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Hafizou Boncana Touré, président de la Plateforme « Ensemble nous sommes un Peuple » sur kibaru : « les jeunes ont un rôle important à jouer dans le processus de paix »

Par kibaru

Les jeunes du Mali ne veulent plus être en marge du processus de paix. En effet, ils entendent jouer entièrement le rôle qui est le sien. Toute chose qui justifie le lancement de la Plateforme « Ensemble, nous sommes un peuple ». Dirigée par Hafizou Boncana Touré, elle regroupe en son sein plusieurs associations de jeunes et de femmes animées d’une même volonté, celle de faire du Mali un havre de paix. C’est ainsi qu’il a bien voulu nous accorder une interview dans laquelle il revient sur l’historique de ce regroupement, l’importance du rôle de la jeunesse dans le processus de paix et les perspectives pour cette nouvelle année.

Kibaru.ml : Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?

Hafizou Boncana : Je m’appelle Hafizou Boncana, président de la Plateforme « Ensemble nous sommes un peuple ». Cette Plateforme est un consortium d’une quarantaine d’associations de jeunes et de femmes qui ont décidé de se mettre ensemble pour le processus de la paix et de la réconciliation au Mali. Depuis la crise de 2012, il y a eu plusieurs initiatives de jeunes pour le retour de la paix. On s’est dit qu’il serait plus judicieux qu’on se mette ensemble pour obtenir plus d’efficacité afin d’atteindre nos objectifs. Nos premières actions ont débuté par la campagne « Bring Back Our Girls » pour appeler à la libération des jeunes filles nigérianes enlevées à Chibok au Nigéria par le Boko Haram. C’est ainsi que nous avons initié des marches pour demander le retour de ces jeunes filles. Aussi, avec la détérioration de la situation sécuritaire à Kidal où des affrontements ont eu lieu, nous nous sommes mobilisés pour exiger l’arrêt des combats. Cette mobilisation a aussi concerné Bamako où il y avait des représailles contre des personnes de peau claire. Nous avons pris l’initiative de mettre en place cette Plateforme pour dire que nous sommes tous les fils du même pays, le Mali, et qu’il fallait éviter de faire de la stigmatisation et de l’amalgame. C’est donc par le biais de ces campagnes que nous avons eu l’idée de lancer cette Plateforme dénommée « Ensemble nous sommes un peuple ». Nous avons des documents administratifs qui régissent ce regroupement.

 

Kibaru.ml : Quels sont les objectifs de votre regroupement ?

Hafizou Boncana : Nous voulons d’abord un retour définitif de la paix au Mali. Nous menons également des campagnes de sensibilisation et des formations pour les organisations regroupées au sein de la Plateforme. Depuis notre lancement, nous avons eu à mener plusieurs activités qui entrent dans le cadre du processus de paix depuis les pourparlers inter-Maliens d’Alger jusqu’à la signature de l’accord. Des campagnes se sont déroulées dans les communes de Bamako et dans toutes les régions du pays et même dans les cercles. Toutes les écoles du second cycle au Mali ont été concernées par cette campagne. A travers ces dernières, nous avons organisé des matches de football pour le processus de la paix, des formations, des conférences…

Cette année, nous avons un partenariat avec la MINUSMA parce que nous avons plusieurs objectifs en commun. Le partenariat a commencé avec l’activité de la journée spéciale « jeunes et MINUSMA, unis pour la paix au Mali ». Le jeudi 7 janvier dernier, nous avons organisé un marathon qui regroupait toutes les régions du pays, de Kayes à Kidal, une équipe de Bamako et une autre de la diaspora au stade Mamadou Konaté. Après le marathon, il y a eu une cérémonie officielle durant laquelle des messages sur la paix et la réconciliation nationale ont été livrés. L’activité a été clôturée par un concert qui a vu la prestation de certains artistes comme Iba One, Safi Diabaté, Tal B… qui ont également conscientisé la jeunesse et tous les participants à l’activité sur les questions de paix et de réconciliation. Il faut comprendre qu’aujourd’hui, il y a une résolution au niveau des Nations Unies qui a été adoptée pour l’inclusion des jeunes au processus de la paix et de la réconciliation. De ce fait, les jeunes ont un rôle important à jouer dans le processus de paix et nous nous sommes dit qu’il ne fallait pas qu’on soit en marge de ce processus. Nous avons un rôle important à jouer, c’est pour cela que nous nous sommes retrouvés pour mener des activités qui entrent dans ce cadre. Aussi, nous avons compris que dans toutes les guerres, ce sont les jeunes qui prennent les armes et ce sont eux également qui sont les victimes. Donc s’il s’agit de trouver des solutions pour le retour de la paix dans notre pays, qui de mieux que les jeunes pour le faire.

