Le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) à la Haye a connu mercredi 29 novembre un véritable coup de théâtre. A l'énoncé de sa condamnation à 20 ans de prison, Slobodan Praljak, un des accusés croates de Bosnie, a crié "Praljak n'est pas un criminel. Je rejette votre verdict", avant de sortir une fiole remplie de "poison" et d'en avaler.
Un incident qui a forcé le tribunal à suspendre immédiatement son audience. Les rideaux entourant la salle ont été tirés et des secouristes sont intervenus. L'homme, âgé de 72 ans, est mort peu de temps après dans un hôpital de La Haye, a annoncé l'agence officielle croate Hina. La salle d'audience du tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) est donc désormais une "scène de crime" et une enquête a été ouverte par la police néerlandaise.
Ingénieur devenu directeur de théâtre, Slobodan Praljak n'était pas un militaire à l'origine, mais la guerre venue, il a vite gravi les échelons des forces croates. Haut responsable des forces armées de la république croate de Herceg-Bosna qui a combattu les Bosniaques en 1993-94, il a été cité comme l'un des responsables de la destruction du pont ottoman de Mostar. Pour de nombreux Croates, il reste toutefois un héros. La semaine dernière, la présidente Kolinda Grabar-Kitarovic avait rédigé un message d'hommage, lu lors d'une promotion d'un ouvrage en son honneur.
L'incident a fait réagir le Premier ministre croate Andrej Plenkovic. D'après lui, le "geste" de Slobodan Praljak illustre "la profonde injustice morale" commise par le tribunal de La Haye.
Jadranko Prlic condamné à vingt-cinq ans de prison
La mort par empoisonnement de Slobodan Praljak est survenue mercredi lors de l'audience en appel concernant six ex-dirigeants et chefs militaires des Croates de Bosnie, accusés notamment de crimes de guerre durant le conflit croato-musulman (1993-1994) qui a éclaté durant la guerre en Bosnie (1992-1995). Elle s'est produite juste après la confirmation par les juges de la condamnation à vingt-cinq ans de prison de l'ex-dirigeant des Croates de Bosnie, Jadranko Prlic.
Une peine de quarante ans de prison avait été requise contre cet ex-dirigeant des Croates de Bosnie, condamné en 2013 à vingt-cinq ans de prison en première instance pour avoir mené le transfèrement de populations musulmanes lors de la guerre de Bosnie. Et pour avoir eu recours à des meurtres, des viols et des destructions de biens civils dans le but de créer une "grande Croatie". Des actes qualifiés par l'accusation de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité, commis lors de la guerre en Bosnie (1992-1995) qui a fait plus de 100.000 morts et 2,2 millions de déplacés.
Siégeant à La Haye, le TPIY devait se prononcer ce mercredi pour la toute dernière fois avant d'achever ses travaux en décembre, après avoir consacré plus de vingt ans à juger les coupables des pires atrocités en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale.
Ce n'est pas la première fois qu'un incident de ce genre se produit au TPIY. En 2006, l'ex-chef des Serbes de Croatie, Milan Babic, 50 ans, condamné à 13 ans de prison pour des exactions commises pendant la guerre de 1991-1995 en Croatie, s'était suicidé dans la prison du TPIY à La Haye. Il s'agissait du second détenu du tribunal à mettre fin à ses jours, après un autre Serbe de Croatie, Slavko Dokmanovic, en juin 1998.
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