Selon des sources sécuritaires au Sahel, le chef d’al-Mourabitoune aurait été remplacé par son adjoint Abderrahmane al-Sanhadji
Selon les informations recueillies par Middle East Eye auprès de sources sécuritaires mauritanienne et malienne, Mokhtar Belmokhtar, le très influent chef algérien du groupe al-Mourabitoune, affilié à al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), qui vit caché en Libye, aurait été écarté du commandement de son groupe par le conseil des notables.
Ce dernier aurait nommé à sa place – sans l’officialiser – un autre Algérien, Abderrahmane al-Sanhaji, que Belmokhtar avait nommé comme adjoint.
« On sait peu de choses sur lui si ce n’est qu’il est plus jeune que Belmokhtar, dont il est aussi l’homme de confiance », explique un cadre des renseignements algériens à MEE. « Il fait partie des anciens cadres d’al-Moulathamine [Les Enturbannés, un groupe créé par Belmoktar lorsqu’il a choisi de faire scission avec AQMI en 2012]. C’est un survivant de l’opération Tiguentourine : lors de la prise d’otages de la base pétrolière en janvier 2013, il se trouvait de l’autre côté de la frontière, en Libye, dans le groupe de soutien aux terroristes. »
Les tensions avec Belmokhtar remonteraient en réalité à décembre 2016. À ce moment-là, le conseil des notables d’al-Mourabitoune se réunit pour prendre position sur la fusion des groupes armés sous le commandement du chef touareg malien Iyad ag-Ghali.
La création de ce nouveau mouvement, appelé « Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans au Maghreb islamique », a été annoncée en février mais le groupe se serait formé un peu plus tôt.
Ralliée à Ayman al-Zawahiri, actuel dirigeant d'al-Qaïda, cette nouvelle organisation rassemble plusieurs figures des groupes islamistes armés de la région : Iyad Ag Ghali (Ansar Dine), Djamel Okacha, alias Yahia Abou al-Hammam (l'émirat du Sahara, une branche d’AQMI) et Mokhtar Belmokhtar.
« Ses hommes doivent lui rester fidèles »
« Pour eux, qui prévoient de se réunir régulièrement, l’absence de Belmokhtar est déjà un problème. Mais c’est le conseil des notables d’al-Mourabitoune qui s’en est le premier agacé. Il a demandé à plusieurs reprises à Belmokhtar de se joindre à eux. Il n’est jamais venu », précise le Mauritanien. « Au cours de cette réunion, ils ont exprimé leur accord avec la fusion. Ils ont dit que leur groupe s’alignerait sur la stratégie du nouveau commandement mais ont précisé qu’al-Mourabitoune resterait autonome pour tout l’aspect opérationnel. Belmokhtar a rejeté ces décisions au prétexte qu’elles ne doivent pas être prises sans lui, et que même s’il est loin, ses hommes doivent lui rester fidèles. »
Les raisons de cette absence seraient liées à son état de santé. En novembre dernier, il avait été, avec d’autres leaders d’AQMI, visé par une frappe de drone américaine. Grièvement blessé au dos et brûlé au second degré, il avait été soigné par un médecin de Ghadamès (oasis du sud libyen, à la frontière avec la Tunisie et l’Algérie) et un infirmier nigérien.
Du côté algérien, un proche du dossier de Tiguentourine, estime que ce rebondissement était « prévisible ».
« Lorsqu’en 2014, Le Borgne [surnom donné à Belmokhtar qui a perdu un œil en Afghanistan] s’est réfugié en Libye, il a laissé derrière lui plusieurs cadres de la katiba al-Moulathamine, des Maliens, des Algériens, des Mauritaniens. » Au début, ça fonctionnait sans lui, mais avec le temps, son absence est devenue un problème. « C’est probablement cette absence qui a poussé Abou Walid al-Sahraoui à rompre avec al-Mourabitoune pour rejoindre le groupe État islamique (EI) en 2015. »
La mise à l’écart de Belmokhtar a été confirmée par les services sécuritaires du Mali qui lui ont attribué un nouveau statut. « Il est passé de ‘’dangereux chef de groupe terroriste’’ à ‘’terroriste isolé’’. » À Alger, un ex-officier de la lutte anti-terroriste estime que l'homme « ne doit pas être aussi vite enterré ». « Tout au long de son parcours de djihadiste, Belmokhtar a souvent été écarté. Mais il est toujours revenu... »
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