Kibaru.ml : Envisagez-vous de faire des activités dans les autres régions du pays ?

Hafizou Boncana : Nous comptons mener des activités dans toutes les régions du pays. C’est vrai que jusque-là, nous nous sommes beaucoup plus focalisés sur Bamako, mais dans les régions aussi, nous menons certaines activités comme des conférences et des rencontres d’échanges avec des jeunes et des femmes. Pendant le processus des discussions sur l’accord, nous avons eu une équipe qui était bien formée sur ce document qui a sillonné toutes les communes de Bamako pour essayer de l’expliquer davantage aux populations dans toutes les langues du pays. C’était une occasion d’aller à l’écoute des populations par rapport aux craintes exprimées sur le contenu du document que nous avons recensées. Nos activités se font donc sur toute l’étendue du territoire national et dans toutes les langues du pays.

 

Kibaru.ml : Bénéficiez-vous d’un accompagnement de l’Etat pour mener à bien vos activités ?  

Hafizou Boncana : Pour nos premières activités, nous avons été accompagnés par certains partenaires comme PAT-Mali, etc. L’Etat à travers le ministère de la Réconciliation nous a aussi soutenus dans ce marathon de la paix que nous venons d’organiser. Et à chaque fois que l’Etat organise des activités concernant ces volets, nous sommes associés. C’était notamment le cas pour la caravane de la paix qui a sillonné la quasi-totalité des régions du pays dans laquelle nous avons envoyé trois de nos jeunes qui avaient une expertise avérée sur l’accord de paix. A chaque fois que nous saisissons les autorités, elles nous soutiennent.

Kibaru.ml : Vos activités ont-elles un impact sur le tissu social qui a vraiment été mis à mal par ces crises cycliques ?

Hafizou Boncana : C’est vrai que le tissu social a fortement été effrité et l’impact est tellement visible que nous nous sommes dit qu’il ne fallait pas qu’on reste en marge. Nous avons reçu des échos favorables qui nous poussent à poursuivre sur la même lancée. Cela nous a permis de comprendre beaucoup de choses notamment la perception de la population sur l’accord et aussi d’offrir l’opportunité à tous les fils de ce pays de se rencontrer et de discuter sur de nombreuses questions. L’impact de nos activités est aussi très visible dans les formations pour le renforcement des capacités des organisations de la société civile. Ce sont donc des signaux très positifs qui nous poussent à continuer pour essayer d’atteindre nos objectifs, car le processus de la paix c’est une mission de longue haleine. Le marathon que nous avons initié exprime aisément ce processus de la paix parce que c’est une course de fond et non de vitesse. Pour ce faire, nous avons besoin de l’accompagnement de tout le monde et de l’implication de tous pour qu’on puisse réussir cette noble mission à savoir le retour de la paix et du vivre-ensemble.

Kibaru.ml : Quelles sont vos perspectives pour cette nouvelle année ?  

