Gao : l’armée prend le contrôle du site aurifère de N’Tahaka

Par kibaru

Les Forces armées maliennes ont investi, samedi 15 novembre 2025, le vaste site d’orpaillage de N’Tahaka, dans la région de Gao, consolidant ainsi la reprise en main par l’État d’une zone longtemps livrée à l’exploitation artisanale et au pouvoir de groupes informels. Cette opération intervient dans un contexte où les autorités cherchent à rétablir un contrôle strict sur les sites aurifères stratégiques du nord.

Le site d’orpaillage de N’Tahaka, situé à une quarantaine de kilomètres de Gao, est considéré comme l’un des plus importants du nord du Mali. Depuis des années, des milliers d’orpailleurs y travaillaient sans encadrement formel, dans un environnement marqué par l’absence de régulation, des accidents mortels fréquents et des mécanismes de taxation illégale opérés par différents groupes. Cette situation avait déjà conduit les autorités à intervenir à plusieurs reprises afin de rétablir l’ordre sur un site devenu trop sensible.

En août 2024, l’État malien avait officiellement attribué à SOREM-Mali SA — Société de Recherche et d’Exploitation des Ressources Minières du Mali — un permis d’exploration de 97,41 km² couvrant précisément la zone de N’Tahaka. Ce permis marquait une volonté de formaliser l’exploitation aurifère dans une région où l’or représente depuis longtemps une source majeure de revenus, mais aussi un terreau de tensions et de concurrence entre groupes armés. Depuis cette attribution, plusieurs opérations avaient été conduites pour évacuer progressivement les orpailleurs et sécuriser le périmètre.

À la fin octobre 2025, les autorités avaient déjà ordonné l’arrêt des activités artisanales, envoyant une délégation sur place pour vérifier l’application de la décision. Quelques jours plus tard, plusieurs médias rapportaient que l’armée malienne avait commencé à « investir » le site afin d’y installer une présence permanente. L’intervention du 15 novembre s’inscrit ainsi dans la continuité de ces mesures, avec pour objectif d’assurer un contrôle total du site et de prévenir toute reprise d’activité incontrôlée.

Le contexte sécuritaire pèse lourdement sur cette décision. Les sites aurifères du nord ont longtemps constitué une source de financement pour divers groupes armés qui y imposaient parfois leurs propres règles, prélevaient des taxes ou exploitaient directement les filons. Pour l’État malien, la maîtrise de N’Tahaka répond autant à un impératif économique — sécuriser un potentiel aurifère important — qu’à un enjeu de sécurité nationale, en coupant des sources de revenue aux acteurs armés présents dans la zone.

Pour les populations locales, cette reprise en main soulève des attentes mais aussi des inquiétudes. L’orpaillage artisanal représentait une source immédiate de revenus pour de nombreux jeunes et familles de la région, dans un contexte marqué par un chômage structurel et un manque d’opportunités économiques. L’État assure que le cadre légal mis en place, à travers SOREM-Mali, permettra une exploitation plus sûre et plus bénéfique à long terme pour le pays. Mais en attendant une exploitation industrielle ou semi-industrielle, l’éviction des orpailleurs pose la question de l’alternative économique pour les communautés.

La prise de contrôle de N’Tahaka s’inscrit dans une stratégie plus large du gouvernement visant à restaurer l’autorité de l’État sur les ressources naturelles, après des années de gestion informelle. D’autres sites du nord et du centre ont été récemment « assainis » ou placés sous surveillance, dans une dynamique que les autorités présentent comme un tournant vers la formalisation et la souveraineté économique. Reste désormais à suivre l’évolution du site, les opérations de SOREM-Mali et les retombées économiques attendues dans une région où la stabilité demeure fragile.