La CMA et la Plateforme partagent l’évaluation sommaire ci-après dans un souci de contribuer à une plus grande dynamisation du Processus.
Plus de six mois après sa signature, l’Accord de Paix connaît un retard, des obstacles qui génèrent des frustrations, entament la confiance indispensable à la réussite du processus de paix. En effet, aucun des délais prévus par l’accord et les différents chronogrammes mis en place dans le cadre du CSA, n’ont été respectés.
L’absence d’une volonté politique dans la mise en œuvre de l’Accord, le retard dans l’élaboration et l’application des textes législatifs, règlementaires, voire constitutionnels, le déficit de concertation et d’implication de toutes les parties dans la conception des actes majeurs de la mise en œuvre, etc, et bien d’autres aspects importants, compromettent la mise en œuvre diligente de l’Accord. La responsabilité de cette situation incombe autant aux autorités maliennes qu’aux garants de l’accord.
La CMA et la plateforme ont retenu sur les quatre thématiques les points suivants :
Questions politiques et institutionnelles
Le constat général est que la non application des dispositions pertinentes de l’accord sur cette question compromet la paix, la sécurité, la réconciliation et le développement.
La mise en place des autorités de transition traine à voir le jour ;
Les régions de Ménaka et de Taoudéni, ainsi que les cercles D’Almoustarat et d’Achibagho, ne sont toujours pas opérationnels, faute de décrets d’application (les autorités ne sont pas encore désignées et les deux régions ne sont pas encore érigées en collectivités territoriales)
Le débat sur une « meilleure représentation des populations du nord du Mali dans les institutions et grands services publics, corps et administrations de l’Etat » n’est pas encore ouvert
L’ouverture du Haut Conseil des Collectivités Territoriales reste attendue ;
Le chantier de la révision constitutionnelle en vue de prendre en charge les réformes institutionnelles prévues par l’accord, n’a toujours pas démarré
Les questions de représentation des populations du Nord à l’Assemblée Nationale par l’augmentation du nombre de circonscriptions électorales et/toutes autres mesures appropriées, n’ont pas été prises en charge.
Questions de défense et de sécurité.
Points d’avancement
La CTS et les EMOV sont mises en place ;
Le MOC est mis en place ;
Les décrets relatifs à la Commission Nationale DDR et à la Commission Nationale d’Intégration ont été adoptés ;
La CMA et la Plateforme ont remis chacune à la CTS la liste de leurs douze sites prioritaires. Sur les 24 sites retenus de commun accord, 17 ont été visités et validés par l’équipe de reconnaissance de sites de la CTS.
Un projet de décret vient d’être communiqué aux Mouvements, il reste à ouvrir les débats sur cette question.
Points de non-exécution
La CTS : La question de sa prise en charge n’est toujours pas tranchée à ce jour ;
Le MOC : Bien que l’Etat-Major ait été mis en place, ce mécanisme sur lequel repose la responsabilité de la sécurisation des opérations de cantonnement, n’est pas fonctionnel : le statut des combattants devant servir dans le MOC n’est pas défini et les moyens logistiques ne sont pas encore à disposition ;
La Commission Nationale d’Intégration et la Commission Nationale de DDR ne peuvent être opérationnelles tant que le Conseil National de la Réforme du Secteur de la Sécurité, n’est pas fonctionnel ; le débat sur les textes relatifs à la création du CNRSS a été engagé mais n’a pas connu d’avancée significative ;
Les engagements pris le Gouvernement dans le cadre du pré-cantonnement, pour la prise en charge des combattants, n’ont connu aucun début d’exécution ;
La question de la libre circulation des personnes et des biens reste posée dans l’ensemble des Régions du Nord,
Développement économique, social et culturel
Points d’avancement :
Une mission d’évaluation des besoins a été effectuée par la Mission d’Identification et d’Evaluation Conjointe (MIEC) ;
Une note d’amendements du rapport de la MIEC a été remise par la CMA et la Plateforme ;
Un Plan de réouverture des écoles a été élaboré ;
Une conférence a été tenue à Paris sur le financement du développement du Nord Mali/Azawad, anticipant la phase cruciale d’élaboration de la stratégie de développement des régions du Nord.
