le Code de la famille on dit qu’une fille de 16 ans peut se marier et pour celle de 15 ans il faut l’accord de ses parents. Alors que le Mali est signataire de la Convention relative au mariage des enfants qui stipule qu’on est enfant jusqu’à l’âge de 18 ans et que l’enfant doit être protégé contre toute forme de violence. Le plaidoyer se faisait à ce niveau. A cela s’ajoutent les sensibilisations dans les quartiers, car aujourd’hui ce problème est en train de toucher de nombreuses jeunes filles. Certains se voient même obliger d’abandonner les études suite à ces mariages précoces et forcés. Après ce projet, nous nous sommes engagés dans le cadre du programme « My Right, my voice » autour duquel nous avons joué un grand rôle dans sa mise en œuvre. Au début, l’AJCAD était un conseil consultatif qui s’est transformé par la suite en association. Nous avons donc été un acteur dans la mise en œuvre de ce programme dont le domaine prioritaire était la qualité de l’éducation et les informations relatives à la santé sexuelle et reproductive. Nous avons eu à mener beaucoup d’activités dans ce cadre. Nous avions aussi un autre programme dénommé « jeunes citoyens actifs » consistant à former et à informer les jeunes sur la citoyenneté, la bonne gouvernance et comment ils doivent jouer un grand rôle dans leur communauté. Dans ce programme, nous avons fait beaucoup de formation et de sensibilisation ainsi que des visites institutionnelles à l’endroit des autorités, la tenue des cafés citoyens avec des institutions comme le bureau du vérificateur général pour voir la suite de son rapport. Nous avons eu à faire des visites à l’endroit des mairies pour voir comment elles impliquent les jeunes dans l’élaboration de leurs programmes et projets de développement et voir comment les jeunes peuvent s’impliquer davantage pour que leur communauté puisse se développer. J’avoue que cela a vraiment été un projet phare pour nous, car il est lié aux questions de démocratie et de citoyenneté active qui sont notre raison d’être. Nous avons un autre projet lancé récemment et financé par le Haut conseil de lutte contre le VIH/SIDA dénommé « un nouveau départ sans le VIH/SIDA». Vous êtes sans avoir que les Nations Unies à travers les objectifs du millénaire pour le développement durable veulent que d’ici 2030 que nous arrivons à l’élimination du VIH/SIDA et le Mali veut jouer sa partition pour l’atteinte de ces objectifs. Pour cela, la jeunesse malienne ne doit pas rester en marge, raison pour laquelle nous avons dénommé ce projet « un nouveau départ sans le VIH/SIDA ». Certes, aujourd’hui, il y a des personnes qui vivent avec cette maladie, mais on peut faire en sorte qu’il n’y ait plus de nouvelles infections à travers des séances de formation et de sensibilisation parce que jusque-là, il y a des personnes qui ne croient pas encore à l’existence du VIH/SIDA. Ce qui rend la maladie encore plus forte et le risque de la contracter encore plus élevé.

Par ailleurs, nous avons également eu un appui institutionnel de la part d’Oxfam qui nous a permis d’avoir un local équipé en matériel de bureau et un manuel de procédure pour démarrer ce vaste programme. A ce jour, nos principaux bailleurs sont Oxfam Novib et le Haut Conseil de lutte contre le Sida. Nous sommes sur un autre projet avec la Banque mondiale qu’on espère avoir dans notre lot de bailleurs de fonds.

Kibaruu.ml : Le Mali se relève progressivement d’une crise qui avait mis à terre ses institutions. Qu’est-ce que vous faites pour que les jeunes prennent conscience du rôle qu’ils doivent jouer étant donné que ce sont généralement eux qui paient un lourd tribut dans les conflits ?

