La situation dans le Nord-Mali inquiète. Les événements de ces derniers mois montrent que les groupes terroristes y ont retrouvé un pouvoir de nuisance et une capacité opérationnelle. "Cela va mieux!", affirme pourtant le général Patrick Brethous, commandant de la force Barkhane.
"S'il y a un dossier qui nous préoccupe, c’est bien le Nord-Mali, beaucoup plus que Boko Haram. C’est redevenu une zone de non-droit où les djihadistes se restructurent grâce au narcotrafic." Ce haut responsable d’Afrique de l'Ouest, qui requiert l’anonymat, ne cache pas sa déception sur la situation malienne allant même jusqu’à dire qu’une partie des effets de l’opération Serval "est aujourd’hui annulée". Les événements de ces derniers mois montrent que les groupes terroristes y ont retrouvé un pouvoir de nuisance et une capacité opérationnelle certains : c’est depuis le Mali qu’ont été conçus les attentats de Bamako, Ouagadougou et plus récemment à Grand-Bassam, en Côte d’Ivoire. Derrière ces attaques, on retrouve Aqmi (Al Qaida au Maghreb islamique) et Al-Mourabitoune, créé par Mokhtar Belmokhtar. Après des années de brouille, les deux groupes terroristes ont annoncé en décembre leur réconciliation.
"L’armée malienne a fait d’énormes progrès"
Ansar Dine, autre mouvement djihadiste présent dans la zone, poursuit lui aussi sa stratégie de harcèlement à la fois contre les Forces armées maliennes, les casques Bleus de la Minusma mais aussi les éléments français de l’opération Barkhane (3.500 hommes), qui a pris le relais de Serval en étendant son périmètre d’action à toute la Bande sahélo-saharienne (BSS). C’est bien cette organisation, dirigée par la figure touarègue Iyad Ag Ghali, qui a revendiqué avoir posé la mine près de Tessalit sur laquelle, le 12 avril, a sauté un véhicule avant blindé (VAB), tuant trois soldats français. Enfin, la situation politique et sécuritaire dans la ville de Kidal, ville-clé du Nord-Mali, se dégrade. Les négociations pour implanter sur le terrain les accords de paix d’Alger patinent. Et le 12 février, une attaque à la roquette sur le camp de la Minusma, la mission de l’ONU, s’est soldée par la mort de neuf hommes, six casques bleus et trois soldats maliens.
«Notre présence au Niger a aussi tari considérablement les flux de trafic (d’armes)»
"Cela va mieux!", affirme pourtant le général Patrick Brethous, commandant de la force Barkhane. "L’armée malienne a fait d’énormes progrès. Notre présence au Niger a aussi tari considérablement les flux de trafic (d’armes). Certes, les GAT (Groupes armés terroristes) ont de l’argent et peuvent encore payer un jeune 100.000 FCFA (150 euros) pour poser une mine. Mais ils n’ont plus d’unités structurées aptes à combattre, hormis peut-être Ansar Dine. Nous ne leur laissons aucun répit." Un Rafale a d’ailleurs fait feu sur une cible dans l’Adrar des Ifoghas la semaine dernière.
Un ennemi "fuyant et désilhouetté"
Reste que le Sahel fatigue le matériel militaire et que les hélicoptères, indispensables pour surprendre cet ennemi "fuyant et désilhouetté", manquent. Les très utiles Mirage 2000, qui étaient positionnés à Niamey, n’y sont plus et la décision de les faire revenir n’a pas encore été prise. La situation risque de se tendre encore plus dans les mois qui viennent pour Barkhane puisqu’elle a reçu mission de pallier au départ de Sangaris en RCA (République Centrafricaine) et de venir au secours du régime centrafricain en cas de crise.
"Nous nous adaptons à ces situations, tempère le général Brethous. Notre mission n’est pas d’éradiquer complètement ces groupes terroristes ou alors il me faudrait au moins 30.000 hommes. Mais ce qui est certain, c’est que les djihadistes n’ont plus de sanctuaire au Nord-Mali. D’ailleurs, s’ils frappent en dehors du pays, c’est peut-être parce qu’ils sont acculés sur leur territoire."
Jeudi, devant les troupes basées au poste de commandement de Barkhane à N’Djamena, le ministre français de la Défense, Bernard Cazeneuve, a pourtant évoqué les derniers attentats dans la région et la nécessité pour l’opération de s’adapter à la nouvelle donne.
Jdd