La Mauritanie, un leader antiterroriste au Sahel

Par kibaru

La Mauritanie fait figure d’exception dans la zone du Sahel. Le pays n’a pas connu d’attaques terroristes depuis 2010. Un succès dû à l’accroissement des moyens militaires, mais aussi à des mesures de dialogue et de pédagogie pour contrer la propagande islamique et discréditer les terroristes.

Le tournant de 2010

Le 24 décembre 2007, l’assassinat de quatre touristes français en Mauritanie fait la une de l’actualité. Deux jours plus tard, trois soldats mauritaniens sont tués dans la base militaire de Al-Ghallaouia, une attaque revendiquée par Al-Qaeda au Maghreb islamique (AQMI). Début 2008, la course automobile Paris-Dakar est annulée pour « menaces terroristes ». Un mois plus tard, l’ambassade d’Israël à Nouakchott, ainsi que la boîte de nuit mitoyenne, le « V.I.P », sont pris pour cibles par six individus qui ouvrent le feu.

Depuis 2010, plus rien. Comment la Mauritanie s’est-elle prémunie contre le risque terroriste ? Le Chef de l’État mauritanien, Mohamed Ould Abdelaziz, explique ce revirement. « Nous avons été victimes de plusieurs attaques terroristes au début des années 2000. À l’époque, notre armée n’était pas en mesure de sécuriser le pays. À partir de 2009, elle a été restructurée, modernisée et préparée au nouveau contexte sous-régional. Nous avons également créé des unités mobiles spéciales, les plus à même de réagir à ces attaques »

Renforcer les moyens militaires et la lutte transfrontalière

Le budget des armées a été augmenté et devrait plus que doubler en 2016, passant de 3 à 7 milliards d’ouguiyas (soit de 9 à 20 millions d’euros). Des zones militaires et 35 points de passage obligés ont également été mis en place pour assurer la sécurité avec la frontière malienne. Le Mali et la Mauritanie partagent plus de 2000 kms de frontière commune. Mais le Mali manque autant de vision que de moyens dans sa politique de lutte antiterroriste, ce qui lui avait valu d’être pointé comme « maillon faible » par la Mauritanie en 2012.

Des groupes d’experts des deux pays se sont réunis l’été dernier pour mener sur réflexion sur les modalités pratiques de la coopération transfrontalière. Plusieurs recommandations ont été faites, notamment l’échange des renseignements entre les forces de défense ou encore l’implication des populations dans la lutte contre la criminalité transfrontalière.

Mener un combat idéologique

Pour le colonel Brahim Vall Ould Cheibani, ancien chef du troisième bureau à l’état-major des armées, et aujourd’hui directeur du projet « cole supérieure des sciences de la guerre », c’est la transversalité de la politique mauritanienne de lutte contre le terrorisme qui fait son succès. « Loin de se limiter à l’aspect purement coercitif de la lutte contre le terrorisme, l’approche mauritanienne est multidirectionnelle, préventive et répressive, expliquait-il. Elle a ratissé large en prenant en compte tous les autres corollaires qui abritent ou alimentent directement ou indirectement l’activité des terroristes »

Outre le renforcement des moyens militaires, le Président « Aziz » a en effet décidé de diversifier son approche pour répondre au problème en amont, en s’attaquant notamment à l’endoctrinement idéologique. Parmi les mesures mises en place pour contrer l’islamisme radical, des débats entre imams et terroristes ont été organisés et une radio du Coran a été créée.

Privilégier le dialogue

Mohamed Ould Abdelaziz s’était déjà illustré en tant que pacificateur, dans l’exercice de ses fonctions de Président de l’Union africaine (UA). Obtenant en mai 2014, à Kidal, un accord de cessez-le-feu entre trois groupes armés et le gouvernement malien, il privilégie l’écoute et le dialogue comme armes de persuasion. « Je me suis entretenu individuellement avec toutes les factions, puis je les ai réunies afin d’obtenir cet accord de paix, qu’elles ont signé sur place », indiquait-il en juin 2014, un mois après la signature.

« Certes, ce n’est pas une solution définitive à un conflit qui n’a que trop duré, mais c’est un début. Il s’agit d’une action ponctuelle, ouvrant la voie à une reprise du dialogue » Une méthode qui a fait ses preuves, mais qui, pour le Président, ne suffit pas toujours. « On peut envisager le dialogue avec les parties qui l’acceptent. Mais face au terrorisme aveugle il faut utiliser les moyens sécuritaires. En combinant les deux, on parviendra à trouver une solution », avait-il expliqué au sujet de la situation au Nigeria.

En tout cas, le pays assume son rôle de leader sécuritaire dans la région. Des troupes sont déjà déployées au Mali et en République centrafricaine. « C’est un rôle que nous devons jouer » assure Mohamed Ould Abdelaziz

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