Entretien avec l’avocat de Al Hassan Ag Abdoul aziz, poursuivi pour des crimes de guerre à La Haye

Par kibaru
Al Hassan lors de l'ouverture de l'audience de confirmation des charges au siège de la Cour à La Haye (Pays-Bas) le 8 juillet 2019 © ICC-CPI

"Il est peu probable que le procès commence immédiatement, car l'accusation n'a pas fourni à la défense tous les éléments de preuve".
 
 
Une interview exclusive a été accordée à (www.kibaru.ml), le premier journal franco-arabe au Mali, par Melinda Taylor, avocate du Malien Al Hassan Ag Abdoul ziz Ag Mohamed, toujours en attente de son procès à la Cour pénale internationale de la Haye pour « crimes de guerre » commis à Tombouctou, durant l’occupation djihadiste en 2012. Il était le commissaire adjoint de la police islamique de Tombouctou pour le compte d’Ançar Dine. Dans cette interview réalisée par le journaliste Housseyne Ag Issa, Melinda Taylor a confirmé que le 30 septembre est la date à laquelle la CPI prendrait la décision visant à savoir s'il y avait suffisamment de preuves pour poursuivre son procès.
 
Elle a également indiqué que le parquet ou la défense pouvait faire appel de cette décision si les charges étaient confirmées. Le président du tribunal devait constituer une chambre de première instance.  
 
 
Quelles sont les accusations portées spécifiquement contre votre client  Al  Hassan Ag Abdoul aziz ? 
 
Melinda Taylor: L'accusation a allégué que M. Al Hassan faisait partie d'un plan conjoint visant à imposer la Charia à Tombouctou et dans ses environs. De même qu’il a été indiqué que certains crimes auraient dû être commis à la suite de la Charia. Ces crimes comprennent: la torture, les procès, les peines injustes, la destruction de biens culturels, le viol, l'esclavage sexuel, le mariage forcé et la persécution.
 
Où en est le dossier de Hassan et y a-t-il un sérieux coup à jouer pour gagner l'affaire?
 
Melinda Taylor : Pour le moment, la Chambre préliminaire décide de confirmer ou non les accusations portées contre mon client. M. Al-Hassan n'est donc pas accusé et il est présumé d'innocence. La Chambre a précisé qu'elle rendrait une décision dans les prochains jours (c'est-à-dire d'ici la fin du mois de septembre). La défense a contesté toutes les accusations et si l'affaire est jugée, elle affirmera que M. Al Hassan doit être acquitté de toutes les accusations. Nos arguments incluent que:
 
L’application de la charia n’est pas en soi un crime de guerre ou un crime contre l’humanité, et M. Al Hassan n’avait pas le pouvoir de déterminer comment la charia était interprétée et appliquée et quelles peines il fallait infliger.
         
Le rôle spécial de M. Al Hassan dans la police islamique n'a pas contribué aux crimes commis à Tombouctou ou ailleurs. M. Hassan a rejoint la police islamique pour aider à créer un environnement sûr et stable pour les civils à Tombouctou. Il n'a pas approuvé les actions plus radicales de certaines personnes, telles que Mohamed Moussa Ag Mohamed.
Ces personnes agissaient suivant leur propre ordre du jour, et non selon un plan conjoint convenu avec M. Al Hassan.
 
La défense a indépendamment demandé si les allégations de l'accusation étaient suffisamment sérieuses pour engager la juridiction de la Cour pénale internationale, créée pour juger les "crimes les plus graves".
 
Est-il vrai qu'un de ses avocats a été changé et pourquoi?
 
Melinda Taylor: La procédure devant la CPI est très complexe. M. Yasser Hassan n'a jamais comparu devant elle. Il n'avait aucune expérience de ses procédures ni de ses précédents judiciaires. De ce fait, il était difficile pour cet avocat d'assurer la représentation effective de M. Al Hassan devant la Cour pénale internationale.
 
Avez-vous besoin de témoins de Tombouctou pour obtenir gain de cause et quelles mesures sont prises pour les protéger s’ils acceptent de témoigner?
 
Oui, il sera nécessaire que la défense parle à des témoins potentiels à Tombouctou afin de défendre efficacement M. Al Hassan. Les témoins jouent un rôle clé dans la justice, qu’ils témoignent à charge ou à décharge. Le droit à un procès équitable dépend de la capacité de la défense d'appeler des témoins dans les mêmes conditions que l'accusation.
Nous espérons donc que les témoins sont disposés à nous parler et à contribuer à la justice de cette manière.
 
Si des personnes craignent que leur coopération avec la défense ou le tribunal ne crée un risque potentiel pour leur sécurité, elles peuvent alors demander des «mesures préventives». Cela peut inclure une gamme de mesures différentes, en fonction de leurs circonstances.
 
 Le principe de base est que les témoins ne doivent subir aucune conséquence négative du fait de leur coopération avec la Cour.
Il existe au sein du Tribunal une section spécialisée – la Section d’aide aux victimes et aux témoins – qui élabore et évalue la situation de l’individu et décide des actions qui pourraient être nécessaires pour assurer sa sécurité.
 
Les témoins peuvent également demander à témoigner de manière confidentielle afin que leurs identités ne soient pas révélées. Il est également important de préserver la confidentialité de toute interaction avec le tribunal ou la défense afin de maintenir la sécurité des personnes concernées.
 
Le pool d’avocats de la défense est composé de combien de membres ? 
 
L'équipe est petite comparée à la taille de la réclamation. Nous espérons obtenir davantage de ressources de la part des tribunaux jusqu'au stade du procès, afin de garantir un procès équitable.
 
Pouvez-vous énumérer le nombre de membres dont l’équipe de défense et celle de l’accusation sont constituées?
 
Nous ne connaissons pas le nombre total de personnes travaillant pour l'accusation , toutefois, ils sont 13 avocats différents à s’exprimer  au nom de l'accusation lors de l'audience de confirmation contre deux pour la défense.
 
La prochaine comparution de votre client est-elle toujours maintenue pour le 30 septembre?
 
Oui, c'est la date à laquelle nous recevons la décision de la Cour sur la question de savoir s'il existe suffisamment de preuves pour tenir le procès. L’accusation ou la défense peuvent donc faire appel de cette décision, si les charges sont confirmées. Le Président du Tribunal doit constituer une Chambre de première instance pour cet effet.
Il est peu probable que le procès commence immédiatement, car l’accusation n’a pas présenté à la défense tous les éléments de preuve.