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Violences intercommunautaires à Ké-Macina : Une mission gouvernementale pour éviter une reprise des affrontements

Par kibaru
des corps tombés lors des affrontements

Les tueries provoquées par des tensions communautaires dans la zone de Ké-Macina depuis le début de cette semaine ont surpris plus d’un observateur. Cette explosion de violences entre les communautés Peules (éleveurs) et Bambaras (agriculteurs), a fait des dizaines de morts, des blessés et des domiciles brûlés. S’y ajoute un déplacement massif des populations dans d’autres localités de l’intérieur comme de l’extérieur du pays. Le gouvernement a dépêché sur place une mission composée de quatre ministres pour tenter de faire baisser la tension.

De l’avis de certains, depuis un certain temps, tout portait à croire que certaines localités pourraient renouer avec les violences intercommunautaires. Malheureusement, les actions menées pour éteindre le feu ont été très timides. Pourtant, la tension entre éleveurs (essentiellement Bambara) et agriculteurs n’est pas nouveau. Ce qui a envenimé la situation c’est le fait que le terrorisme s’est invité dans les débats avec les exactions commises par les éléments de la Katiba d’Ançar Dine (mouvement terroriste majoritairement composé de Peuls). Une partie de cette communauté se dit victime d’amalgame puisque d’autres en profitent pour faire un règlement de comptes en leur arrachant des biens. Pour le cas de Ké-Macina, c’est  l’assassinat d’un boutiquier Bambara, qui fait également office de chef de village qui a mis le feu aux poudres. Sans chercher à comprendre, ses proches ont voulu se faire justice eux-mêmes en menant une expédition punitive contre les Peuls soupçonnés d’être derrière le meurtre du boutiquier. La suite tout le monde la connait : au moins une dizaine de morts, plus selon certains, des blessés et des villages peuls incendiés. De sources dignes de foi, certains ont même été enterrés dans une fosse commune. Ces combats ont aussi entrainé un déplacement massif des populations aussi bien de l’intérieur que de l’extérieur du pays.  

Réaction tardive et timide des autorités

Selon des observateurs, la moindre des choses auraient été de donner une dimension nationale à ce drame. Comme cela a été le cas pour l’attentat-suicide meurtrier qui a visé le camp du MOC, à Gao, le 18 janvier dernier. A cette époque, un deuil national de trois jours a été décrété, les drapeaux sont restés en berne, des mesures sécuritaires draconiennes ont été mises en place, etc. Pour couronner le tout, c’est le président de la République en personne qui a effectué le déplacement dans la Cité des Askia, se faisant remplacer par le Premier ministre au sommet des Etats du Liptako Gourma regroupant outre le Mali, le Burkina Faso et le Niger. Pour le drame de Ké-Macina, seuls quatre ministres à savoir Hamadoune Konaté de l’Action humanitaire, Mamadou Ismaël Konaté de la Justice et Mohamed El Moctar de la Réconciliation nationale et Mohamed Ag Erlaf de l’Administration territoriale, ont fait le déplacement dans la localité. A eux s’ajoute le président de la Haute Cour de Justice, Abderrahmane Niang, député élu de la zone. Ils étaient venus présenter leurs condoléances et offrir une somme très symbolique aux parents des victimes. Ils ont également promis l’ouverture immédiate d’une enquête pour situer les responsabilités. Déjà, des informations font état de plusieurs arrestations.En fait, ce que dénoncent les proches de certaines victimes c’est l’impunité qui fait que des présumés coupables de meurtre sont très souvent relâchés. C’est ainsi qu’ils ont cité l’exemple des tensions intercommunautaires de Dioura en mai 2016 entrainant la mort de dizaines de Peuls. Les enquêtes qui ont été ouvertes n’ont pas permis de mettre la main sur les véritables auteurs des crimes.

Aussi, après ces événements de Dioura, il avait été décidé de mettre en place un Comité paritaire composé de chefs de villages qui vont prêcher la bonne parole et éviter la recrudescence des violences. La non-tenue des promesses de soutien financier et matériel a mis fin aux bonnes intentions de ce Comité. Par ailleurs, d’aucuns ont également dénoncé la non-exécution de certaines décisions de justice qui font que les populations se rendent justice elles-mêmes à travers des représailles, des règlements de comptes, etc. Souvent ces décisions ne sont pas appliquées pour des considérations étroites et subjectives. Une situation favorisée surtout par l’absence de l’administration. De nombreux administrateurs préfèrent les grandes agglomérations plutôt que les localités reculées à cause de l’insécurité. Ceux qui sont restés sur place ont énormément de mal pour faire respecter l’autorité de l’Etat. S’y ajoute le silence, voire l’inaction des organisations de la société civile, notamment les défenseurs des droits de l’homme.

Par ailleurs, cette localité fait également face à une circulation massive des armes due à la crise sécuritaire de 2012 qui avait contrait l’armée à abandonner plusieurs de ses positions. Il convient d’ajouter à cette situation, la création de multiples milices armées qui commettent des exactions au nom des communautés. Pour ramener le calme et la tranquillité dans cette partie du pays, il convient de procéder à un désarmement total et un démantèlement de ces milices, y compris par la force.

Il est clair que le maintien de cette situation rend le centre et une partie de l’ouest du pays, des terreaux fertiles pour l’action des terroristes. La plupart du temps, ces derniers ne profitent que des chaos et les confusions pour s’installer durablement. Aujourd’hui, tout le monde s’accorde à dire que la région de Mopti singulièrement, est devenue l’épicentre du terrorisme au Mali et dans tout le Sahel. D’où la nécessité d’une action forte qui ne doit pas qu’être l’usage de la force, mais aussi et surtout privilégier une approche idéologique. Ce n’est que par cette voie que l’on pourra lutter durablement contre le terrorisme qui n’a pas fini d’étendre ses filets.