Située à la lisière de la lisière de la frontière nigéro-malienne, la localité d’Anderamboukane, relevant administrativement de la région de Ménaka, a abrité du 14 au 16 juin dernier, une rencontre destinée à la restauration de la paix de part et d’autre de cette bande frontalière. Placée sous la présidence du chef de l’exécutif local, le gouverneur de la région de Ménaka, Daouda Bourama Maïga, cette rencontre a été organisée par le collège transitoire d’Anderamboukane, avec l’appui de l’ONG internationale Promediation et de l’ONG locale AHPDS.
Cette rencontre s’inscrit en droite ligne avec celle organisée le 10 juin dans la localité d’Abala, située en territoire près de la frontière malienne. Celle-ci qui avait regroupait les autorités coutumières et administratives d’Abala ainsi que leurs homologues d’Anderamboukan et des combattants de la Coalition MSA/GATIA, visait à prendre des mesures afin de renforcer la collaboration et l’implication de tous les concernés dans la lutte contre l’insécurité et la protection des personnes et de leurs biens.
Quant à la rencontre d’Anderamboukan en plus des participants d’Abala, elle a aussi réuni ceux de Banibangou, une autre localité nigérienne près de la frontière avec le Mali. S’y ajoutent quelques représentants des Équipes Régionales d’Appui à la Réconciliation (ERAR). La participation la plus remarquée est sans doute celle de certains responsables de la Coalition MSA/GATIA qui se bat non seulement pour la sécurisation de la zone, mais aussi pour la restauration de la paix et l’amorce de son développement harmonieux.
Parmi les personnalités qui se sont succédé au pupitre, on peut citer le maire d’Anderamboukane, le président du collège transitoire du même cercle, le coordinateur d’AHPDS, celui de Promediation, le représentant de l’équipe régionale d’appui à la réconciliation et de la cohésion sociale de Ménaka, celui de la délégation nigérienne ainsi que le gouverneur de la région de Ménaka. Tous se sont accordés sur la nécessité de se donner la main pour faire face aux défis sécuritaires. Ils ont aussi convenu de renforcer leur collaboration dans la promotion de l’entraide, de la solidarité et du vivre ensemble de part et d’autre de la frontière. Pour eux, il est important de briser le mur de la méfiance et de la crainte qui s’est érigé entre les communautés de cette zone suite à la crise sécuritaire de 2012. Toutefois, ils ont aussi mis l’accent sur la nécessité du retour de l’Etat dans toutes les localités désertées suite à cette crise afin que l’activité économique reprenne ses droits et que les services sociaux de base redeviennent fonctionnels. Cela, afin que le retour définitif de la paix soit une réalité de part et d’autre de la frontière commune au Mali et au Niger.
Il y a lieu de signaler que cette rencontre a également coïncidé avec l’investiture du nouveau coordinateur des chefs de villages et de fractions du cercle d’Anderamboukane en la personne de Aboubacrine Ag Mouchtaba. Les échanges fructueux et instructifs ont permis aux participants de déterminer les causes de la situation actuelle. Lesquelles sont entre autres, le retard dans l’application de l’accord de paix, la perte de l’autorité de l’état, la corruption et l’injustice, la militarisation des pasteurs, l’instrumentalisation politique des éleveurs, le déficit de communication entre les chefs coutumiers, la mauvaise gouvernance, la méconnaissance de la charte pastorale, la compétition autour des ressources naturelles. A celles-ci s’ajoutent l’occupation anarchique de l’espace pastoral, le communautarisme ou repli identitaire, le développement de l’économie criminelle, la perte de l’autorité traditionnelle, le manque de sincérité dans les engagements, l’analphabétisme, la faible implication des jeunes dans les prises de décisions, le chômage des jeunes, l’abandon des sites d’habitation créant un vide favorable au banditisme.
Aussi, les participants ont ébauché quelques pistes de solutions telles que le redéploiement de l’administration sur toute l’étendue du territoire, l’accélération du parachèvement de la mise en œuvre de l’accord notamment dans ses dispositions relatives au désarmement, à la démobilisation et à la réinsertion des combattants. De même qu’ils ont souhaité une plus grande implication des forces en présence dans la sécurisation des axes routiers et une formation des éleveurs sur les textes règlementaires sur le pastoralisme et des droits humains. Pour ce faire, ils ont demandé un renforcement de la lutte contre les braqueurs d’autre de la frontière. Tout en souhaitant, un contrôle plus strict sur la circulation des motos, ils ont mis l’accent sur la nécessité d’impliquer toutes les sensibilités dans les prises de décisions.
Autres recommandations formulées par les participants, c’est l’organisation régulière des rencontres transfrontalières entre les chefs coutumiers, l’organisation de rencontres transfrontalières entre éleveurs, la création de comités mixtes de vigilance, l’organisation de patrouilles mixtes le long de la frontière, la création et redynamisation de la coopération - jumelage transfrontalier, la promotion des conventions locales sur la gestion des ressources naturelles, la réalisation des projets à caractère collectif le long de la frontière, l’accompagnement de l’Etat et de ses partenaires pour la réinstallation des déplacés dans leurs sites d’habitation le long de la frontière, la tenue d’une campagne de sensibilisation avec des équipes mixtes des deux pays pour le vivre ensemble et la cohésion (mission conjointe le long de la frontière Nigéro-Malienne).
A l’endroit de la MINUSMA, les participants ont demandé un plus grand appui des autorités nationales et des autres parties signataires pour diligenter la mise en œuvre complète de l’Accord de paix. Ils ont aussi souhaité d’aider l’État du Mali à redéployer les services sociaux de base le long de la frontière nigéro-malienne. Cela, sans oublier la réalisation des projets à caractère collectif le long de la frontière (puits pastoraux, etc.) dans le cadre du financement des projets à impact rapide, l’aider aux pasteurs pour la compréhension et la vulgarisation des textes régissant la gestion et l’exploitation rationnelle des ressources naturelles (charte pastorale et lois d’orientation agricole), la facilitation de l’accès aux services de la MINUSMA pour dénoncer les violations de droits humains, la formation de la jeunesse sur la citoyenneté pour lutter contre l’incivisme et l’impunité dans cette partie du Mali.