Alors que la situation sur le terrain reste particulièrement critique, le sujet peine à émerger en France.
Pendant que l'armée française attaque sa huitième année de présence au Sahel, une enquête d'opinion a donné pour la première fois une majorité de Français hostiles à cette opération militaire. Le 12 janvier, l'institut Ifop obtenait 51% de sondés défavorables à l'opération Barkhane, dont 19% franchement opposés. Un effet des cinq soldats tués en fin d'année au Mali? Le débat politique, lui, peine à émerger.
Le député de La France insoumise (LFI) Bastien Lachaud fait partie de ceux que l'on entend le plus régulièrement sur cette thématique, notamment pour réclamer un retrait. Membre de la commission Défense de l'Assemblée nationale, il accuse régulièrement le gouvernement de «botter en touche» lorsqu'il pose des questions sur la guerre au Sahel. «Personne ne considère chez nous qu'il existe une situation simple alors que la situation sur le terrain est complexe, tient à préciser l'élu de la Seine-Saint-Denis. Mais malgré cette complexité, on ne peut pas dire que la situation s'est améliorée depuis huit ans. Le nombre de djihadistes ne réduit pas durablement. Le coût humain et financier est sans commun rapport avec ce qu'on peut en tirer. Il faut redonner aux peuples sahéliens les moyens de décider eux-mêmes.»
Par culture, les élus français préfèrent en général se montrer prudents à propos de l'engagement des militaires. Comment remettre en question les choix du gouvernement sans donner l'impression de ne pas soutenir les troupes qui sont en première ligne? Un exercice d'équilibrisme délicat, d'autant plus que ce débat mobilise relativement peu l'opinion publique. Le député Thomas Gassilloud, du groupe Agir, préfère proposer de «rester au Sahel, mais autrement». L'élu du Rhône, ancien de La République en Marche (LREM), réclame d'«éviter la fuite en avant militaire, qui voudrait une solution uniquement militaire et [d']éviter le retrait qui laisserait le Sahel sans solution. Barkhane peut gagner des batailles. Mais Barkhane, seul, ne peut pas gagner la guerre.»
Une version géostratégique du «en même temps» présidentiel, qui correspond en grande partie à la stratégie adoptée par la France. Le gouvernement promeut depuis le début de l'année 2020 une approche fondée sur quatre piliers: coercition militaire contre les groupes djihadistes par Barkhane, formation des armées locales par les Français et les Européens, diplomatie pour renforcer les États locaux et développement pour donner les moyens aux populations de leur subsistance et de leur épanouissement. Sur le terrain, au Tchad, au Mali et au Niger, les opérationnels rencontrés au mois de novembre, qu'ils soient militaires ou diplomates, affichaient tous leur confiance en ce plan.
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