Points de non-exécution :
La mission réalisée par la MIEC s’est faite sans implication de toutes les parties et n’a pas couvert toutes les zones du Nord du Mali/Azawad ;
Les services sociaux de base, notamment les écoles, ne sont toujours pas fonctionnels dans la plus grande partie du Nord du Mali/Azawad ;
Certains partenaires techniques et financiers n’ont pas encore confirmé leurs engagements financiers de la Conférence de Paris ;
La nécessité d’organiser d’autres conférences d’appel de fonds est d’actualité ;
La réflexion sur les modalités de gestion transparente des fonds annoncés, n’a pas été engagée ;
Le plan d’urgence humanitaire n’a pas été mis en œuvre à ce jour ;
Les Mouvements n’ont pas été associés aux réunions techniques sur la réhabilitation des Zones Post-conflit (CRZPC) ;
Le débat sur la stratégie spécifique de développement des régions du nord, notamment la création et la mise en place du Fonds de Développement durable n’est pas engagé ;
La CMA et la Plateforme constatent que le Gouvernement, procède à la désignation des Directeurs Régionaux de Agences de développement dans les Régions du Nord, contrairement aux dispositions de l’article 40 de l’accord.
Réconciliation, justice et questions humanitaires
Points d’avancement :
Mise en place de la Commission Vérité Justice et Réconciliation(CVJR)
Tenue de la rencontre de réconciliation entre la CMA et la Plateforme à Anefif, suivie de plusieurs autres rencontres intercommunautaires dans le Nord du Mali/Azawad
Lenteurs :
La libération des personnes détenues du fait du conflit n’est pas encore effective et les cas de disparition et de dissimulation de personnes restent posés ;
La CVJR n’est pas opérationnelle en dépit du décret pris pour son élargissement ;
La commission d’enquête internationale indépendante, telle que prévue dans l’accord n’est pas encore mise en place ;
Il y’a pas de perspectives claires pour le retour organisé des refugiés ainsi que pour la viabilisation des sites d’accueil.
Conclusion :
Au regard des constatations énumérées ci-dessus, la CMA et la Plateforme rappellent qu’elles n’ont ménagé aucun effort pour participer et contribuer positivement à l’application de l’accord en respect de leurs engagements.
Elles restent convaincues que seule une mise en œuvre globale et diligente de l’Accord, dont les aspects politiques et institutionnels constituent le socle, sauvera le processus. Il convient de préciser que la mise en place des autorités de transition relève de l’urgence, notamment, pour aider les populations locales à avoir davantage confiance dans le processus et se sentir impliquées.
Il est impératif de clarifier, ce, conformément à l’esprit de l’accord et à la feuille de route, qu’il n’existe que trois parties à l’accord et qu’aucune autre considération ne peut et ne doit amener à envisager la création d’autres parties.
Du fait du terrorisme mais aussi des exactions des forces armées et de sécurité maliennes et de certains groupes armés non contrôlés, des affrontements intercommunautaires, la sécurité s’est davantage dégradée depuis la signature de l’accord. Les victimes sont de plus en plus nombreuses, parmi les populations civiles, les membres des mouvements signataires, les forces armées et de sécurité du Mali et les forces internationales (Minusma et Barkhane).
La multiplication des exactions contre des populations doit être immédiatement jugulée, les violations répétitives des droits de l’homme doivent faire l’objet d’enquêtes rapides, sérieuses et crédibles. À titre d’illustration, les massacres de civils dans la localité de Goundam le 15 janvier 2016 par l’armée malienne posent un acte particulièrement grave et sans précédent depuis la signature de l’accord, mettant en péril les timides avancées du processus.
En définitive, la CMA et la Plateforme, soucieuses du respect de l’unité nationale, de l’intégrité territoriale et de la souveraineté de l’Etat du Mali, recommandent fortement la mise en place d’un gouvernement d’union nationale ou d’un gouvernement de transition. Les deux parties appellent également la communauté internationale, garante de l’Accord, au respect de ses engagements et à son implication effective dans la mise en œuvre de l’Accord.
Alger le 18 Janvier 2016