Tous les Etats membres, à l’exception notable des Etats-Unis, ont reconnu la nécessité d’une meilleure coopération internationale sur le sujet.
L’ONU a démontré que le multilatéralisme n’était pas complètement mort en s’accordant, vendredi 13 juillet, sur un pacte mondial sur la migration, l’un des sujets les plus controversés du moment. C’est une « une bouffée d’air frais », a reconnu un diplomate, en référence au durcissement des politiques migratoires en Europe ou aux Etats-Unis.
Au total, 192 Etats membres des Nations unies – excepté les Etats-Unis, qui se sont retirés des négociations au mois de décembre – ont entériné l’idée d’un « pacte mondial pour une migration sûre, ordonnée et régulée », qui doit encore être formellement adopté à Marrakech les 10 et 11 décembre prochain. Les deux cofacilitateurs, l’ambassadeur suisse Jürg Lauber, et le Mexicain Juan José Gomez Camacho, ont salué un effort de coopération « historique ».
« On peut se mettre la tête dans le sable »
La manœuvre – qui avait commencé il y a plus de dix-huit mois à la suite de la « déclaration de New York » – était périlleuse, tant les Etats membres sont soucieux de préserver leur souveraineté sur un sujet qui suscite de vives réactions populistes à travers le monde, et notamment en Europe qui connaît sa plus grave crise migratoire depuis la seconde guerre mondiale
Le président de l’Assemblée générale, le Slovaque Miroslav Lajčák, avait rappelé au début du cycle de négociation l’urgence de trouver un accord :
« On peut se mettre la tête dans le sable, se dire qu’on s’en occupera demain, que ce sera pour une autre génération, lors d’une autre crise. Ou alors agir, planifier, organiser un système et répondre à un phénomène mondial par une solution mondiale. »
Grâce à ce document non contraignant, les Etats s’engagent à mieux coopérer pour réduire le chaos de la migration irrégulière et combattre les trafics d’êtres humains, comme en Libye notamment.
L’Union européenne « d’une seule voix »
Le pacte, qui repose sur vingt-trois objectifs, est « un guide des bonnes pratiques et un catalogue de solutions », résume Louise Arbour, la représentante spéciale du secrétaire général sur la migration, et ancienne haut-commissaire aux droits de l’homme. « Il rappelle tous les grands principes tels que la défense des droits de l’homme et de l’enfant et couvre tout le spectre de la migration, que ce soit la compilation de données pour mieux appréhender le phénomène migratoire ou les questions liées au départ, au transit, à l’accueil, au travail, à l’accès aux services sociaux, au retour et à la réintégration, explique-t-elle. Les Etats membres ont accepté de négocier, car ils ont compris que ce pacte ne forçait en rien l’adoption de politiques nationales. »
L’Union européenne, profondément divisée sur la réponse à apporter à cette crise, a parlé « d’une seule voix durant les négociations », assurent les deux cofacilitateurs. C’est même, selon un participant, l’Autriche qui a pris la parole au nom des Vingt-Sept alors que Vienne – qui préside l’Union européenne pour les six prochains mois – tente de renégocier toutes les règles du droit d’asile européen.
Des pays « ancrés dans la paranoïa »
« La conversation à New York entre Etats membres a été plus sereine, plus respectueuse, plus ancrée dans la réalité. Maintenant, le défi va être de réconcilier des discours nationaux qui sont ancrés dans la paranoïa. C’est un pari sur l’avenir, car la mobilité humaine est non seulement un phénomène inévitable mais surtout, bien gérée, elle peut donner des dividendes extrêmement positifs », assure Mme Arbour.
Selon l’ONU, les migrants représentent 3,4 % de la population mondiale soit 258 millions de personnes. Ils contribuent à près de 10 % du produit intérieur brut global, selon une étude du cabinet de conseil McKinsey.
Si les organisations internationales se sont réjouies de l’adoption de ce pacte, elles se sont élevées contre le langage employé sur la détention des mineurs, qui, selon le pacte, ne doit intervenir « qu’en dernier recours ». « J’aurais évidemment voulu que ce soit une interdiction totale, assure une négociatrice, mais le principe d’une négociation est de faire des compromis et cette question était une ligne rouge pour de nombreux Etats. »
« C’est un très bon texte ! Est-ce que c’est parfait ? Non, évidemment. Le langage aurait pu être plus robuste, mais ce pacte va dans la bonne direction », estime pour sa part une diplomate. « L’important, c’était d’avoir cette vision collective et un engagement », assure, quant à elle, Mme Arbour. « Nous ouvrons pour la première fois un grand débat de manière progressiste. A nous maintenant d’insuffler un vent de concrétisation. »
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