Commune frontalière avec le Mali, située à plus de 2000 km d’Alger et à plus de 500 km au sud-ouest du chef-lieu de la wilaya de Tamanrasset dont elle dépend, Tinzaouatine a connu hier de violents incidents opposant des groupes de jeunes aux gardes-frontières. Un mort et trois blessés sont à déplorer. Dans un communiqué rendu public hier, le MDN affirme que les gardes-frontières n’ont aucune responsabilité dans les tirs d’armes à feu qui ont coûté la vie à un citoyen sur place.
De nombreuses images et vidéos sur de violents affrontements entre les gardes-frontières et la population de Tinzaouatine, commune de Tamanrasset, située à 550 km du chef-lieu de wilaya et à plus de 2000 km d’Alger ont fait le tour des réseaux sociaux dès la matinée, appuyées par des photos de blessés par balles.
Des faits qui ont fait l’objet d’un communiqué rendu public hier en fin de journée par le ministère de la Défense nationale (MDN) et dans lequel il est expliqué que les incidents «se rapportent à une tentative menée par des personnes connues par leurs activités suspectes dans la contrebande et le crime organisé, visant à détériorer le mur de sécurisation, en appelant les habitants à la violence et à la manifestation, dans une manœuvre visant à libérer l’étreinte sur leurs intérêts dans la région».
Le communiqué affirme par ailleurs qu’«au moment où les éléments des gardes-frontières sont intervenus pour apaiser la situation, des coups de feu inconnus ont été ouverts depuis Ikhraben en direction des positions de nos gardes-frontières, ayant touché un individu parmi la foule, qui a été immédiatement évacué par les gardes-frontières pour être pris en charge par les services de santé». Le blessé a fini par succomber à ses blessures. Une enquête a été ouverte, annonce encore le MDN, pour élucider les circonstances de ces incidents.
Contactées par téléphone, de nombreuses sources locales évoquent de violentes émeutes après la tentative des citoyens de la ville d’arracher les barbelés installés par les unités de l’armée depuis quelques jours séparant la ville de Tinzaouatine de celle qui porte le même nom du côté malien. Fermée depuis des années, la frontière entre les deux villes n’était pas hermétique puisque des passages permettaient les échanges entre les familles des deux côtés.
Depuis quelques semaines, les autorités sécuritaires ont renforcé ce dispositif par des barbelés. Ce qui a suscité la colère de la population. «Tous nos appels n’ont servi à rien. Hier, vers 9h, des groupes de jeunes se sont rués sur la frontière pour arracher les fils barbelés, suscitant les premiers tirs de sommation des gardes-frontières. Il y a eu trois blessés, dont un a rendu l’âme du côté des jeunes, et d’autres dont on ne connait pas le nombre du côté des gardes-frontières», relate un notable de la région.
Joint également par téléphone, le maire de Tinzaouatine, M. Mansouri, abonde dans le même sens : «Tout le monde sait que de nombreuses familles sont partagées entre les deux villes que sépare l’oued. De l’autre côté, il n’y a rien, ni eau, ni produits alimentaires, ni les moindres conditions de vie. Il est tout à fait normal que les familles s’entraident. Elles viennent s’approvisionner à Tinzaouatine et repartent.
La décision d’installer des fils barbelés aurait dû être prise en concertation avec les notables de la région afin qu’ils puissent convaincre la population, ou à la limite trouver des solutions alternatives à la fermeture. C’est ce qui a poussé les jeunes à sortir ce matin (hier) pour arracher les barbelés. La confrontation avec les gardes-frontières était inévitable. Les premiers tirs de sommation n’ont pas fait reculer la foule.
La situation a dérapé avec la première victime, un jeune blessé par balle. Une pluie de pierres et de projectiles s’est abattue sur les gardes-frontières, occasionnant des blessures à quelques-uns d’entre eux.» Notre interlocuteur exprime son «regret» face à de «tels dérapages» et dit espérer une «intervention rapide des autorités afin de prendre en charge les préoccupations» de la population «déjà exprimées à maintes reprises».
En effet, le 11 juin dernier, dans une lettre adressée au wali de Tamanrasset, des représentants de la société civile avaient fait état d’une liste de revendications, parmi lesquelles «la levée des barrières et fils barbelés installés autour de la ville, la coupant de l’oued, source d’approvisionnement en eau, la mise en place de points d’accès aux éleveurs, et surtout l’ouverture de canaux de communication entre les notables et les autorités sécuritaires».
Quelques semaines auparavant, sept députés des wilayas de Tamanrasset, Illizi et Adrar ont interpellé le Premier ministre sur «la nécessité d’aller vers un plan de régulation des zones fermées par des barbelés, de mettre en place des passages pour les éleveurs et les agriculteurs et de faciliter l’accès à la ressource hydrique, ayant pour but, plaident-ils, d’assurer la protection des frontières, des biens et des populations et de faire face aux menaces terroristes». Pour les députés, «les stratégies sécuritaires des wilayas frontalières doivent être en adéquation avec la vie des populations qui vivent sur la bande frontalière».
El-Watan