Hafizou Boncana : Juste après ce marathon, nous avons l’intention d’organiser une autre activité dénommée « le podium de la paix » en collaboration avec nos partenaires tels les autorités du pays et la MINUSMA. Celui-ci mettra en compétition des groupes de jeunes artistes qui chanteront sur la paix, le vivre-ensemble et les droits humains. Ce sera une occasion de déceler des talents en chant et danse qui viendront de tout le pays. Cette activité se fera d’abord au niveau des communes, puis les régions et enfin il y aura une grande finale qui aura lieu à Bamako avec un concert et des prix à distribuer aux plus méritants. Nous prévoyons de l’organiser lors de la journée internationale des casques bleus, célébrée le 29 mai de chaque année. Nous avons également d’autres projets tels que l’organisation d’une grande rencontre des jeunes issus des pays du G5 Sahel (le Mali, la Mauritanie, le Niger, le Tchad et le Burkina Faso). Aujourd’hui, il faut dire que la sécurité au niveau du Sahel est une question importante. Nous envisageons d’organiser cette rencontre au niveau de la jeunesse parce qu’aujourd’hui la solution à ces problèmes c’est dans tout le Sahel pas seulement au Mali. Il serait également important pour les jeunes qui vivent dans cet espace d’avoir une vision commune pour lutter contre la montée en puissance de l’extrémisme violent et du terrorisme. Nous réfléchissons également à d’autres activités qu’on fera à Sikasso, à Mopti, Kidal, parce qu’on ne veut pas uniquement s’arrêter à Bamako.

Amara Sidibé, président de la commission projet de la Plateforme

… Nous avons beaucoup de projets en vue. Ils touchent particulièrement la paix, la réconciliation et la gouvernance. Pour l’instant, nous mettons l’accent sur la paix et la réconciliation. Prochainement, nous comptons nous attaquer à d’autres axes de notre programme. Nous avons un projet qu’on appelle « école et réconciliation » qui va se dérouler dans les lycées de Bamako et à l’intérieur du pays, histoire de permettre à nos jeunes de cultiver la citoyenneté. Nous pensons que la réconciliation va de pair avec la citoyenneté, car il faut un nouveau type de citoyen malien pour que ce qui nous est arrivé ne nous arrive plus. Nous avons aussi un autre projet qui touche les élections communales et régionales que le Mali s’apprête à organiser. L’idéal c’est de sensibiliser les jeunes et les femmes, car nous souhaitons que ces deux couches vulnérables de la société participent massivement à ces scrutins en tant que candidats et électeurs. Ce que nous recherchons c’est une grande représentativité des femmes et des jeunes parce que nous pensons qu’il est impossible de rester hors du système pour l’impacter.

Notre mission, ce n’est pas nécessairement de nous présenter, mais d’inciter plus de jeunes à s’engager. En 2016, notre action phare sera la rencontre du G5 Sahel qui va regrouper l’ensemble des jeunes de cet espace pour voir ensemble ce qu’on peut faire pour ramener la paix dans notre zone. Aujourd’hui, le Mali est certes le maillon faible, mais les autres pays de la sous-région ne sont pas également à l’abri. Nous pensons qu’il y a un décalage entre les décisions prises au sommet et ce qui est fait sur le terrain. Cette situation nous concerne directement parce quand il y a conflit ce sont les jeunes qui paient un lourd tribut. Il faut donc qu’à un moment donné qu’on se retrouve pour mettre un terme à ces pratiques. Nous avons aussi des projets de renforcement des capacités parce que nous ne pouvons pas être des leaders tant que nous ne sommes pas bien formés. Nous prévoyons des rencontres et des formations avec des institutions de la République, car il est important que les jeunes les connaissent davantage. A la fin de ce programme, nous voulons que les jeunes soient en mesure d’interpeller les décideurs s’il y a des erreurs qui sont commises. En somme,  nous voulons donc être une force de propositions.

Kibaru.ml : Un dernier mot pour clore cet entretien…

Hafizou Boncana : Nous lançons un vibrant appel à tous les jeunes du Mali pour qu’ils se donnent la main afin que nous réussissions ce processus de paix parce que la paix c’est d’abord nous, les Maliens, ce n’est pas seulement le rôle de la communauté internationale et même de l’Etat. Nous invitons les jeunes à nous rejoindre pour que la paix soit une réalité puisque c’est un combat de tous les jours.