Affrontements à Kidal entre le GATIA et la CMA : des dizaines de morts et des blessés

Par kibaru

En fin de semaine dernière (jeudi et vendredi), des affrontements meurtriers ont opposé le GATIA aux mouvements de la CMA. Même si le bilan reste encore incertain, de sources dignes de foi évoquent au moins 80 morts parmi lesquels des chefs militaires des deux camps. Les blessés seraient au nombre d’une centaine. Plusieurs biens ont été soit pillés ou détruits. Pour l’heure, c’est un calme très précaire qui prévaut dans la ville et ses environs immédiats où il n’y a plus de présence militaire du GATIA.

Rappelons que tout a commencé dans l’après-midi du mardi 19 juillet dernier, lorsqu’un responsable militaire du HCUA a été tué suite à un échange de tir l’ayant opposé à des éléments du GATIA. Au cours de cette fusillade, deux autres individus dont un du GATIA et le fils d’un riche homme d’affaires de la ville proche du HCUA ont été tués. Les ex-rebelles avaient alors demandé au GATIA de leur remettre les éléments selon eux à l’origine de cette situation et d’évacuer ses troupes de la ville, le temps que la lumière soit faite sur cette affaire. En réalité, cet incident qu’un prétexte puisque le HCUA n’a jamais digéré la présence des éléments armés du GATIA à Kidal.

Cette tension est survenue 48 heures après la signature d’un accord à Niamey sous l’égide des autorités nigériennes à travers lequel les deux parties (GATIA et HCUA) s’engagent à cogérer de façon consensuelle les affaires de Kidal. Une entente qui n’a donc pu empêcher ces deux mouvements de s’affronter, faisant ainsi voler en éclat tous les accords de cessation des hostilités entre mouvements signataires de l’accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger.

Circonstances floues

Les affrontements intervenus les jeudi 21 et vendredi 22 juillet dernier ont été d’une rare violence. Les circonstances réelles de l’éclatement de ces combats sont encore floues puisque les deux camps s’accusent mutuellement. Du côté des ex-rebelles, on indique que des éléments armés du GATIA sont entrés en force dans la ville en provenance de Tinzawaten, localité proche de la frontière algérienne. Après un tour près du camp de la MINUSMA, ils se sont dirigés vers la maison du chef militaire du HCUA, Cheick Ag Aoussa, ex-bras droit de Iyad Ag Ghali, où ils ont ouvert le feu sans raison apparente.

Alors que pour le GATIA, ce sont les éléments du HCUA qui ont été les premiers à tirer sur une patrouille de leurs hommes qui ne faisait que regagner leur quartier général. En tout cas, les combats qui s’en sont suivis ont été les plus meurtriers jamais observés dans la ville depuis la signature de l’Accord issu du processus d’Alger. Selon un bilan établi par des organisations humanitaires, il y aurait au moins 73 morts, des centaines de blessés dont certains dans un état grave, parmi lesquels deux femmes civiles atteintes par des balles perdues et des dégâts matériels dont la destruction de 4 maisons par des armes lourdes. S’y ajoutent des prisonniers principalement issus des rangs du GATIA et la saisie de plusieurs de leurs véhicules équipés. A noter que parmi les victimes figurent un bras droit du général Gamou, un frère de Bilal Ag Acherif (MNLA) et bien d’autres.  

Pour l’heure, Gamou et ses hommes se sont retirés jusqu’à Tabankort, localité située à près de 150 km de Kidal. On ignore pour l’heure s’il s’agit d’un repli tactique en vue de lancer un nouvel assaut sur la ville de Kidal ou une résignation. C’est donc une forte tension qui règne dans la région de Kidal. De quoi mettre en péril les acquis du processus de paix.

Implication très controversée des forces étrangères

Au moment où ces violences éclataient, des sources affirment avoir aperçu des avions de la MINUSMA et de l’Opération Barkane survoler le ciel de Kidal. Bien qu’on ignore encore s’ils sont intervenus ou pas, leur présence a tout de même eu un impact sur ces affrontements. En effet, des boites de munitions de la MINUSMA auraient été découvertes sur les lieux des combats. Chaque camp accuse l’autre d’avoir bénéficié du soutien onusien.

De plus, la MINUSMA qui, dans le cadre du renouvellement de son mandat, doit protéger les civils et imposer le respect du cessez-le-feu, est passée complètement à côté de sa mission puisqu’aucune de ces deux mesures n’a été prises. La mission s’est contentée de dénoncer. Elle n’a même pas daigné condamner les exactions subies par des Imgad de Kidal – composante tribale majoritaire du GATIA – accusés d’être proches des combattants de ce mouvement de la Plateforme. Ce qui a conduit bon nombre d’entre eux à fuir la capitale de l’Adrar des Ifoghas, craignant pour leur vie.

 Concernant Barkhane, des sources ont démontré l’intervention d’éléments terroristes dans cette bataille, mais aucun d’eux n’a été inquiété. Pire, ils ont agi librement, faisant ainsi basculer les combats en faveur d’un camp. De quoi susciter des questions sur le rôle de ces deux missions au Mali.

Chronogramme chamboulé

En tout cas, à Kidal, la tension est à son comble. Il n’est du reste pas exclu que ces violences s’étendent vers d’autres localités du nord du pays où la cohabitation entre CMA et Plateforme est difficile. Conséquence immédiate, la mise en place des autorités intérimaires, prévue hier à Kidal, a été reportée sine die. L’on apprend également que les réunions des sous-comités thématiques censées préparer la prochaine session du Comité de suivi de l’accord, les 26 et 27 juillet prochain, ont été annulées. Ce qui veut dire que celle-ci risque d’être ajournée. Cette situation remet gravement en cause les acquis du processus de paix, puisque le chronogramme du calendrier de mise en œuvre des mécanismes de l’accord se retrouve complètement chamboulé. De quoi augmenter l’exaspération de la population dans cette partie du pays, qui ne cachait déjà pas son scepticisme quant au retour de la paix et qui déplorait la lenteur dans l’application de l’accord issu du processus d’Alger.