Adam Dicko : Notre combat est destiné à faire entendre la voix des jeunes. Les institutions sont certes là, mais les jeunes ne les connaissent pas assez, car certaines ne communiquent pas sur le travail qu’elles font. Nous avons eu à faire une formation sur les institutions de la République. D’ailleurs, si vous demandez à un jeune universitaire de vous citer les institutions du Mali, vous risquez d’être déçu. C’est pour cela que nous avons entrepris de former les jeunes et de les informer sur le rôle de ces institutions pour initier un dialogue entre nous et elles afin de comprendre leur fonctionnement et leur utilité et voir dans quelle mesure la jeunesse peut leur être un atout. Aujourd’hui, il faut reconnaitre que la richesse de l’Afrique c’est sa jeunesse. Donc, il faut exploiter le potentiel de cette jeunesse qui est aussi un atout important pour le pays.

Dans la crise malienne, les jeunes sont surtout des victimes et sont utilisés. Ceux qui les utilisent le font pour des intérêts personnels ou des intérêts spécifiques que les jeunes ignorent. Donc, aujourd’hui, il faut que la jeunesse prenne conscience en s’approchant de ces institutions publiques, car celles-ci sont là pour elle et on doit être en mesure de les interpeller si elles ne font pas bien leur travail.  Il est aujourd’hui important qu’on arrive au stade où l’on doit interpeller les décideurs.

Kibaruu.ml : Quelles sont vos perspectives pour cette nouvelle année ?            

Adam Dicko : Pour 2016, nous projetons d’étendre notre association sur toute l’étendue du territoire national. Nous recevons beaucoup d’appels pour nous demander de nous implanter un  peu partout. Nous ne voulons pas être comme des partis politiques, c’est-à-dire avoir beaucoup de membres avec nous sans pouvoir faire bouger quoi que ce soit. Notre voulons vraiment apporter un changement, former et informer les jeunes. Pour cela, il faut des moyens, ce qui fait que nous n’avons pas pu aller partout. Pour le moment, nous ne sommes qu’à Bamako, Koulikoro et Ségou. Nous espérons que d’ici la fin de cette année, nous serons bien implantés sur toute l’étendue du territoire y compris à Kidal puis que ce sont des jeunes maliens qui s’y trouvent et ont besoin de ces notions. Nous voulons prouver au monde entier que nous sommes UN et INDIVISIBLE et que nous avons les mêmes problèmes auxquels nous devons nous attaquer. Nous voulons aussi nous attaquer à la question de la bonne gouvernance. Aujourd’hui, nous sommes confrontés à de nombreux problèmes et la plupart d’entre eux sont dûs à la mauvaise gestion des services publics, donc la mauvaise gouvernance. Ce qui fait que les jeunes doivent s’intéresser davantage à la vie publique. Il ne faut pas laisser ce volet seulement aux mains des politiciens, mais tous les Maliens doivent s’y intéresser. La gestion de la chose publique c’est donc l’affaire de tout le monde. Il faut dire aussi que 2015 a été une année assez chargée, nous espérons que 2016 soit encore meilleure.

Kibaruu.ml : Avez-vous un appel à lancer pour clore cet entretien ?

Adam Dicko : J’invite tous les Maliens à venir nous rejoindre dans l’AJCAD. Vous savez au sein de cette association, notre approche c’est de mettre ensemble ceux qui sont allés à l’école et ceux qui n’y ont été. Rares sont les associations qui ont cette approche qui consiste à mettre ensemble les secteurs formels et informels pour tirer le meilleur profit. La formule que nous préconisons c’est de partir dans les quartiers pour mettre en place des clubs. A partir de là, ces problèmes que nous soulevons deviennent l’affaire de tout le monde. Le dénominateur commun que nous cherchons c’est d’unir les jeunes autour de l’essentiel. Tant que vous êtes jeune, nos portes sont grandement ouvertes. Nous avons donc besoin de tout le monde, car la lutte que nous menons ce n’est pas seulement la nôtre, mais celle de tout le Mali et de son avenir.

A l’endroit des autorités, il faut arrêter de tenir des propos du genre "la jeunesse c’est l’avenir". Tel n’est pas le cas, nous sommes surtout le présent. Tant qu’on continue à nous faire croire que nous l’avenir, notre action sera limitée dans le temps. Nous sommes des jeunes, nous sommes le présent du Mali et c’est à nous de faire ce pays.