Comme à la fin de chaque année, l'ONG Amnesty international a passé au crible la situation des droits de l'Homme dans 159 pays. Dans son rapport daté d’hier mercredi 22 février, elle estime que 2016 a été une année " terrible " pour les droits de l'Homme avec des crimes de guerre perpétrés dans au moins 23 pays et le renvoi par 36 autres de réfugiés dans des pays où leurs droits étaient menacés. Au Mali, la situation n'est guère reluisante en raison de la multiplication des foyers de tensions au Nord et au centre du pays, privant de nombreux citoyens de jouir de leurs droits.
Pour l'ONG, les groupes armés se sont rendus coupables d'exactions, tuant notamment des soldats de maintien de la paix et des militaires maliens. Le rapport ne ménage pas ces derniers en leur reprochant d'avoir " recours à une force excessive et meurtrière, entre autres, contre des manifestants ".
C'est ainsi qu'Amnesty international rappelle l'attaque perpétrée en juillet dernier à Nampala contre un camp de l'armée malienne tuant 17 soldats et blessant 35 autres. Elle dénonce également le fait que Kidal soit toujours aux mains des groupes armés qui entravent la mise en œuvre de l'accord signé en 2015.
Selon elle, cette situation a poussé les autorités maliennes à maintenir l'état d'urgence jusqu'en mars 2017.
En tout, l'ONG révèle que 62 attaques ont été commises par les groupes armés en 2016, tuant 25 membres des forces de maintien de la paix et six civils travaillant par la mission onusienne au Mali. Des attaques généralement menées à l'aide de mines terrestres. A cette situation s'ajoute la reprise des enlèvements d'Occidentaux comme la missionnaire suisse, Béatrice Stockly à Gao, en janvier 2016 et la Française Sophie Pétronin à Tombouctou, en décembre 2016.
Par ailleurs, l'Organisation a également dénoncé l'usage excessif de la force par des éléments de l'armée malienne et des casques bleus de la MINUSMA. Ce, à travers 24 cas d'homicides, d'exécutions sommaires et de disparitions forcées en mars et en mai. Selon elle " 103 personnes avaient été arrêtées en 2016 par les forces maliennes et internationales pour des accusations liées au terrorisme ".
Parmi celles-ci " trois avaient été sommairement exécutées et 12 avaient été torturées par les forces maliennes".
S'y ajoute l'assassinat de deux manifestants et la blessure de quatre autres à l'aéroport de Kidal au cours au cours d'une manifestation contre les arrestations menées par les forces internationales.
Elle a aussi rappelé l'usage de balles réelles par les forces de sécurité maliennes lors de la répression meurtrière d'une marche pacifique à Gao.
Une situation au cours de laquelle trois manifestants à savoir Mahamane Housseini, Seydou Douka Maiga et Abdoulaye Idrissa ont perdu la vie et qui a fait une quarantaine d'autres blessés.
Le rapport épingle également les autorités qu'elle accuse de promouvoir l'impunité à travers la non-réparation des dommages causées aux victimes, l'insécurité, le manque de soutien logistique aux magistrats, les libérations tous azimuts et sans procès des prisonniers.
Pour illustrer cet état de fait, l'ONG de rappeler qu'en mai dernier, 12 personnes inculpées de faits en lien avec le terrorisme ont été condamnées à des peines de prison. Toutefois, elle déplore la libération accordée à certains au titre de l'accord pour la paix et la réconciliation. L'ONG a également critiqué le travail de la Commission vérité, justice et réconciliation. Créée en 2014 pour un mandat de trois ans, pour enquêter sur les graves violations des droits humains commises entre 1960 et 2013, cette structure n'est toujours pas opérationnelle.
S'agissant du domaine éducatif, l'ONG regrette que 296 des 2 380 écoles des régions de Gao, Kidal, Ségou et Tombouctou sont toujours fermées pour des raisons d'insécurité sans que des alternatives ne soient proposées. A cette situation s'ajoute la mauvaise qualité de l'enseignement, liée au grand nombre d'élèves par enseignant, ainsi qu'au manque de manuels scolaires et d'enseignants qualifiés. Elle a, en outre, relevé les disparités existant entre les zones rurales et urbaines en matière de scolarisation.
Avant de souligner que sept groupes armés continuent d'occuper des écoles. Ce rapport intervient à la veille de la huitième visite que doit effectuer au Mali l'Expert indépendant sur la situation des droits de l'homme, Suliman Baldo, prévue du 26 février au 8 mars 2017.
Une visite au cours de laquelle il va évaluer la situation des droits de l'homme dans le pays et observer les progrès réalisés dans la mise en œuvre des recommandations formulées dans ses rapports antérieurs au Conseil des droits de l'homme et en évaluer l'impact.